Prix littéraires

Goncourt : le Seuil rouvre la porte

Lydie Salvayre à la table des Goncourt. - Photo Olivier Dion

Goncourt : le Seuil rouvre la porte

Absent du Goncourt depuis plus d’un quart de siècle, le Seuil revient dans le prestigieux palmarès grâce au succès de Pas pleurer de Lydie Salvayre. Avec en plus le Femina et le Médicis, le distributeur Volumen est le grand gagnant de la saison.

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Par Marie-Christine Imbault,
Créé le 07.11.2014 à 00h33 ,
Mis à jour le 07.11.2014 à 09h41

Déjà victorieux la veille au Médicis, Seuil a enfin vu mercredi sa bonne étoile briller chez Drouant où l’académie Goncourt couronnait Lydie Salvayre au 5e tour pour Pas pleurer, par 6 voix contre 4 à Kamel Daoud (Meursault, contre-enquête, Actes Sud). La filiale de La Martinière Groupe qui avait disparu du palmarès du Goncourt depuis 1988, avec Eric Orsenna et L’exposition coloniale, réitère le doublé de 1987 (Médicis pour Pierre Mertens et Goncourt pour Tahar Ben Jelloun). Entre-temps, Gallimard et ses filiales l’ont obtenu neuf fois. Bon prince, Antoine Gallimard, l’éditeur du nouveau Nobel de littérature, recevait le Renaudot pour le favori du grand prix, David Foenkinos, couronné au 6e tour par 5 voix pour Charlotte : un prix qui peut suffire à générer 800 000 ventes, si on se base sur le score réalisé en 2007 par Daniel Pennac. Au Renaudot, trois auteurs non sélectionnés ont tout de même obtenu des voix : Jean-Marc Parisis (3 voix pour Les inoubliables, Flammarion), poussé par Frédéric Beigbeder, Kamel Daoud et Lydie Salvayre (1 voix chacun). "Tout est possible, le jury tient à son imprévisibilité", nous confiait quelques jours plus tôt la nouvelle académicienne Dominique Bona, à l’issue du vote du grand prix de l’Académie française où le premier roman d’Adrien Bosc, Constellation (Stock), l’a emporté au 6e tour devant Karpathia de Mathias Menegoz (P.O.L).

Le Femina à Yanick Lahens

Egalement présente le 29 octobre sous la Coupole, l’académicienne Danielle Sallenave jouissait de son privilège d’être aussi jurée Femina - elle sera la dernière à cumuler les deux selon les nouveaux statuts du jury - et a retrouvé lundi dernier ses consœurs dans les murs du Cercle Interallié. Un retour définitif au bercail où le Femina était décerné avant qu’y soit créé en 1930 le prix Interallié. Christine Jordis devait y annoncer avec sérénité l’attribution du Femina à l’Haïtienne Yanick Lahens pour son roman Bain de lune publié chez Sabine Wespieser au 2e tour, par 6 voix contre 4 pour Joseph de Marie-Hélène Lafon, chez Buchet-Chastel : "Son livre n’était sans doute pas assez politique, ni assez bling-bling", tempêtait Claire Gallois. S’appuyant sur sa canne, Paul Veyne, entouré de ses éditeurs, recevait le Femina essai pour ses souvenirs, Et dans l’éternité, je ne m’ennuierai pas (Albin Michel), élu par 6 voix contre 4 pour Elisabeth Roudinesco (Sigmund Freud en son temps et dans le nôtre, Seuil). Tous deux se faisaient encore face hier pour le prix Décembre. Le Femina étranger a quant à lui couronné au 4e tour l’Israélienne Zeruya Shalev pour Ce qui reste de nos vies (Gallimard) par 5 voix contre 4 à Sebastian Barry (L’homme provisoire, Joëlle Losfeld). Avant de quitter les salons du Cercle, Diane de Margerie nous annonçait sa démission du jury dont, après trente-cinq ans de bons et loyaux services, elle deviendra membre honoraire afin de se consacrer à l’écriture de ses prochains ouvrages. L’élection de sa remplaçante aura lieu en juin 2015.

