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Dossier Livre audio : la voie du Web

OLIVIER DION

Dossier Livre audio : la voie du Web

Faute de trouver pleinement sa place en librairie, le livre audio se développe sur Internet, aussi bien grâce à la vente par correspondance que par le téléchargement, qui tirent le marché. Les ventes dans le réseau physique continuent de stagner dans un contexte économique tendu.

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Par Charles Knappek
Créé le 28.10.2014 à 17h36 ,
Mis à jour le 28.11.2014 à 12h53

Cette année encore, les professionnels du livre audio sont revenus, mi-octobre, de la Foire du livre de Francfort des rêves pleins la tête, tant le secteur est florissant outre-Rhin, et le coeur lourd de désillusions, tant le marché français peine encore, lui, à décoller. "En Allemagne, il y a des murs entiers de livres audio dans les librairies et 3 000 nouveautés paraissent tous les ans, c'est dix fois plus qu'en France", compare la directrice d'Audiolib, Valérie Lévy-Soussan. Si le marché français stagne, la responsabilité en incombe essentiellement aux libraires, estiment les éditeurs, selon lesquels on ne donne tout simplement pas leur chance aux livres audio dans les rayonnages. "Le plus souvent, il faut les chercher en bas des linéaires, quand ils ne sont pas remisés dans un coin sombre du magasin. Les libraires ne jouent pas le jeu. Pour eux, le livre audio reste trop souvent un sous-produit", déplore Christine Van den Bosch, directrice de VDB. L'exposition des livres audio est largement tributaire du bon vouloir de chaque libraire. "Le livre audio doit être vu, on s'adresse encore beaucoup à une cible qui n'entre pas dans une librairie pour acheter un livre audio, mais qui peut être intéressée par le produit si elle l'aperçoit", estime Véronique Haïtse, codirectrice de la collection "Chut !", à L'Ecole des loisirs. "Certains titres ont besoin d'être défendus, tout comme le sont les livres papier. C'est aussi cela que nous attendons des libraires", renchérit Patrick Meadeb, le fondateur de Sonobook.

"En Allemagne, il y a des murs entiers de livres audio dans les librairies et 3 000 nouveautés paraissent tous les ans, c'est dix fois plus qu'en France." VALÉRIE LÉVY-SOUSSAN, AUDIOLIB- Photo OLIVIER DION

Globalement, les éditeurs de livres audio sont confrontés à une chute de leurs ventes dans le réseau des librairies physiques. "Aujourd'hui le marché est atone et la librairie ne représente que 25 % de notre potentiel de vente", évalue Paule Du Bouchet, responsable de la collection "Ecoutez lire" chez Gallimard. "Pour nous, c'est la grosse claque, nous avons enregistré une baisse de 40 % avec notre principal distributeur, Pollen", admet Alain Boulard, patron de CDL. "Notre chiffre d'affaires a diminué de 20 % en 2011, mais il est vrai que nous avons moins produit, tempère pour sa part Patrick Meadeb, chez Sonobook. Pour 2012, on ne sait pas encore ; nous attendons Noël, qui représente traditionnellement un temps fort de l'année." De son côté, VDB annonce un repli de son chiffre d'affaires de 5 %. Frémeaux & associés reconnaît un recul de 6 %, mais son P-DG, Patrick Frémeaux, nuance : "Nous avons aussi réduit la production de moitié au cours des deux dernières années, nous nous retrouvons donc en situation de profit. L'enjeu pour nous est de ne pas produire trop dans la mesure où nous pensons que l'offre progresse aujourd'hui beaucoup plus vite que la demande."

"Aujourd'hui le marché est atone et la librairie ne représente que 25 % de notre potentiel de vente." PAULE DU BOUCHET, GALLIMARD- Photo OLIVIER DION

Chez Sixtrid, tout comme à L'Ecole des loisirs, la croissance se maintient surtout grâce aux achats massifs des bibliothèques municipales et départementales. "En 2012, notre croissance sera limitée à 2 ou 3 % à cause d'une forte baisse de la vente aux particuliers", indique Anne Millischer, éditrice chez Sixtrid. Malgré une production de 51 titres en 2012 et quelques succès notables, Audiolib sort également d'une année plus difficile qu'à l'accoutumée, avec une progression ralentie de son résultat. "Nous étions dans une année d'élections, la librairie a connu quelques tourments et la fréquentation n'était pas fantastique. Mais nous continuons à progresser légèrement, ce qui est positif dans le contexte actuel", souligne Valérie Lévy-Soussan.

