Il y a le sourire, évidemment, qui intrigue depuis près d'un demi-millénaire. Mais il y a aussi les yeux, que Léonard de Vinci considérait comme la « fenêtre de l'âme ». Que nous dit ce portrait, à n'en pas douter le plus célèbre de l'histoire de la peinture, que cache ce regard indéfinissable ? Fidèle à sa méthode, Alberto Angela a mené l'enquête, illustrations à l'appui.

En partant du tableau, en s'intéressant à chaque détail, au paysage en arrière-plan, aux vêtements, aux pigments utilisés, au support en peuplier, il brosse un portrait alerte de la Renaissance, de son art et de Vinci. « Un chef-d'œuvre nous "parle" certes du personnage qui l'a créé, de sa formation, de ses centres d'intérêt et de ses relations avec les autres, mais il nous renseigne aussi sur l'époque à laquelle cet artiste a vécu : sur les grands événements historiques qui lui sont contemporains ; sur les techniques auxquelles il avait accès ; sur la politique, l'économie, les mœurs de son temps... »

Le mot enquête n'est pas usurpé pour qualifier ce livre passionnant qui fait entrer le lecteur dans une époque à partir d'une œuvre ou d'un objet. L'historien italien avait déjà démontré l'efficacité de sa démarche dans Empire (Payot, 2016), dans lequel il racontait la Rome antique à travers le voyage d'un sesterce de poche en poche ou dans Lestrois jours de Pompéi (Payot, 2017). Ainsi, pour valider l'hypothèse d'un autoportrait du jeune Léonard en 1515, qui apparaît en filigrane dans le Codex sur le vol des oiseaux, il fait appel aux techniques de la police scientifique qui envisagent le vieillissement d'un visage. Il peut ainsi comparer le résultat avec l'autoportrait connu du Vinci âgé. Il répond aussi au turbulent ministre de l'Intérieur italien, Matteo Salvini, qui n'a aucun droit à revendiquer un tableau acheté en 1518 par François I^er. 

A l'approche du 500^e anniversaire de la mort de Léonard de Vinci en 2019, ce livre original a le talent de mettre en scène la vie, l'œuvre et l'époque en n'omettant rien des vastes domaines explorés par ce génie. Enfin, vous saurez tout ou presque sur le nom de celle qui se cache derrière ces lèvres modelées par le célèbre sfumato. Angela ne prétend pas résoudre toutes les énigmes posées par ce maître des illusions. Le
regard de la Joconde reste toujours incertain.