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Littérature érotique : le sourire aux lèvres

Therapy Game, best-seller érotique chez Taifu Comics

Littérature érotique : le sourire aux lèvres

En progression de 14% d'octobre 2019 à septembre 2020, le segment est porté par la locomotive Happy Sex de Zep et le dynamisme de la scène manga.

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Par Nicolas Turcev
Créé le 18.11.2020 à 16h00

Tout le monde ne connaît pas la crise dans l'édition. La littérature érotique tire son épingle du jeu avec une croissance de 14,2% de son chiffre d'affaires d'octobre 2019 à septembre 2020, selon une enquête de GFK pour Livres Hebdo. Le secteur est largement porté par la dynamique autour de la bande dessinée (+25% de chiffre d'affaires) et du manga (+21% de chiffre d'affaires) qui représentent un peu plus des trois quarts de ses revenus. Les ventes de romans érotiques reculent, quant à elles, de près de 20%.

Incontournable, la BD Happy Sex de Zep, dont les deux tomes se placent en tête des ventes du rayon, a joué le rôle de locomotive. Les 63000 exemplaires vendus du second volume assurent à son éditeur Delcourt la seconde place en parts de marché, avec 20,62% du chiffre d'affaires du secteur. "Pour faire une bonne BD érotique il faut deux ingrédients : que le sexe ne soit pas une contingence mais plutôt le moteur de l'histoire, et que l'auteur soit véritablement intéressé par son sujet. Et c'est le cas pour Zep. Il tisse des histoires à partir de la sexualité et de cette façon parvient à parler de sujets de société qui captivent", commente Vincent Bernière, directeur de la collection Erotix chez Delcourt.

Début 2021, l'éditeur compte sur la bonne performance du troisième tome de la BD Fantasme de Stefano Mazzotti, à paraître le 17 février. "Comme souvent avec la littérature érotique, la série fait peu de ventes en librairie mais c'est un succès en numérique, puisqu'elle se classe en deuxième position des téléchargements des titres Delcourt, juste derrière Walking Dead", précise Vincent Bernière.
 
Photo MARINE BRUGIER-DUTOURNIER/LIVRES HEBDO

Concurrence dans le manga

Taifu Comics reste le premier éditeur du rayon avec 22% de parts de marché grâce à la popularité de son catalogue yuri et yaoi de romances homosexuelles. "Les mises en places de nos nouveautés sont assez stables en 2020 par rapport aux chiffres de 2019 : autour de 2000 exemplaires sur les titres forts comme Therapy Game et 1500 exemplaires pour les titres moins performants", indique Marjolaine Tournaire Guille, assistante d'édition chez Euphor, propriétaire de Taifu, et responsable éditoriale de la collection hentaï (pornographique) Nihoniba. La série phare Given bénéficie également d'une "très bonne vitalité" grâce à une adaptation en dessin animé diffusée en début d'année.

L'éditeur a accentué la dynamique sur le segment hentaï avec le lancement simultané, au printemps dernier, d'une offre numérique et de la collection OHNI, spécialisée dans l'érotisme de l'étrange. Elle a été inaugurée par Cultural Anthropology de Shindo L, un one shot de l'auteur de Métamorphose, l'un des plus gros lancements de Taifu Comics avec 4000 exemplaires tirés.

Quoique solidement installé dans le paysage, la maison est de plus en plus menacée par la montée en gamme de concurrents directs. Le groupe IDP Home Video, qui détient Boy's Love (yaoi) a lancé en 2019 sa marque hentaï avec Hot Manga et lui grignote des parts de marché. Les deux labels représentent plus de 11% des ventes en littérature érotique, de quoi placer le groupe en troisième position des plus gros éditeurs du rayon. "L'accroissement de la concurrence est notable, remarque Marjolaine Tournaire Guille. En yaoi comme en hentaï beaucoup de titres sortent sur un marché qui est assez peu extensible."

Le fonds fait ses preuves

Quatrième du secteur en parts de marché (10%), le groupe Musardine maintient la barre avec un chiffre d'affaires prévisionnel stable en 2020 par rapport à l'an dernier, malgré le confinement du printemps. Des trois labels de la maison, La musardine (fiction et non fiction), La dynamite (BD) et Media 1000 (poche), c'est la bande dessinée qui s'en tire le mieux avec un résultat en hausse de 25% sur l'année écoulée par rapport à 2019. Les ventes numériques connaissent également un bond de croissance de 22% pour atteindre 32% des revenus du groupe.

"Nous avons fait une très bonne année, nous ne pouvons pas nous plaindre, se félicite Anne Hautecoeur, directrice générale de La Musardine. Le confinement a provoqué un refuge vers l'érotisme, comme on a pu le voir avec la prise d'assaut des sex shops [à la veille des restrictions sanitaires]. Le fonds a également très bien tourné, sur une large gamme de titres plutôt que sur quelques ouvrages populaires. Il représente 60% de nos ventes sur l'année. Je me réjouis de ces bonnes nouvelles puisque nous étions assez inquiets de la baisse des ventes en librairie ces 10 dernières années."

L'éditrice, qui dirige également la librairie La musardine, à Paris, constate un renouvellement de la clientèle favorable au développement de la littérature érotique. "La parole évolue, notamment sur la sexualité féminine, ce qui pousse beaucoup plus de jeunes, de femmes et de couples à pousser les portes de la librairie alors qu'il y a cinq ans, il s'agissait presque exclusivement d'hommes", note Anne Hautecoeur. Mais malgré cette mutation du lectorat, "le marché reste frappé du sceau de l'anonymat, remarque la responsable. Ce qui renforce la vente à distance et explique pourquoi le confinement a finalement eu peu d'impact sur notre secteur".
 
Photo MARINE BRUGIER-DUTOURNIER/LIVRES HEBDO

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