« La virilité de ton art semble ne pas avoir eu d'enfance. Et pourtant, quand tu peins, tu deviens doux comme une jeune fille. » Voilà comment un ami peintre s'adresse à Lazare Bruandet, artiste renfrogné, « grand comme un tambour-major » et séducteur invétéré. Qui se retrouve à se planquer à quelques heures de cheval de Paris, après avoir jeté son épouse par la fenêtre. Dans son âme comme autour de lui, la violence est partout. Louis XVI vient de perdre la tête, des brigands déguisés en révolutionnaires pillent les villages, l'armée est, au mieux, dépassée, au pire tortionnaire. Et Bruandet tente de trouver la lumière en observant la nature, alors que les fantômes des exactions de la Bastille le hantent. Et il boit, et il se bat, et il brûle tout.

Alors qu'il s'est attaché jusqu'ici à portraiturer des musiciens (son Mozart en galère vaut autant le détour que son bluesman imaginaire Meteor Slim), Frantz Duchazeau s'inspire de l'école de Barbizon pour parler d'un peintre et d'une période troublée, avec un regard ambigu sur la figure du salopard. Souffrant de ce qu'on n'appelait pas encore un stress post-traumatique, son artiste manie l'épée et le pinceau, se noie dans l'eau-de-vie comme dans les courbes d'une paysanne. Un peu comme Isaac le pirate de Christophe Blain, qu'évoque parfois le style charbonneux de Duchazeau. Mais en plus âpre, en plus sombre. Album après album, l'auteur poursuit sa quête de ce qui déclenche l'acte de création. Et chez son Peintre hors-la-loi, la réponse se trouve dans les ténèbres.