Soliloque du manque. « Comme le dit si bien Cordelia : Mon cœur est trop loin de ma bouche. Moi, c'est le contraire : mon cœur est trop près - il est trop parlant. Ça discute dedans sans cesse. Je suis envahie par des pensées nulles : minuscules, soucis, rappels à l'ordre, injonctions, factures, etc. Au lieu de traiter des vastes problèmes du monde, je me suis limitée au souci des objets qui m'entourent. » La voix parle, ne peut s'empêcher de parler. Des mots, elle n'en a pas assez pour faire diversion, pour faire tampon entre l'intuition de la fin et le constat de sa réalité. Des mots toujours pour ne pas dire le manque, la béance du silence de l'autre qui se tait.
Irréparable d'Olivier Cadiot est la chronique d'une rupture annoncée, voire consommée : une femme face à l'homme mutique chante l'amour enfui. L'élégie est morcelée en une soixantaine de paragraphes brefs. Dans sa tête, parmi « ce micmac entre soi et les autres », il y a un oiseau qui fait des trilles. Le pathos est désamorcé par la logorrhée névrotique de l'énonciatrice. C'est à la fois désespéré et d'une cocasserie désabusée. La pythie assène sa vérité : « Quand on perd des gens qui ont été si proches finalement nous nous manquons à nous-mêmes. C'est ce qu'on dit. C'est suffisamment malin pour indiquer une tactique possible de sortie. »
Ce minimum opus va être mis en scène à l'automne. Car l'écriture de Cadiot est théâtrale, dramatique, elle est surtout poïétique, « propre à fabriquer » des objets de réflexion, de contemplation, de désir. L'ouvrage est minime mais pas mineur, c'est un éclat (de voix) sorti du grand chœur, il sonne comme un écho autonomisé de l'œuvre totale.
Irréparable
P.O.L
Tirage: 2 000 ex.
Prix: 9 € ; 48 p.
ISBN: 9782818057513