"Certains titres ont besoin d'être défendus, tout comme le sont les livres papier. C'est aussi cela que nous attendons des libraires." PATRICK MEADEB, SONOBOOK- Photo OLIVIER DION

Exception à la morosité ambiante, Thélème annonce une fracassante augmentation de 30 % de son chiffre d'affaires. "Ces excellents résultats s'inscrivent dans la tendance de croissance progressive des dernières années, décrypte la fondatrice, Adeline Defay. Ils s'expliquent aussi par la diversification de notre offre. Nous avons développé les auteurs contemporains comme Paul Auster, John Irving, Véronique Ovaldé ou Laurent Gaudé, alors que nous proposions jusqu'alors beaucoup de classiques de la littérature."

"UNE CLIENTÈLE PLUS JEUNE ET PLUS URBAINE"

Dans ce contexte, et nonobstant les belles performances de Thélème, les éditeurs misent plus particulièrement sur les canaux de diffusion parallèles qui, eux, continuent de croître, qu'il s'agisse de la vente par téléchargement ou, plus encore, de la vente par correspondance. Gallimard vient de finaliser la mise en place d'une offre en téléchargement de l'ensemble de son catalogue chez Audible, la filiale d'Amazon. "Audible va proposer notre catalogue numérique à un prix inférieur de 25 % à celui du catalogue de livres audio physiques. Jusqu'à présent, il était très peu visible sur Internet, notamment sur Fnac.com qui propose 46 titres. L'an dernier, nous étions au point mort dans les négociations avec Audible, mais cette année nous sommes parvenus à un accord", se félicite Paule Du Bouchet, qui compte sur le téléchargement pour apporter une "nouvelle dynamique" à la collection "Ecoutez lire".

Gallimard est également présent sur Sigelis, une plateforme indépendante créée à Grenoble en avril 2011 par Florence Myon. Celle-ci propose aujourd'hui les titres d'une douzaine d'éditeurs, aussi bien à la vente qu'en location : dans ce dernier cas, le client accède au livre audio pendant deux semaines, à un tarif moindre. A la fin d'octobre, L'Ecole des loisirs a enrichi le catalogue de Sigelis, qui compte près de 800 titres  : "La vente de livres audio dématérialisés est une grande première pour nous, indique, à L'Ecole des loisirs, Véronique Haïtse. Nous avons longuement hésité avant de franchir le pas, car la qualité d'un fichier MP3 est moins bonne. Mais, aujourd'hui, tout le monde écoute des MP3 et a l'habitude des supports dématérialisés. Nous aimerions proposer notre catalogue sur d'autres plateformes, il n'y a pas d'exclusivité." De son côté, Florence Myon s'efforce de nouer des partenariats avec d'autres éditeurs. "Nous discutons notamment avec Audiolib", confie-t-elle. Actuellement, la filiale d'Hachette et d'Albin Michel travaille déjà avec Audible, iTunes, Numilog et Sixtrid. "Le téléchargement représente 10 % de notre activité, il nous permet de toucher une nouvelle clientèle, plus jeune et plus urbaine", commente Valérie Lévy-Soussan.

VDB devrait également démarrer d'ici à la fin de l'année une collaboration avec Audible. "Aujourd'hui, le téléchargement ne représente pas plus de 5 % de notre activité, mais c'est un secteur en croissance, observe Christine Van den Bosch. Nous aimerions le faire grimper à 10 ou 15 % du chiffre d'affaires". De la même façon, Thélème ne se contente pas de ses bons résultats commerciaux en librairie. L'éditeur a aussi inauguré en juillet son offre de téléchargement en ligne. "Pour le moment, l'accès aux livres audio dématérialisés n'est possible que sur notre site Web, mais nous discutons avec plusieurs plateformes pour étendre l'offre prochainement", indique Adeline Defay. La maison propose une remise de 30 % sur l'ensemble de son catalogue. "Nos attentes sont élevées, surtout en ce qui concerne les titres contemporains. Le public s'intéresse aux nouvelles technologies, nous touchons beaucoup d'actifs utilisant les transports en commun ou conduisant pour aller travailler." Pour sa part, la présidente de l'association Lire dans le noir, Aurélie Kieffer, rêve déjà de l'étape suivante : "Maintenant, ce que nous pourrions attendre des éditeurs, ce serait qu'ils proposent leurs ouvrages sous forme d'ebooks couplés à une version audio de qualité. A ma connaissance, cela n'existe pas encore en France, mais, aux Etats-Unis, le concept a déjà intéressé."

