Phénomène : "Mali, ô Mali", le retour de Madame Bâ
L’académicien Erik Orsenna revient au roman avec la suite de Madame Bâ, un conte politique en prise directe sur l’actualité.
Eclairant les événements les plus récents au Sahel, Mali, ô Mali d’Erik Orsenna arrive 4e dans la liste des meilleures ventes romans et se place d’emblée en 10e position du Top 20, tous genres confondus. Stock l’a publié le 19 février avec un premier tirage de 60 000 exemplaires et l’a réimprimé deux fois : il atteint désormais un tirage total de 70 000. Erik Orsenna n’avait pas écrit de romans depuis dix ans et offre ainsi une suite à Madame Bâ, paru chez Fayard en 2003 (1).
Mali, ô Mali reprend le fil des aventures de Madame Bâ, "institutrice à la retraite, surveillante surnuméraire à la cantine de l’école Ferdinand-Buisson", qui vit dans cette région de "l’extrême Nord du Mali" qu’on appelle Montreuil (93100) et Villiers-le-Bel (95400). Madame Bâ, à la fois trucculente et cinglante, est de la race des "Grandes Royales", comme "la reine Daurama, qui protégea les villages haoussa des serpents géants, Anna Zingha, la reine d’Angola, qui tua son frère pour défendre son pays des envahisseurs portugais, […] ou la cruelle Malan Alua, souveraine de Krinjabo, qui consommait un mari tous les soirs". Elle revient au Mali, telle une Jeanne d’Arc en boubou, pour bouter les djihadistes hors du pays, en compagnie de son petit-fils, devenu musicien d’Oxmo Puccino depuis qu’elle l’a éloigné de la drogue, et dont elle fait son griot.
Mali, ô Mali est à la fois un conte drolatique et une initiation politique que l’on peut lire pour mieux comprendre les conflits en cours dans cette région d’Afrique. Au gré du voyage de Madame Bâ, qui la mène de Bamako, le "marigot du caïman", à Tombouctou, libéré par les Français, en passant par le fleuve Niger, surgissent les problèmes de démographie et la guerre de l’eau, la faim et les camps de réfugiés, les militaires tout-puissants, la violence et les massacres, la corruption et les trafics de drogue. Avec humour, l’auteur convoque au passage des personnages réels comme François Hollande et "un petit vieil homme chauve qui ignorait que la pire plaie de l’Afrique ce sont les épouses de présidents, d’hommes politiques et de chefs militaires qui font chauffer la Visa Premier", et qui n’est autre qu’Orsenna se moquant de lui-même.
"Il y a dix ans j’étais une femme malienne. Elle me manquait", a déclaré l’académicien dans les interviews. Les lecteurs, qui en avaient conservé un souvenir très fort, l’attendaient. Madame Bâ, toujours engagée et insolente, est au rendez-vous.
(1) Voir notre "Avant-critiques", LH n° 984 du 7 février 2014, p. 56.