Finaliste malheureuse au Femina, la présidente du groupe Libella, Vera Michalski, se consolait le lendemain avec le Médicis essai attribué au deuxième tour à Manifeste incertain 3 de Frédéric Pajak, publié dans sa petite filiale Noir sur blanc, par 5 voix contre 4 pour Jean-Yves Jouannais (Les barrages de sable, Grasset). Signe du renouveau des prix d’automne, une autre petite maison, La Grande Ourse, dirigée par la fille de l’ancien président du Goncourt François Nourissier, recevait le Médicis étranger pour Lola Bensky de l’Australienne Lily Brett. Avant de passer la présidence du jury à Alain Veinstein, Anne F. Garréta se félicitait d’avoir apporté transparence et démocratie au sein du jury qui couronnait les 600 pages d’Antoine Volodine publiées au Seuil par 8 voix contre 1 pour Laurent Mauvignier (Autour du monde, Minuit) dès le premier tour.

Goncourt : rester couvert

Photo PHOTO OLIVIER DION

Malgré la talentueuse organisation de Marie Dabadie, la secrétaire de l’académie, il devient vite impossible chez Drouant d’échapper à la meute de journalistes et de caméramens qui se bousculent dans les salons où chacun résiste comme il peut : prudent, Pierre Assouline est arrivé casqué.

Renaudot : emballé c’est pesé

David Foenkinos lauréat du prix Goncourt des lyceéns et du prix Renaudot 2014.- Photo OLIVIER DION

Rarement dans les annales du Renaudot on a voté si vite pour un lauréat. David Foenkinos l’emporte au 6e tour, malgré plusieurs contre-offensives de la moitié des jurés. Comme dans le salon des Goncourt, le consensus règne et les deux jurys se déclarent satisfaits de leurs lauréats.

Femina : sacrés coups de main

Photo OLIVIER DION

"C’est un coup de main aux libraires et à un petit éditeur", déclarait Christine Jordis en remettant le Femina à Yanick Lahens et à son éditrice Sabine Wespieser, tandis que les éditions Joëlle Losfeld manquaient de peu le Femina étranger, qui distinguait Zeruya Shalev (Gallimard). Le Femina essai, Paul Veyne (Albin Michel), a déjà eu en revanche celui de "toute la presse, y compris Têtu".

Médicis : small is beautiful

Antoine Volodine (à droite), prix Médicis roman, pose place de l’Odéon avec son éditeur, Olivier Bétourné. - Photo OLIVIER DION

"On parle tellement souvent de GalliGraSeuil. Depuis quelques années, le jury se comporte de manière très libre et audacieuse", confie la présidente du Médicis Anne F. Garréta. Résultat des courses : les petites maisons Noir sur blanc et La Grande Ourse décrochent deux des trois récompenses, aux côtés du Seuil où Antoine Volodine signe "une œuvre qui mérite le Médicis et que le Médicis mérite".

Constellation sous la Coupole

Adrien Bosc, prix de l’Académie française, avec Hélène Carrère-d’Encausse, secrétaire perpétuelle.- Photo OLIVIER DION

"Le grand prix du Roman de l’Académie française compte énormément pour moi, il a couronné en 1936 mon livre de chevet, le Journal d’un curé de campagne de Bernanos", déclarait peu après la remise du prix le jeune lauréat de 28 ans, Adrien Bosc, trop superstitieux pour oser déjà évoquer son prochain roman sur la superstition.

Médicis : "Un jury pas comme les autres"

"Je suis également heureuse que le prix Médicis ait couronné certains auteurs avant tous les autres, écrit Christine de Rivoyre dans FlyingFox et autres portraits qui vient de paraître chez Grasset. Par exemple, Jean Echenoz, en 1983, pour Cherokee, seize ans avant qu’il ne reçoive le Goncourt. Nous avons fait preuve de la même perspicacité avec Christian Oster en 1999 pour Mon grand appartement (…), Jean-Philippe Toussaint pour Fuir, mais il y avait longtemps que nous le suivions (…). Le cas de Philip Roth est assez révélateur de ce que peut représenter le Médicis étranger (…). Il m’a toujours semblé qu’il était important de couronner des talents quelle que soit leur renommée (…). En 2010, je rêvais que nous couronnions Laurent Binet pour HHhH, mais on m’a objecté qu’il avait reçu le prix Goncourt du Premier roman. Or, quand Hervé Bazin avait remis le Goncourt à Andreï Makine pour Testament français, Makine venait d’être couronné par le Médicis (…). Si un autre prix plus modeste que le Goncourt peut indiquer la voie… tant mieux. C’est adroit. C’est élégant. C’est ainsi que je vois les relations entre jurés."


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