Filigranes a retiré de la vente le livre de Richard Millet, Langue fantôme suivi de Eloge littéraire d'Anders Breivik, a annoncé Marc Filipson, patron de la plus grande librairie francophone de Belgique, sur la page Facebook de Filigranes le 11 septembre.
« Ce matin j'ai ordonné le renvoi de toutes les copies de l'ouvrage de Richard Millet Langue fantôme suivi d'Eloge littéraire d'Anders Breivik. Nous nous portons en faux contre les thèses qui y sont développées, écrit Marc Filipson dans son message. Nous saluons, à l'instar de dizaines d'auteurs, l'article de l'écrivaine Annie Ernaux dans Le Monde qui dénonce, notamment, « ...des propos qui exsudent le mépris de l'humanité et font l'apologie de la violence au prétexte d'examiner, sous le seul angle de leur beauté littéraire, les "actes" de celui qui a tué froidement, en 2011, 77 personnes en Norvège ». L'idée que Richard Millet est toujours éditeur chez Gallimard me fait froid dans le dos. »
Sa décision a suscité des commentaires critiques sur la page Facebook, les uns estimant qu'il n'était pas dans le rôle du libraire de censurer un texte, les autres s'interrogeant sur les effets pervers d'une telle publicité. Certains ont au contraire applaudi à l'initiative.
"Pourquoi me tuez-vous?"
Mercredi 12 septembre, L'Express a publié sur trois pages une longue réponse de Richard Millet aux critiques dont il fait l'objet. Sous le titre « Pourquoi me tuez-vous? », il écrit: « Ainsi, la haine qu'on me voue est devenue une chasse à l'homme, tout à l'opposé de la réflexion que j'espérais provoquer afin de susciter non pas un de ces « débats » constitutifs du mensonge politico-littéraire, mais une émotion personnelle qui s'exprimerait autrement que par l'invective et la condamnation ».
Les éditions Pierre-Guillaume de Roux, qui ont publié l'ouvrage de Richard Millet, diffuseront la semaine prochaine l'intégralité de ce texte sous la forme d'un livret d'une vingtaine de pages. Tiré à 500 exemplaires, il sera « distribué gratuitement à des journalistes et des lecteurs », a dit Pierre-Guillaume de Roux à Livres Hebdo, et « vraisemblablement » mis en ligne sur son site internet.
La polémique ne faiblit pas. A son tour, l'historien Pierre Nora, membre du comité de lecture de Gallimard, a publié un texte sur Lemonde.fr, le 11 septembre, dans lequel il écrit: « Richard Millet a le droit de penser ce qu'il veut et de l'écrire. Mais il n'a pas le droit, au nom de la solidarité amicale et professionnelle, de nous faire otage de ses opinions, de ses enfantillages, de ses confusions intellectuelles, de sa psychologie particulière, de ses foucades délirantes. On ne veut pas se désolidariser et on ne veut pas se solidariser.»