Si 2012 est incontestablement l'année de l'explosion du téléchargement pour plusieurs acteurs, cette pratique suscite cependant un engouement plus mesuré au Livre qui parle. La maison d'édition a bien des accords avec Numilog et Audible, notamment, mais elle n'entend pas pousser plus avant sa collaboration avec ces partenaires. "On ne sait pas ce qui se passe sur les plateformes, nous n'avons pas d'outils nous permettant de suivre de façon fine les ventes réalisées et nos interlocuteurs ne nous fournissent, de temps en temps, que des données agrégées, justifie la gérante, Isabelle Pierret. Nous ne souhaitons pas poursuivre, d'autant que cela rapporte très peu. Chez nous, c'est même plutôt en décroissance, même s'il est vrai que nous n'avons pas proposé de nouveautés en téléchargement depuis longtemps." Même ceux qui anticipent, pour le livre audio dématérialisé, d'importants débouchés n'y voient toute de même pas une panacée. Ainsi, chez Sixtrid, "le téléchargement ne prend pas d'ampleur. Au niveau de la plateforme de téléchargement, les ventes sont les mêmes que l'an dernier", constate Anne Millischer. Il est vrai que l'éditeur bénéficie de la notoriété de sa librairie spécialisée Livraphone, dans le 15e >arrondissement de Paris, pour dynamiser ses ventes de produits physiques.

EFFORTS PAYANTS EN LIBRAIRIE

De fait, pour peu qu'un libraire s'en donne la peine, le support audio classique conserve toute sa place dans le réseau physique. Le volontarisme de certains chefs de rayon dans plusieurs librairies de grandes villes françaises, et dans les Fnac parisiennes de Montparnasse et des Halles, est à ce titre salué par nombre d'éditeurs. "A Bordeaux, Mollat consacre toute une vitrine aux livres audio et les a mis en avant pour les vacances d'été. Cela nous a permis d'obtenir de très bons résultats", se réjouit Valérie Lévy-Soussan. "Si les libraires se donnaient tous la peine de traiter le livre audio comme n'importe quel livre, nous n'aurions pas besoin de miser sur des canaux de distribution alternatifs, renchérit Christine Van den Bosch pour VDB, où la vente par correspondance représente près de la moitié du chiffre d'affaires. Aujourd'hui, le manque d'implication des librairies nous a poussés à réduire au minimum notre présence en rayons et à miser sur les ventes en ligne car nous savons que nous sommes trop peu visibles dans le réseau physique."

Le constat est partagé chez Frémeaux comme chez Gallimard, qui se sont associés l'an dernier pour mettre en place des meubles durs en métal et en bois (colonnes de sol pivotantes et bibliothèques murales), proposant conjointement les titres de leurs catalogues respectifs. Après une année, le bilan de l'expérience est modeste. "Même s'il est encore un peu tôt pour se faire une idée précise des ventes réalisées grâce à ces meubles, nous n'avons pas obtenu les résultats que nous espérions", reconnaît Paule Du Bouchet. Seules une cinquantaine de librairies ont en effet accepté le dispositif, alors que les deux éditeurs prévoyaient d'équiper les 200 plus importantes en France. "On sait que ceux qui ont pris ce meuble en sont satisfaits, positive Patrick Frémeaux. Nous observons moins de retours pour le moment, mais c'est sans doute parce que les libraires veulent garder un meuble garni. Les chiffres réels ne seront donc pas connus avant l'année prochaine. Avec cette opération, notre but est d'institutionnaliser le livre audio. Nous voulons qu'il devienne un produit évident en librairie, et bien sûr cela prend du temps."

LE FLASHCODE POUR STIMULER LES VENTES

Les éditeurs ont souvent pointé du doigt l'impossibilité pour les acheteurs potentiels de "feuilleter avec les oreilles" les livres audio en librairie. Or, depuis le début de l'année, trois maisons d'édition, Le Livre qui parle, Eponymes et Ouï-dire ont chacune de leur côté pourvu les jaquettes de leurs ouvrages d'un flashcode qui relève ce défi. En scannant le code avec son smartphone, le client potentiel qui découvre le produit en librairie est renvoyé vers un lien proposant un aperçu de l'enregistrement en format MP3. "Cela permet au client de découvrir la voix et l'atmosphère du livre audio que nous lui proposons. C'est facile à mettre en oeuvre et c'est un bon moyen de lui donner une idée de la qualité de l'enregistrement", explique Isabelle Pierret, gérante du Livre qui parle.

