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Fnac/Cultura : les stratégies inversées

Alexandre Bompard, P-DG de la Fnac, et Philippe Van Der Wees, P-DG de Cultura. - Photo laurence jarrousse/Fnac - Richard Nourry/Cultura

Fnac/Cultura : les stratégies inversées

Les deux enseignes survivantes des grandes surfaces culturelles affichent des ambitions croisées : tournée vers le numérique, la Fnac investit les périphéries alors que Cultura pose un jalon en centre-ville.

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Par Cécile Charonnat
Créé le 20.03.2015 à 01h04 ,
Mis à jour le 20.03.2015 à 07h51

Les success stories ne sont pas toujours là où on les attend. En proie à des difficultés liées à l’essoufflement de leur modèle économique à l’orée de la crise du marché du livre au début des années 2010, la Fnac et Cultura sont finalement les deux grandes surfaces culturelles françaises à avoir survécu. Les cinq dernières années ont été semées d’embûches pour ce mode de distribution de produits culturels (1). "La performance est notable au vu des soldats tombés au combat, et ce jusqu’à l’étranger, pointe Yves Marin, consultant chez Kurt Salmon, cabinet de conseil pour la distribution. Elle est d’autant plus remarquable que la Fnac et Cultura ont aussi su se réinventer pour anticiper la sortie de crise en train de se dessiner."

Les deux enseignes, que tout oppose, ont adopté pour cette mutation des stratégies croisées. Portée par sa logique omnicanale, d’autant plus pertinente que le maillage du territoire est dense, la Fnac est sortie des grands centres-villes "pour aller là où une présence est nécessaire", explique Coralie Piton, directrice de la stratégie de l’enseigne. Logiquement, elle privilégie aujourd’hui des formats plus modestes dans des villes ou des zones commerciales de taille moyenne, et y déploie une offre normée et relativement courte. Une formule que n’aurait pas reniée Cultura à ses débuts. A contrario, la chaîne bordelaise - son siège est installé à Mérignac -, qui a fait son nid en périphérie des centres urbains, a agrandi ses magasins, investissant des surfaces allant jusqu’à 6 000 m2 comme à Aubagne en octobre 2014. Elle a également élargi et approfondi son offre et, à la surprise générale, franchira cet été un cap en ouvrant un magasin dans le centre de Brive-la-Gaillarde. Pour Yves Marin, cette "capacité à sortir de leur dogme alors que d’autres sont morts droits dans leurs bottes" permet aux deux enseignes de s’installer dans une dynamique positive et d’offrir un sérieux contrepoint à Amazon. Un face-à-face qui tient en haleine les professionnels du livre et dont nous livrons quelques clés.

(1) Les Espaces culturels E. Leclerc ne sont pas assimilés aux GSC du fait de leur statut juridique particulier.

La Fnac retrouve l’innovation

 

Entrée dans l’ère du numérique et de l’omnicanal avec le plan Fnac 2015, l’enseigne veut creuser ce sillon pour les cinq prochaines années.

 

La Fnac de Belleville-sur-Sao?ne.- Photo FNAC

Cette semaine, la Fnac a ouvert une succursale à Aubenas, en partenariat avec Intermarché, et à Angoulême une Fnac Connect dédié aux smartphones et objets connectés. Si en 2011, à l’arrivée d’Alexandre Bompard à la tête de l’enseigne, la Fnac semblait au bord de l’épuisement, quatre ans plus tard, elle est parvenue, à en croire les derniers résultats publiés, à retrouver une certaine attractivité. Au prix toutefois d’un plan d’économies drastique (310 postes supprimés) et d’une mutation à marche forcée de son modèle économique. Un électrochoc imposé pour ne pas finir comme Virgin.

