Etude

"La Commission européenne devrait initier un programme de subvention pour la traduction des livres universitaires", recommandent Gisèle Sapiro et Hélène Seiler dans une note de synthèse destinée à nourrir la réflexion de l’institution européenne sur la diffusion des sciences humaines et sociales (SHS). Les deux sociologues, directrice de recherche pour la première et doctorante pour la seconde, spécialistes de la diffusion des œuvres et des idées, estiment que la généralisation de l’anglais dans les SHS, à l’image de l’évolution constatée dans les sciences dures, serait dommageable pour la créativité de la recherche et pour sa diffusion dans le grand public.

La traduction est longue et coûteuse, reconnaissent-elles, d’où la nécessité de la soutenir financièrement. Alors que l’Unesco et la Commission européenne ont abandonné leurs programmes d’aide, la France est un des pays les plus actifs en la matière, avec divers dispositifs, le plus important étant celui du Centre national du livre.

L’enjeu est particulièrement important pour l’édition de livres, qui diffuse les travaux de recherche dans le grand public bien plus efficacement que les revues universitaires, ainsi que le montre l’exemple récent du succès mondial du livre de Thomas Piketty (Le capital au XXIe siècle), pourtant précédé de nombreux articles de l’économiste. "Les livres sont plus souvent cités que les articles quand il s’agit de franchir les frontières disciplinaires ou géographiques", notent les deux auteures. La fluidité de la diffusion est encore renforcée lorsque ces travaux sont publiés par des éditeurs de littérature générale, qui appliquent des tarifs accessibles, tout particulièrement en France.

Cette note exprime aussi de fortes réserves à l’encontre des conséquences de l’accès gratuit aux publications de recherche financées sur fonds publics. Conçu pour contrer l’emprise d’une poignée de groupes d’édition internationaux, il est déjà contourné par l’obligation pour les institutions qui emploient les chercheurs de payer la publication de leurs travaux, regrettent-elles.

Hervé Hugueny

02.12 2016

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