Comme la rentrée française, la rentrée étrangère s’annonce resserrée, avec 196 nouveautés entre août et octobre, contre 203 un an plus tôt. Prudents, les éditeurs distillent grands noms de la littérature mondiale et auteurs à découvrir. Sur le plan thématique, secrets de famille et blessures du passé voisineront avec des récits plus décoiffants. Les traductions de l’anglais représentent toujours plus de la moitié des nouveautés (111 titres). Elles sont suivies par celles de l’allemand (16 titres, dont 3 chez Piranha qui explore ce domaine), de l’espagnol (14 titres), et de l’italien (8 titres), lesquelles soulignent la persistance de l’intérêt pour les auteurs européens.
Aux côtés de Martin Amis (Calmann-Lévy), David Grossman (Seuil), Dinaw Mengestu (Albin Michel), Toni Morrison (Christian Bourgois) ou David Foster Wallace (L’Olivier), dont au Diable vauvert réédite parallèlement C’est de l’eau, on retrouvera Richard Ford, qui remet en selle son héros retraité Frank Bascombe dans En toute franchise (L’Olivier), et Jim Harrison, dont l’inspecteur Sunderson reprend du service dans Péchés capitaux (Flammarion). En octobre, on lira William Boyd (Seuil), Andrea Camilleri (Fayard), Marcello Fois (Seuil), Paolo Giordano (Seuil). Au nombre des poids lourds de la rentrée figurent aussi Illska de l’Islandais Eiríkur Orn Norddahl (Métailié) et D’ailleurs, les poissons n’ont pas de pieds (Gallimard) de son compatriote Jón Kalman Stefánsson, l’auteur de la trilogie initiée avec Entre ciel et terre, pressenti pour le prix Nobel de littérature, ainsi que Dépressions, le premier livre, inédit en France, d’Herta Müller, prix Nobel de littérature 2009.
Rock et comédies
Egalement au programme, Megan Abbott, venue du polar (Lattès), Nickolas Butler, auteur de Retour à Little Wing (Autrement), prix Page America 2014, Javier Cercas (Actes Sud), Iain Levison (Liana Levi), Ian McEwan (Gallimard), Marisha Pessl (Gallimard), Sasa Stanisic, l’auteur du Soldat et du gramophone (Stock), Martin Suter (Christian Bourgois) et Nick Tosches (Albin Michel).
D’autres s’inscrivent dans un registre plus rock and roll, ou dans celui de la comédie, comme Furukawa Hideo (Picquier), avec Soundtrack, "aussi fiévreux et puissant qu’un solo de guitare punk-rock", Vie et mort de Sophie Stark, premier livre traduit en français d’Anna North (Autrement), le très pop Nick Hornby, avec Funny girl, sur une star de la BBC dans les swinging sixties (Stock), Richard Powers, avec Orfeo (Le Cherche Midi), l’histoire d’un compositeur accusé de terrorisme, Douglas Coupland, auteur culte de Génération X, avec La Pire. Personne. Au monde, celle d’un cameraman loser (Au Diable vauvert), Brian Morton, avec La vie selon Florence Gordon (Plon, "Feux croisés"), une comédie à la Woody Allen. On pourra aussi lire deux ovnis : Hororstör de Grady Hendrix, qui se déroule dans une sorte d’Ikea envahi par les zombies (Milan et demi) et Ce livre est plein d’araignées de David Wong (Super 8).
D’ici ou là
La littérature anglophone ne s’écrivant pas qu’aux Etats-Unis et en Angleterre, cette rentrée est aussi l’occasion de découvrir une nouvelle génération d’auteurs venus d’Inde avec Deepti Kapoor (Seuil), Sandip Roy (Les Escales), Joydeep Roy-Bhattacharya (Gallimard), tous trois primo-romanciers, et de retrouver Kavita Daswani (de Fallois). Les Irlandais sont aussi en force : dans le sillage de Colm Tóibín, auteur de Brooklyn, qui offre une variation sur Jésus et sa mère, Le testament de Marie (Robert Laffont), apparaîtront Eimear McBride avec Une fille est une chose à demi (Buchet-Chastel), sur fond d’inceste et de handicap mental, Ciairán Collins (Losfeld) et Paul Lynch (Albin Michel). L’Ecossaise Kerry Hudson revient avec La couleur de l’eau (Philippe Rey), ainsi que l’Australien Christos Tsiolkas (Belfond) ou le Nigérian A. Igoni Barrett (Zulma). Quatre titres sont traduits du néerlandais : Tout cru d’Arnon Grunberg (Actes Sud), Esclave heureux de Tom Lanoye (La Différence), Miroitements d’Erwin Mortier (Fayard), Guerre et térébenthine de Stefan Hertmans (Gallimard). On notera aussi deux traductions du turc, Encore de Hakan Günday (Galaade), et Le fils du capitaine de Nedim Gürsel (Seuil) ; une de l’indonésien, L’homme-tigre d’Eka Kurniawan, traduit en français pour la première fois (Sabine Wespieser) ; deux du serbe avec l’Atlas des reflets célestes de Goran Petrovic (Noir sur blanc) et la réédition du Dictionnaire khazar (Le Nouvel Attila) de Milorad Pavic, paru en 1988 chez Belfond.
Des nouveaux, connus ou inconnus
La rentrée 2015 comporte également son lot de premiers romans comme Le voleur de voitures de Theodore Weesner (Tusitala), un classique de la littérature américaine paru en 1972 et jamais traduit en France, au héros comparé à "un Holden Caulfield en col bleu", Six jours de Ryan Gattis, sur les événements de Los Angeles en 1992 (Fayard), Le silence des bombes de Jason Hewitt (Préludes), Là où tombe la pluie de Catherine Chanter (Les Escales), Tout ce qui est solide se dissout dans l’air de Darragh McKeon (Belfond), Transparence d’Alex Christofi et La balade des pas perdus de Brooke Davis (Fleuve éditions), Je m’appelle Blue de Solomonica de Winter (Liana Levi).
A l’inverse, d’autres titres arrivent déjà auréolés de distinctions comme Le printemps des barbares du Suisse Jonas Lüscher, prix Franz-Hessel 2014 (Autrement), Les folles espérances, premier roman d’Alessandro Mari, prix Viareggio 2011 (Albin Michel), Une vie entière de Robert Seethaler (Sabine Wespieser), élu meilleur auteur de l’année par les libraires allemands, ou L’oiseau du bon dieu de James McBride (Gallmeister), l’histoire, en 1856, d’un jeune esclave noir déguisé en fille par l’abolitionniste John Brown, National Book Award 2013. Enfin, du côté des essais, on n’oubliera pas les Notes sur la littérature russe d’Alexandre Soljenitsyne (Fayard), le journal d’Henning Mankell sur son cancer, Sable mouvant (Seuil), ou les Notes marginales de Jonathan Coe (Gallimard). C. C.