Manga : enfin l’embellie

Couple de cosplayers lors de la Japan Expo 2014. - Photo Anne-Laure Walter/LH

Manga : enfin l’embellie

Depuis juillet, les ventes de mangas redémarrent. Le marché bénéficie des nouvelles stratégies éditoriales fondées sur des séries plus courtes, un travail du fonds et des créations originales.

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Par Anne-Laure Walter
avec Créé le 23.01.2015 à 01h04 ,
Mis à jour le 23.04.2015 à 10h06

Au Japon, Shueisha vient de programmer la parution du tome final de Naruto. Cette annonce scelle symboliquement la fin d’une époque, celle des séries à près de 100 tomes et des ventes foisonnantes, et libère le secteur du modèle ancien de l’édition de manga. Après plusieurs années de chute liée à la transformation d’un marché arrivé à maturité, le secteur du manga en France se reprend depuis juillet. Sur l’ensemble de l’année 2014, selon GFK, le recul a été réduit à - 2 % en volumes vendus et à - 1 % en valeur. Si, en 2013, un seul tome 1 a dépassé les 30 000 ventes, en 2014 trois nouvelles séries ont dépassé ce cap. "Dans un marché certes mature, nous retrouvons depuis l’été un secteur stable et solide", se félicite Christel Hoolans, qui pilote Kana. Pour Iker Bilbao, directeur de Soleil manga et qui participe à la coordination des trois marques du groupe Delcourt (Delcourt manga, Tonkam et Soleil), "la dégringolade se calme et on devrait finir à - 2 % avec une réduction de près d’un tiers de la production". Ki-oon, qui a fêté ses 10 ans, poursuit sa progression avec un bilan provisoire pour 2014 à + 13,5 % tandis que Pika termine à + 3 %, ce qui le conforte dans sa 2e place, grâce à l’installation de L’attaque des titans, le lancement de Seven Deadly Sins et le maintien de Fairy tail. L’embellie du marché incite aussi Casterman à "redévelopper le secteur manga, sans reproduire ce qui se fait ailleurs, mais en l’abordant de côté, avec des titres qui ne touchent pas seulement les fans comme Wet moon, prix ACBD Asie 2014", explique la P-DG de la maison, Charlotte Gallimard.

"Les séries courtes sont moins intimidantes. Cette tomaison est le mode de consommation de notre lectorat."Ahmed Agne, Ki-oon- Photo OLIVIER DION

Glénat, le leader du secteur, épouse plus ou moins la courbe du marché et réalise en termes d’office le même niveau que l’an passé, avec des retours "sains", mais peine sur le fonds. Et pour les maisons historiques du secteur, ce fonds est plus que fourni. Face à cette dégradation des ventes du fonds observée ces dernières années, plusieurs éditeurs ont mis en place des stratégies qui commencent à payer. "Nous limitons les opérations commerciales ponctuelles qui financent surtout le flux sans retombées financières. Nous avons testé en 2014 une mise en avant d’un titre sur l’ensemble d’une année avec une stratégie à 360 degrés sur toute la licence, ce qui s’est révélé satisfaisant pour Black Butler", précise Christel Hoolans.

Faire court

Désormais, les éditeurs fondent leur stratégie éditoriale sur la priorité aux séries courtes, ce qui n’est pas sans rapport avec les difficultés de travailler le fonds de séries qui courent sur plus de 50 volumes. "Les longues séries ont vécu, elles ne tiennent plus, même au Japon, constate Stéphane Ferrand, chargé du manga chez Glénat. Les séries qui se développent en moins de 20 volumes se multiplient au Japon et pourraient être une véritable solution de marché." Symptomatiquement, Ki-oon, qui dès son lancement, s’est positionné sur des séries courtes car, "moins intimidante, cette tomaison est le mode de consommation de notre lectorat", selon son directeur, Ahmed Agne, développe pour les séries plus longues un découpage en saisons indépendantes les unes des autres, sur le modèle de la série télé. Tonkam, lui aussi, édite en saisons et proposera cette année la saison 4 de JoJo’s bizarre adventure.

L’autre piste de développement amorcée ces dernières années est de reprendre la maîtrise de la vente des droits, soit en acquérant l’intégralité de la licence (comme l’a fait Glénat pour Chi), soit en développant la création originale en direct avec des auteurs français ou japonais. Glénat a lancé Cagaster en juillet dernier et annonce pour juin une nouvelle création ; Ki-oon a mis en place un tremplin pour repérer de nouveaux auteurs français et proposera en mars un nouveau titre de leur auteur phare Tetsuya Tsutsui.

Enfin, concernant le numérique, les éditeurs tâtonnent toujours avec, pour objectif premier, la lutte contre le piratage via une offre légale adaptée. L’année a été marquée par la première expérience de "simulpub", tentée fin août par Kana, qui propose les chapitres de Naruto en français avec quelques heures de décalage par rapport à la publication dans les magazines japonais. "L’application a été énormément téléchargée, mais ce téléchargement s’est rarement transformé en achat de chapitres, note Christel Hoolans. Il reste tout un travail pédagogique à faire pour expliquer qu’il faut payer pour avoir du "simultrad"". Pika se lancera dans l’aventure avec L’attaque des titans au cours de ce trimestre, avec aussi une vente au chapitre. "L’objectif à long terme est de traiter le lecteur français comme un lecteur japonais, annonce Alain Kahn, P-DG de Pika, avec une parution en chapitres, puis du livre, en même temps que le Japon, pour contrer le "scantrad"". A.-L. W.

23.01 2015

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