Pour le commun des mortels, il y a deux pôles. Mais pour la communauté scientifique et surtout pour le Suédois Frederik Paulsen, il y en a huit (1), qu’il voulait être le premier à atteindre. Voilà cet objectif rempli, après treize années à courir la glace, toujours avec des scientifiques dans ses bagages, et le récit de ces aventures, signés par Thierry Meyer et Charlie Buffet, publié le 6 novembre aux éditions Paulsen (voir ci-contre).
C’est au cours d’une de ses expéditions financées sur fonds privés que Frederik Paulsen est apparu sous les feux de l’actualité. Sa plongée en bathyscaphe, sous la glace du pôle Nord, fut une première risquée au cours de laquelle il a bien failli ne pas remonter. De cet exploit, en 2007, le public a surtout retenu une image qui a fait le tour du monde : un scientifique russe a déposé le drapeau de son pays, sur la croûte terrestre, à l’exact point du pôle Nord. La plupart des commentateurs y ont vu alors le bras hégémonique de la Russie, dans une région où les tensions géopolitiques se multiplient.
Discret et flegmatique
Un brin secret, surtout pudique et discret, Frederik Paulsen, 63 ans, n’est pas qu’un explorateur. C’est aussi un riche entrepreneur, à la tête du groupe pharmaceutique Ferring, présent dans une cinquantaine de pays, et dont il possède 100 % du capital. Sa haute stature alliée à son goût pour la discussion en impose. Le Français Christian de Marliave, qui organise la logistique de ses expéditions, le trouve pourtant, en toutes circonstances, "flegmatique".
Quand il reçoit au siège de Ferring, près de Lausanne, l’homme d’affaires raconte la saga familiale : les molécules découvertes par ses parents qui ont fait la fortune du groupe, un père qui lui a demandé de lui succéder en 1988, le développement de Ferring depuis. Il explique ne suivre que quelques règles simples, dont celle-ci : "Pour réussir, il faut s’entourer de gens compétents." Il conte aussi sa passion pour la Russie et ses polarniks, des scientifiques un peu fêlés, qui savent tromper l’ennui et le froid glacial à coups de vodka… Consul honoraire de la Fédération de Russie à Lausanne, Frederik Paulsen construit là-bas des cliniques pour améliorer la fertilité. "J’ai promis un million de bébés russes à Poutine", avance l’entrepreneur, soucieux de démographie.
Et les éditions Paulsen dans tout ça ? "Je veux faire les livres que j’aime, même si je reconnais qu’il faut aussi les vendre", explique en souriant ce mécène de l’édition, qui ajoute : "Le plus grand luxe de ma vie, c’est de produire des livres". Ainsi le groupe Paulsen médias regroupe-t-il les éditions Paulsen, à Paris et à Moscou, en attendant un bureau en Grande-Bretagne, et, depuis 2011, les éditions Guérin, à Chamonix.
Le succès et le savoir-faire de cette maison spécialisée dans la littérature de montagne ne manquent d’ailleurs pas d’inspirer désormais la marche des éditions Paulsen. Le chef d’entreprise a en effet été bluffé par les 320 000 exemplaires, chez Guérin, du livre de Jean-Christophe Rufin (Immortelle randonnée). Un exemple à suivre ? Sans doute… Dans cet esprit, les éditions Paulsen publieront le 14 novembre Vers le Nord, la nouvelle route maritime d’Erik Orsenna et Isabelle Autissier. Le catalogue va continuer de s’élargir à d’autres plumes célèbres, comme Olivier Rolin (qui vient de signer Le météorologue, en coédition avec le Seuil), à des biographies d’explorateurs (Marco Polo après Magellan) et la maison publiera 12 titres en 2015.
"Jeune, j’ai toujours voulu aller vers le Nord", se souvient Paulsen. Après avoir atteint les huit pôles de la planète, lui reste-t-il d’autres défis ? "J’ai bien l’intention d’y revenir, dit-il, et de m’y poser en ballon dirigeable…"
(1) Au Nord comme au Sud, les pôles géographiques mais aussi magnétiques, géomagnétiques et d’inaccessibilité.
