P as d’erreur de casier, aucune homonymie : le « multirécidiviste » est bien Didier Daeninckx, spécialiste de la dénonciation ciblée et de l’outrance sélective. Didier dénonce avait déjà titré Patrick Besson dans l’un de ses livres. Cette fois, le pétitionnaire à répétition s’en prend à Baleine, éditeur de la série Le poulpe mais surtout rééditeur d’un roman, en lui-même inoffensif, du très nauséabond François Brigneau. Autant le dire d ’emblée, l’auteur de ces lignes est partie prenante, même indirectement, à l’affaire, puisque c’est sa cousine, Stéfanie Delestré, spécialiste ès-polars, qui dirige aujourd’hui Le Poulpe (Didier, inscris ça sur ma fiche, mais ajoute à ton sinistre recensement que Stéphanie a prénommé son fils Isaac, qu’elle est mariée à un Malgache d’origine, et que je suis l’auteur d’un Paris des Francs-maçons. C’est donc une sorte de tribune judéo-maçonique post-moderne que tu lis. Sans compter que j’ai publié mes trois premiers romans au Dilettante, éditeur que tu exècres pour avoir commercialisé du Nabe, du Rebatet et du Limonov, et où j’ai été jusqu’à préfacer ADG   !). Mais foin des basses querelles et examinons, juridiquement, ta pétition  :   tu demandes, suivi par tes derniers fidèles de l’ordre du temple de la pensée politico-solaire, à ce que les contrats conclus avec Baleine soient résiliés/rompus. Bref à faire jouer l’équivalent d’une clause de conscience. Si tant est qu’elle existât dans l’édition — à l’image de ce qui se passe dans le journalisme, en cas de changement d‘actionnaire ou de ligne éditoriale —, il faudrait d’abord être cohérent et opérer de même avec tes autres éditeurs : Denoël (attention tu es cerné par un complot familial : mon frère y a publié plusieurs livres), éditeur historique de Céline, filiale de Gallimard (dont le catalogue affiche toujours du Rebatet). Et que dire de l’un de tes derniers opus sorti chez Perrin (dont chacun sait dans le milieu du livre que, au-delà de la qualité des ouvrages qu’elle publie, cette maison n’est pas, au sein du groupe Editis, si à gauche que ça de La Découverte). Il n’existe que deux issues pour que l’auteur prompt à s’indigner puisse quitter son éditeur soudainement, au point de faire disparaître son livre du catalogue. En premier lieu, il y a le cas de la cession du fonds de commerce de l’éditeur. Selon le Code de la propriété intellectuelle, l'autorisation de l’auteur n’est pas nécessaire pour que son contrat soit transféré lors de ce type d’opération. Sauf si «  celle-ci est de nature à compromettre les intérêts matériels ou moraux de l’auteur  ». Celui-ci est alors «  fondé à obtenir réparation même par voie de résiliation de contrat  ». Les juges examinent cependant très sévèrement les contestations soulevées par les auteurs et leur demandent une véritable démonstration du grave préjudice qu’ils subiraient en cas de « transfert ». Telle n’est pas ici la situation. Enfin, le même Code accorde à l'auteur une prérogative morale véritablement extraordinaire du droit commun. Il s'agit du « droit de retrait ou de repentir ». Grâce à ce droit, l'auteur peut revenir sur la publication de son œuvre. En dépit de tout engagement contractuel, il peut choisir de reprendre son manuscrit et, si l’œuvre est déjà publiée, d’en arrêter la commercialisation. Ce droit exorbitant est bien entendu fortement encadré : d'une part, l'auteur est tenu d'indemniser l'éditeur du préjudice subi ; d'autre part, l'auteur ne peut exercer cette prérogative exceptionnelle que pour des raisons purement morales. Hélas, Didier, pour le cas où l’écrivain reviendrait sur sa décision, il est tenu de proposer à nouveau son œuvre au même éditeur avant tout autre, et aux mêmes conditions que précédemment conclues. Pétitionne, camarade, même de façon incohérente : en droit, il n’en restera rien.  
17.10 2013

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