Enfin ! Depuis qu’on lui reprochait d’occuper toutes les places, dans les entreprises, les banques, les médias, les librairies, les palais de justice etc, la génération des baby-boomers (les classes pleines de l’après-guerre) laisse les places. Ceux qui ont été élevés au lait de Mendès-France, qui ont fait la révolution en mai 68, qui ont élu Mitterrand en 1981, qui ont défendu les droits de l’homme jusqu’à ce que chute le Mur de Berlin, qui ont goûté aux délices du CAC 40, débarrassent enfin le plancher. Ouf, pensez-vous ?… Ben non, voilà désormais les papy-boomers ! Plus vieux, plus riches, plus à droite, bref guère différents de leurs prédécesseurs, même si en poussant leurs parents dans les orties ils sont persuadés d’avoir changé le monde. Pensez-vous : leurs géniteurs aimaient De Gaulle, l’accordéon et les chansonniers, de vrais fascistes ! En 2007, les papy-boomers sont toujours là. Et ils nous étourdissent de leurs analyses brillantes. Un maître-penseur, André Glucksmann, 70 ans aux cerises, qui a conservé sa coiffure façon Beatles époque yé-yé et ses colères télévisuelles dès que le rouge est mis, l’homme qui a admiré successivement Beria, les gardes rouges de Mao et le Bush irakien annonce dans Le Monde que, fidèle à tous ses combats, il choisit Sarkozy. Alain Minc, plus jeune car né en 1949, lui, « fils de communistes » il n’oublie jamais de le rappeler (1), fait le tour des médias (d’Ardisson à Bern) non pour présenter son nouveau livre ( Keynes, une sorte de diable ), mais pour expliquer –suivez le bien- que, partisan de DSK, il va voter Sarkozy car, voyez-vous, la France est une monarchie et qu’il faut avoir les « capacités pour le job ». Il traduit lui-même: Ségolène Royal ne les a pas (les capacités…). A-t-il, lui, les capacités pour diriger une entreprise ou pour écrire des livres ? Le public s’interroge. Mais les citoyens français savent bien que la royauté était fondée sur l’hérédité, voire sur Dieu. S’ils ne comprennent pas les acrobaties minciennes, c’est qu’il doit leur manquer quelque chose. La dialectique bien sûr, ou ce qu’il en reste : vous vous croyez en république, non, vous retardez, la France est royaliste. Oh, pardon… Après m’être moqué des papy et des grand-papy-boomers je vais vous faire une confidence : j’en suis un. Cette entrée dans le club prend, pour moi, différentes formes, voire des formes bien différentes, assez prosaïque en somme. Début janvier la pharmacienne qui me connaît de mieux en mieux (ah, ce maudit genou !), m’a offert « quelque chose pour la nouvelle année ». En ouvrant le paquet dans la rue entre anti-inflammatoires et antidouleurs, j’ai découvert : une petite bouteille d’eau de Cologne (un générique de Roger-et-Gallet !). L’année prochaine ma femme m’a promis que je recevrai la boite de chocolats de la mairie. Et j’aurai bientôt droit à la carte Vermeil. Qui sera Président alors ? Je n’en sais rien. Mais je crains de finir en vieillard indigne. (1) tout comme Roger Hanin, 80 ans et Pascal Sevran, 61 ans, « mitterrandiens historiques » comme ils sont devenus sarkozystes de circonstance. Pardonnons aux saltimbanques, même si le premier en est à son énième « roman », Loin de Kharkov (la télé ne paie plus décidément), et le second à trop de livres de souvenirs, (le dernier a déjà fait couler beaucoup trop d’encre, n’en parlons pas). Mais on sait depuis Edgar Faure (qui écrivit des polars sous le pseudo d’Edgar Sanday : sans-D !) que ce n’est pas la girouette qui tourne mais le vent!…