Pierre de 5 à 7. Des malaises au malaise. Un soir, alors qu'il sort du grand journal dont il dirige depuis des années le service photo, Pierre Vernier s'effondre, victime de ce qu'il croit d'abord être une simple névralgie. Après consultation, il découvre qu'il n'en est rien, qu'il est atteint d'un syndrome aussi rare qu'incurable et qui ne lui laisse que quelques mois d'espérance de vie. Considérant après Barthes que « la mort, c'est l'évènement même », Vernier laissera les siens, sa compagne, sa fille, son ami le plus ancien au journal, ignorants de son état. Il entreprend comme une promenade avec sa propre fin, dérivant dans les rues et les jardins de sa ville et au fil de ses souvenirs. Il est comme sidéré par cet arrêt de mort qui lui a été signifié là où tout autour de lui a encore les apparences de la vie. Comme ces deux anciennes amoureuses (l'une de l'adolescence, l'autre des temps où se refermèrent les champs des possibles...) qui se rappellent à lui le jour où il apprend la nature de son mal. Signes, hasard ou nécessité, l'existence peut parfois s'avérer ironique. Pierre est un honnête homme, lecteur de Proust, de Dashiell Hammett, de Juan Marsé. Des compagnons tout au long de sa dérive funèbre qui n'est pas sans faire penser à celle de Corinne Marchand dans Cléo de 5 à 7 d'Agnès Varda.

Avec ce beau et douloureux Prescriptions, Jean-Marc Parisis revient à la veine la plus intimiste de son œuvre, celle d'Avant, pendant, après ou des Aimants (Stock, 2007 et 2009). Celle aussi des états d'âme d'une masculinité blessée. Il y a quelque chose de très troublant et de très saganien finalement, dans ces pages qui sont parfois celles d'un moraliste de haute tenue. Sans doute Parisis n'est-il pas très louangeur quant à notre époque tant il s'en fait l'implacable contempteur. On ne saurait lui en faire le reproche (Pierre Vernier, son besoin de consolation impossible à rassasier, c'est lui ; c'est aussi nous). N'empêche, sait-on au moins d'où ses plaintes, ses colères, s'adressent à son lecteur. Résolument, absolument, du côté de la littérature.