En couverture, un enfant appuie sa main contre la vitre d'un train, sur laquelle est inscrite la mention « Issue de secours ». Cet enfant pourrait se prénommer Paul, comme le fils de Minh Tran Huy, il pourrait également s'appeler Temple, comme Temple Grandin, professeure en sciences animales de renommée internationale et première personne autiste à avoir témoigné de son expérience de vie. L'un est né à Paris en 2013, la seconde à Boston en 1947, et l'on suit, dans Un enfant sans histoire, leurs trajectoires parallèles au sein d'une société qui ne leur est pas tout à fait adaptée.

Un jour où, étudiante donnant un coup de main à la cafétéria de son campus, elle se retrouve coincée entre les portes vitrées d'une vitrine, face à des personnes qui, depuis l'extérieur, tentent de lui parler sans qu'elle ne parvienne à les comprendre, Temple Grandin songe que « c'était exactement cela, l'autisme [...] : une paroi invisible qui la séparait des autres et l'empêchait de les entendre ». Une paroi invisible contre laquelle se heurte Minh Tran Huy dans ses interactions avec son fils qui, dès sa naissance, « semble toujours lutter, lutter, lutter, contre le sommeil et contre le reste du monde ». Au fil de son récit, on suit le parcours du combattant d'un enfant qui « ne s'abandonne que quand il dort profondément » et d'un couple qui tente de se maintenir à flot, dans un pays plusieurs fois condamné par le Conseil de l'Europe « pour discrimination à l'égard des enfants autistes ». L'alternance des pages consacrées à Paul et de celles retraçant la destinée émérite de Temple Grandin (diagnostiquée avec des dommages cérébraux à l'âge de 2 ans mais qui, grâce à la pugnacité de sa mère Eustacia, poursuivra sa scolarité jusqu'au doctorat et incarnera aux États-Unis la possibilité d'une intégration réussie pour des personnes atteintes de handicap) traduit l'espoir d'une mère bien décidée à « sortir de l'ignorance pour sortir de l'impuissance ».

Écrivaine de fiction, Minh Tran Huy invite le réel dans son travail et livre un témoignage qui, passé l'agitation coutumière à toute rentrée littéraire, restera. En donnant forme au chaos devenu son quotidien, elle rend universelle une lutte personnelle, choisissant la littérature pour arme, et une écriture qui porte au lieu d'apitoyer, qui nous permet de mieux comprendre le monde dans lequel évoluent tant de personnes dites « inadaptées ». Dédié à celui qui ne le lira pas, ce livre s'inscrit dans la continuité du combat de la « voix des sans-voix » Temple Grandin, et de tous ceux qui œuvrent en leur nom.