Un moment marquant a été forcément le prix Nobel attribué à Alice Munro, auteure que nous traduisons. J’étais en compagnie de notre responsable des droits, Violaine Faucon. Après notre rendez-vous de 12 h 30, nous nous étions rapprochés du stand suédois où un écran diffusait en direct l’annonce du prix. J’ai entendu le nom d’Alice Munro et je n’y croyais pas, j’étais abasourdi. On s’est un peu éloigné du stand, et là, Violaine m’a fait part de sa stupéfaction. Apparemment, après l’annonce, j’ai poussé un hurlement et donné un coup de poing sur une table. Un moment d’absence puisque je ne m’en souviens pas ! J’ai regardé ma main et remarqué que je m’étais effectivement fait mal. Je suis resté dans un état second pendant quelques heures.
A Francfort, je me souviens aussi du grand éditeur américain Roger Straus, décédé en 2004. Il était perçu comme l’oracle de la profession. Les gens venaient lui serrer la main et lui signifier leur admiration pour son travail. Je l’appréciais et le considérais comme un ami. Mais il pouvait être très poli comme très grossier. Je me souviens d’une fois où j’étais à son stand et un jeune homme est venu lui dire qu’il était son idole et qu’il connaissait tout son parcours. Straus hoche la tête jusqu’à ce que le type s’en aille, se retourne et nous lance : "who the fuck was that !" (rires). Je n’ai jamais connu un autre éditeur capable de sortir autant de gros mots ! I. C.