In vino Gasparotto. Historienne du vin à qui elle a consacré une douzaine de livres depuis un quart de siècle, journaliste œnologique au Monde, ancienne vigneronne elle-même... ce n'est rien de dire que Laure Gasparotto est une passionnée de la vigne, du vin, des terroirs et de ceux qui les font. Des passionnés, bien sûr, et de sacrés personnages, à la rencontre desquels elle se rend chaque fois avec la même -empathie et le même enthousiasme à favoriser une transmission. Si la vigne est affaire de géographie (humaine), elle est aussi affaire d'histoire.
La vigne, l'un des fondements de notre civilisation, serait née dans le Caucase (les Géorgiens la revendiquent haut et fort) il y a 11 500 ans environ, et se serait répandue dans tout l'Orient. Mais on a également retrouvé des traces de cépages autochtones dans le Croissant fertile (du Moyen-Orient jusqu'au Maghreb) remontant à 6 500 ans. C'est sur cette piste perse que Laure Gasparotto s'est lancée, grâce à une coïncidence des plus piquantes : sa rencontre avec Masrour Makaremi, un exilé iranien en France, à la base orthodontiste et neuroscientifique, qui élève près de Bergerac un vin d'exception nommé Cyrhus, lequel pourrait ressembler à ce qu'étaient les vins de la Perse préislamique.
Et l'auteur de déplorer que le vin, né en Orient, y ait été interdit depuis l'islam, et que se répande également en Occident, dans la jeunesse, une désaffection pour le divin nectar au profit d'on ne sait trop quelles bibines. Au passage, Laure Gasparotto se souvient qu'elle est elle-même descendante d'une famille de pieds-noirs viticulteurs dans la Mitidja en Algérie, venus d'abord d'Italie, du Frioul, non loin de la Vénétie, « porte de l'Orient ». Son nom, Gasparotto, viendrait même du mot persan kaspar signifiant « le trésorier ». Il n'y a pas de hasard. C'est ainsi qu'elle retrouve ses racines et tout l'art des grands poètes persans (le savant et philosophe Omar Khayyam ou l'illustre Hâfez), qui célébrèrent, entre autres, le vin et ses plaisirs, au grand dam des ayatollahs de leurs époques. Les Makaremi en ont aussi souffert : le père, Hassan, psychologue et calligraphe, ne s'est jamais remis de la mort en prison de son épouse Fatemeh, qui avait osé se présenter aux élections municipales dans leur ville d'origine, Chiraz. Le fils, Masrour, collectionne les antiquités dans son petit musée personnel, à la recherche de sa terre natale. C'est pour cela qu'il a appelé son vin Cyrhus, avec un « h » pour faire plus persan. En plein Périgord pourpre.
Quand l'Orient inventait le vin. L'histoire méconnue des collines de Perse et de France
Grasset
Tirage: 3 800 ex.
Prix: 18 € ; 160 p.
ISBN: 9782246835271
