Faites vos jeux !

"Le marché est en mutation et les frontières sont de plus en plus perméables entre l’univers du jouet et celui du livre." Sarah Koegler, Gautier-Languereau/Deux Coqs d’or - Photo Olivier Dion

Faites vos jeux !

Enorme réservoir d’illustrations et de textes, l’édition pour la jeunesse s’offre un nouveau débouché, celui du jeu de société.

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Par Claude Combet
avec Créé le 25.11.2016 à 00h34

Boîtes-jeux, quiz, memory, puzzles, jeux de cartes ou de plateau… les éditeurs pour le jeunesse s’amusent. L’exercice était tentant : il est fréquent qu’un fabriquant comme Gecko fasse appel aux illustrateurs pour la jeunesse pour dessiner ses jeux. Rien de plus naturel que les éditeurs de livres, qui ont les images sous la main, d’en proposer eux-mêmes les produits dérivés. D’autant plus que ceux-ci se vendent aussi dans les librairies, notamment celles qui sont spécialisées dans la jeunesse.

"Les jeux constituent une part importante du chiffre d’affaires des libraires que nous ne voulons pas laisser aux éditeurs de jeux." Hélène Wadowski, Flammarion Jeunesse-Père Castor- Photo OLIVIER DION

"Les jeux constituent une part importante du chiffre d’affaires des libraires que nous ne voulons pas laisser aux éditeurs de jeux. Nous voulions reprendre la main et décliner nos succès avec des produits ludiques", explique Hélène Wadowski, directrice de Flammarion Jeunesse-Père Castor. "Le marché est en mutation et les frontières sont de plus en plus perméables entre l’univers du jouet et celui du livre. Les libraires ont besoin d’une offre complémentaire", confirme Sarah Koegler, responsable de Gautier-Languereau/Deux Coqs d’or. "Il y a une logique pédagogique à proposer des jeux. Nous souhaitons tous que les enfants décrochent des écrans, jouent ensemble, partagent les cartes avec les copains, et aillent vers le papier", renchérit Alexandra Bentz, responsable de la jeunesse d’Edi8, qui ajoute : "Cela permet aux parents d’occuper l’enfant avec un vrai contenu à visée pédagogique, pour un prix raisonnable".

Pionnier du genre, Deux Coqs d’or, suivi par Larousse, a lancé en 2008 des "Boîtes à questions", "en écho aux boîtes publiées par Marabout pour les adultes", précise Sarah Koegler. L’éditeur en a vendu 700 000 exemplaires et les a rééditées sous une nouvelle présentation, dans un nouveau format, en 2015, et vient de sortir la nouvelle édition de La boîte à questions : c’est pas sorcier ! (en liaison avec l’émission sur France 3). "Cela reste des jeux avec un gros contenu éditorial. Les éditeurs pour la jeunesse ont ce savoir-faire : transmettre une connaissance en utilisant le jeu comme support", souligne Sarah Koegler, qui les décline pour la première fois par âges pour la fin de l’année.

Savoir-faire éditorial

Edi8 utilise le concept sous toutes les marques de la maison : Gründ propose chaque année une boîte-quiz en partenariat avec Science & vie (6 titres parus), a sorti une boîte Le quiz de l’histoire pour les collégiens ; Les Livres du Dragon d’or un coffret Chica Vampiro, et 404 une boîte Minecraft. "En 2016, on a imprimé 100 000 boîtes", se réjouit Alexandra Bentz, le tout aux côtés de jeux de plateau Charlie ou Pokémon. A son programme de 2017, des boîtes-jeux pour les 3-5 ans, illustrées par Olivia Cosneau, consacrées aux premiers apprentissages pour "être à la fois dans le rayon jeunesse et dans le rayon parascolaire".

Bénéficiant de la référence historique de Nathan Jeux, Nathan Jeunesse développe des jeux à partir de sa production. "La création des jeux se fait au département jeunesse car nous avons le matériel et les illustrations, et nous les publions désormais sous la marque Nathan tout court", détaille Marianne Durand, directrice de Nathan Jeunesse. Ainsi l’éditeur couvre désormais tous les âges et tous les genres avec notamment des quiz et des jeux de plateau autour de la collection "Questions-réponses", des petits jeux autour de la gamme parascolaire "Je comprends tout", un jeu coopératif Le jeu du loup, qui a été suivi par les livres. "Les mallettes "Je joue et j’apprends" comportent à la fois une fiction et un jeu de cartes. Cela permet d’activer deux modes d’apprentissage, et de motiver l’enfant en l’immergeant dans l’histoire", raconte Marianne Durand.

"Nous nous appuyons sur des succès éditoriaux", précise Hélène Wadowski, qui a lancé six boîtes cette année, trois issues de la collection phare "Je suis en CP", mais aussi Lemémo de Roule Galette à partir du grand classique du Père Castor et, pour les plus jeunes, un Mémo des légumes. Hélium a valorisé ses personnages Papa ours et Petit ours créés par Benjamin Chaud en proposant un puzzle et un memory, dont les 6 000 exemplaires chacun ont été épuisés en moins d’un an et sont réimprimés pour les fêtes. "Cela participe de la visibilité des héros et des personnages, et ramène l’enfant vers le livre", commente Louis Delas, directeur de L’Ecole des loisirs. Dans la lignée des jeux de plateau pour les adultes (sur le modèle d’un Trivial Pursuit), Gallimard Jeunesse les a déclinés pour les jeunes, avec entre autres Harry Potter et "Les rois et les reines" d’Alex Sanders.

"La mécanique du jeu doit être en osmose avec l’histoire de l’album auquel il est rattaché", explique Louis Delas. L’Ecole des loisirs coédite sa gamme (7 titres par an) avec Play-Bac, qui publie de son côté ses jeux de cartes et autres mémos avec ses propres personnages, en variant ses propositions : un Domino des bruits pour Soledad, un jeu de cartes Pouss’poussins d’après Claude Ponti ou un jeu de plateau Les trois brigands d’après Tomi Ungerer.

Le jeu obéit à des contraintes différentes de celles du livre, avec une fabrication spécifique, des tests coûteux (comme pour les livres d’activités), et il n’est pas soumis au prix fixe, mais à un prix conseillé. Le groupe Bayard a prévu de lancer une marque Bayard Jeux en avril prochain avec une gamme pour les enfants de 2 à 10 ans, qui déclinera les grands héros du groupe que sont Petit Ours Brun, SamSam, etc., dans des "jeux de cartes, jeux de 7 familles, mémos, lotos, puzzles". Tandis que le groupe Actes Sud devrait lancer en 2018 sa filiale jeux dirigée par Pauline Capitani, en proposant une gamme pour les maisons jeunesse (Actes Sud Junior, Thierry Magnier, Rouergue et Hélium) du groupe. On n’a pas fini de jouer.

25.11 2016

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