Pour la présidente de l'association Lire dans le noir, Aurélie Kieffer, l'initiative est très positive : "Nous plaidons depuis longtemps pour l'installation de bornes d'écoute dans les librairies, mais il est vrai que cela peut représenter un investissement lourd. L'accès aux contenus grâce au flashcode constitue à ce titre un progrès très intéressant. En discutant avec les adeptes de livres audio, on se rend compte que la voix du lecteur et son interprétation du texte sont des critères essentiels pour le passage à l'achat. Comme c'est très subjectif, il est important de pouvoir écouter un peu afin de se faire une idée du produit." De quoi donner des idées à d'autres éditeurs ? La plupart d'entre eux (Audiolib, Thélème, VDB, Gallimard, Sonobook...) proposent déjà tout ou partie de leur catalogue en extraits sur leurs sites Web respectifs dans le cadre de leur offre de téléchargement.

De la fiction entre les oreilles

 

Le polar et le roman sont largement représentés dans les catalogues et les bonnes ventes des éditeurs de livres audio. La non-fiction, beaucoup moins.

 

"Maintenant, ce que nous pourrions attendre des éditeurs, ce serait qu'ils proposent leurs ouvrages sous forme d'ebooks couplés à une version audio de qualité." AURÉLIE KIEFFER, LIRE DANS LE NOIR- Photo OLIVIER DION

Il ne faut pas croire que les adeptes du livre audio aient des goûts très différents des lecteurs de l'imprimé. Le marché du livre enregistré est avant tout un reflet fidèle de son alter ego de papier. "Ce sont les thrillers qui marchent le mieux, suivis par les romans de grands auteurs contemporains", explique Isabelle Pierret, gérante du Livre qui parle, à la fois éditeur et librairie en ligne. "Nous ne faisons que de la vente par correspondance. Notre activité de libraire représente 60 % du chiffre d'affaires, contre 40 % pour l'édition", précise-t-elle.

Photo OLIVIER DION

Fort de son catalogue de best-sellers, Audiolib, filiale du Livre de poche, se taille sans surprise la part du lion. Cette année, les trois volumes de 1Q84 d'Haruki Murakami constituent l'une des meilleures ventes de l'éditeur, avec 6 000 exemplaires pour le premier titre, et un peu moins pour les suivants. Audiolib lance d'ailleurs un coffret 1Q84 pour les fêtes de fin d'année. La liste de mes envies de Grégoire Delacourt s'est écoulé à près de 4 000 unités. "C'est un ouvrage court et accessible qui a tout de suite séduit", indique Valérie Lévy-Soussan, directrice d'Audiolib, qui observe aussi une forte demande pour les ouvrages de Camilla Läckberg, Fred Vargas, Jean-Christophe Grangé ou Franck Thilliez, sans oublier les indémodables Marc Lévy et Guillaume Musso "qui se vendent presque tout seuls".

L'exception confirmant la règle, c'est toutefois un titre de non-fiction, Méditations : 12 méditations guidées pour s'ouvrir à soi et aux autres de Fabrice Midal, qui a obtenu les meilleurs résultats avec 14 000 exemplaires vendus depuis sa parution à la fin de l'année 2011. "Il est rare de remporter un tel succès avec un ouvrage qui ne relève pas de la fiction. D'habitude, ce sont les romans et les policiers qui séduisent le plus d'acheteurs", souligne Valérie Lévy-Soussan. Audiolib proposera en décembre la version audio du best-seller érotique Cinquante nuances de Grey, dont la version papier est parue en octobre chez Lattès. Dès novembre, Le Hobbit de Tolkien sera également disponible afin d'anticiper la sortie au cinéma du blockbuster du même titre réalisé par Peter Jackson. Malgré un certain ralentissement de son activité, Audiolib approche les 3 M€ de chiffre d'affaires annuel et reste de loin le principal pourvoyeur de livres audio dans l'Hexagone.

RESSERREMENT DE LA PRODUCTION

>Touchés par la crise, les autres acteurs ont pour la plupart réduit leur production. VDB, par exemple, est passé de trente nouveautés en 2011 à une vingtaine cette année. La maison vauclusienne peut toutefois, elle aussi, s'appuyer sur plusieurs auteurs à succès. "Nous allons bientôt publier le cinquième tome de la série Autre-monde de Maxime Chattam, intitulé Oz. La sortie du livre audio sera presque simultanée avec celle de l'édition papier [le 31 octobre chez Albin Michel, NDLR]", indique Christine Van den Bosch, dont le catalogue de nouveautés (Les partenaires de John Grisham, L'âge des miracles de Karen Thompson Walker, Serment d'automne de Françoise Bourdin...) lui permet de tirer son épingle du jeu. Mais à la différence d'Audiolib, un titre VDB a besoin d'un an, voire un an et demi d'exploitation, pour atteindre son seuil de rentabilité.

