Avant-critique Roman noir

Sale défaite. Le braquage dérape et la gamine s'effondre. Bruce Willis a la rage, perd la boule et prend la route. Après sa trilogie anglaise chez Rivages et d'appréciables Power (Stéphane Marsan, 2018) ou Dehors les chiens (10-18, 2021), Michaël Mention nous assoit d'autorité à la place du mort, de la petite morte en somme, aux côtés de cet autre justicier démâté. Disquaire à Pigalle, en plein essor punk post-1977 et bon gars sans histoire, Franck n'a certes pas les mensurations du rôle. Mais la haine s'apparente au plus solide des tuteurs pour transformer un bichon urbain en loup sans frontières. Sa quête du talion le conduira de Paris à Toulouse, puis de Marseille jusqu'aux jungles guyanaise et guyanienne, sur la piste d'un tatouage anarcho-ressassé qu'il finira par retrouver en novembre 1978 au sein d'une communauté d'illuminés, le tristement célèbre Temple du Peuple du révérend-gourou Jim Jones. Le 18 du même mois, un autre dérapage, plus collectif celui-là, bouleversera la planète et la trajectoire de Franck. Au rythme de courts chapitres serrés comme autant d'expressos, forcément noirs, se dessine la plongée du narrateur dans une folie acrimonieuse, sans cesse alimentée par celle des autres. Apocalypse Now et ses fleuves de sang ne sont jamais loin, les machettes et les kalachnikovs non plus. Si le thème de la vengeance paternelle (présent partout, le mois dernier encore au cœur du Rétiaire(s) de DOA) est usé jusqu'à la corde, Michaël Mention en offre néanmoins une déclinaison robuste et adroite.

Michaël Mention
Les gentils
Belfond
Tirage: 5 000 ex.
Prix: 20,50 € ; 352 p.
ISBN: 9782714497338

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