Fruit du plan Fnac 2015, enclenché début 2012, cette transformation repose sur deux préoccupations centrales : réconcilier le réseau de magasins physiques et le site Web pour faire entrer la Fnac dans l’ère de l’omnicanal et du numérique, et apporter une réponse à toutes les nouvelles envies et pratiques du consommateur afin qu’il ne s’évade pas vers d’autres sites. La Fnac a "retravaillé sa capacité à innover en allant chercher des modèles commerciaux originaux et pertinents à tous les niveaux", souligne Coralie Piton, directrice de la stratégie et du livre de la chaîne. Elle a donc introduit de nouvelles familles de produits (objets connectés, papeterie ou petit électroménager design), enrichi ses services clients (livraison express) et adopté la franchise pour étendre son périmètre. Onze magasins ont ouvert sous ce format en 2014, un rythme que la Fnac aimerait conserver.

La démarche a donné naissance à l’offre de liseuses et de livres numériques Kobo by Fnac, qui permet à l’enseigne de concurrencer directement Amazon. Pour maintenir son rang de premier libraire de France et continuer à grignoter des parts de marché, la Fnac choisit par ailleurs d’élargir sa clientèle en "démocratisant la lecture" grâce notamment "à une théâtralisation accentuée des ouvrages populaires" et à davantage de "sélections de divertissement", détaille Coralie Piton. L’enseigne opère également des choix plus serrés dans l’offre éditoriale, au risque, selon la majorité des fournisseurs, de favoriser les ruptures en réduisant le stock moyen par article, voire de raccourcir l’offre en magasin.

Présenté en septembre, le prochain plan d’entreprise, baptisé Fnac 2020, vise à enraciner cette mutation, et devrait s’appuyer sur l’anticipation des nouvelles tendances de consommation, tel l’essor de l’économie collaborative. A quand le livre d’occasion à la Fnac ?

Cultura teste le centre-ville

 

Machine de guerre parfaitement rodée aux centres commerciaux de périphérie, Cultura expérimentera en juin son premier magasin citadin.

 

Le magasin Cultura de Bègles.- Photo CULTURA

C’est la plus petite et la plus jeune des grandes surfaces culturelles (GSC). Mais avec son business plan parfaitement adapté à son implantation, qui obéit à la stratégie de l’évitement (s’installer là où les autres ne vont pas), Cultura est devenue en peu de temps "l’enseigne championne des périphéries de villes moyennes qui draine une population semi-urbaine très large en proposant un accès désacralisé aux produits culturels", analyse Yves Marin, consultant chez Kurt Salmon, le cabinet de conseil pour la grande consommation et la distribution. Un succès confirmé chez ses fournisseurs où elle est en constante progression et que Cultura doit notamment à sa politique de croissance par extension. La chaîne ouvre en moyenne 4 à 6 magasins par an.

Cette stratégie s’accompagne d’une logique de performance économique forte, où la rentabilité au mètre carré est très surveillée, doublée d’une écoute attentive des évolutions des marchés. "Ils ont une compréhension très en amont de leurs marchés et n’hésitent pas à nous solliciter pour les aider à appréhender les tendances émergentes afin de mieux les traduire en rayon", atteste Thibaut Cartier, directeur commercial chez Dilisco. Ainsi, après avoir exploré en pionnière le mix produit dans ses opérations commerciales, un concept que la Fnac a parachevé avec les Espaces Kids, Cultura se penche aujourd’hui sur l’univers du bien-être et du développement personnel avec un projet baptisé Khéops.

Au-delà de l’offre, cette écoute des consommateurs se traduit également dans l’évolution de ses points de vente. Des coques de taille moyenne typiques des magasins de périphérie, Cultura est passée aujourd’hui à des surfaces plus grandes, composées sur le modèle Ikea où le consommateur est invité, grâce à un circuit élaboré, à déambuler sur toute la surface de vente, et accueillant "des espaces de vie" tels que des coins lecture, voire des restaurants.

C’est sans doute la même logique qui conduit Cultura à déroger à sa sacro-sainte stratégie de périphérie en succédant cet été à la librairie Chapitre, en plein centre-ville de Brive-la-Gaillarde. Et même si l’enseigne s’en défend, arguant "d’une opportunité liée au contexte local et qui devrait rester atypique dans le développement", de nombreux observateurs y voient surtout un coup d’essai pour appréhender un format qu’elle ne maîtrise pas mais qui retrouve la faveur des clients.


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