"On ne court pas après les best-sellers, mais on aimerait bien en publier un de temps en temps", espère quant à lui Alain Boulard, de CDL. Avec une dizaine de titres par an en moyenne, CDL s'adonne aussi au polar : Robe de marié de Pierre Lemaitre figure parmi ses meilleures ventes de l'année. Mais les classiques occupent une bonne place dans le catalogue de l'éditeur, qui prévoit par exemple de publier en 2013 un coffret de trois titres autour de la Première Guerre mondiale (Les croix de bois, A l'est rien de nouveau, et un troisième encore à déterminer).

Gallimard, pour sa part, s'appuie sur la richesse de son catalogue pour proposer les auteurs à succès français (Carole Martinez, Marc Dugain, Daniel Pennac, Patrick Modiano...), mais limite sa production à une vingtaine de titres par an, dont une douzaine seulement en littérature pour adultes. "Bien sûr, nous aimerions produire plus de livres, mais nous sommes une petite équipe et nos moyens sont limités", explique Paule Du Bouchet, responsable de la collection "Ecoutez lire" chez Gallimard. Plus prolifique avec 45 nouveautés en 2012, Thélème mise aussi sur les auteurs reconnus (Véronique Ovaldé, Henri Bauchau, Laurent Gaudé, Paul Auster, l'Islandaise Audur Ava Olafsdottir...). "Le sermon sur la chute de Rome de Jérôme Ferrari [Actes Sud, août 2012, NDLR] est l'un de nos grands succès de la rentrée. Nous nous efforçons de réduire au miniimum le décalage avec la sortie papier, afin d'optimiser nos ventes", explique Adeline Defay, la fondatrice de Thélème.

Chez Sonobook, Patrick Meadeb a fait le pari de la coédition avec Leduc.s pour Les 4 vies de Steve Jobs, paru en fin d'année 2011. "Les ventes sont correctes, mais elles auraient pu être meilleures car le diffuseur de Leduc.s n'a pas l'habitude de travailler le livre audio. Beaucoup de mes clients habituels n'ont pas été fournis", relate Patrick Meadeb. Sonobook poursuit dans la non-fiction avec La fabuleuse histoire du vin de Jean-François Gautier, paru fin octobre et Sous le signe du lien de Boris Cyrulnik, sorti en août. "C'est plus difficile que de lancer le dernier best-seller, mais cela fait partie de notre rôle d'éditeur", dit-il. La non-fiction reste d'ailleurs porteuse pour qui sait l'exploiter : Frémeaux & associés séduit les auditeurs avec les titres de Michel Onfray, Faut-il brûler l'art contemporain ? et La contre-histoire de la philosophie. Sa meilleure vente de l'année est Tristes tropiques de Claude Lévi-Strauss. "Nous avons écoulé 700 exemplaires de ce coffret de 16 CD. En CA, c'est l'équivalent de 10 000 unités pour un livre papier", se félicite Patrick Frémeaux.

UNE PERCÉE DE L'AUDIO JEUNESSE

L'édition jeunesse trace aussi son sillon sur le marché du livre audio. C'est notamment dans ce genre que la plateforme de téléchargement Sigelis enregistre ses meilleures ventes avec Vendredi ou La vie sauvage de Michel Tournier (Gallimard) et Le journal d'Anne Frank (La Compagnie du savoir). "On s'aperçoit que 60 % de nos clients sont des femmes et qu'elles n'achètent pas que pour elles, mais aussi pour leurs enfants et leurs petits-enfants. Les enseignants sont aussi nombreux à télécharger un livre pour le faire écouter en classe à leurs élèves", explique la fondatrice du site, Florence Myon.

Sur ce marché, L'Ecole des loisirs publie six nouveautés par an (quatre au printemps, deux à l'automne) ; de son côté, Gallimard en a lancé huit cette année, soit près de la moitié de sa production de livres audio. A L'Ecole des loisirs, les tirages moyens atteignent 2 000 exemplaires et trois des quatre nouveautés du printemps 2013 sont déjà connues : deux livres de Colas Gutman (Rose, Le géant et le gigot) ainsi que La tente de Claude Ponti. "Nos ventes sont en général de 1 500 unités, mais ça peut monter à 4 500, souligne Véronique Haïtse, codirectrice de la collection "Chut !". Le plus efficace, c'est quand le produit est intercalé entre les livres papier. Les gens qui n'ont pas le réflexe du livre audio achètent plus facilement quand c'est pour leurs enfants."

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