La Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) vient de sanctionner la France, jeudi 14 mars. Elle a en effet stigmatisé le recours à une sanction pénale pour Offense au Chef de l’Etat à l’encontre d’Hervé Eon, qualifié de « disproportionné ». Aucun rapport a priori entre notre homme et le célèbre ouvrage autobiographique sur Les Loisirs du chevalier d'Éon de Beaumont , mais bien plutôt avec la non moins désormais fameuse pancarte brandie lors d’une visite de Nicolas Sarkozy à Laval en guise de retour à l’envoyeur. Les juges de Strasbourg on estimé, pour le principe, que l’amende de trente euros avec sursis était susceptible d’avoir « un effet dissuasif sur des interventions satiriques qui peuvent contribuer au débat sur des questions d'intérêt général ». Mais ils n’ont pas été jusqu’à évoquer l’éradication du dispositif français protégeant le Chef de l’Etat. Alors que la même juridiction avait, par un arrêt de 2002, contraint le législateur national à abroger en 2004 le délit d'offense aux chefs d’Etat étrangers, aux chefs de gouvernement étrangers, à leurs ministres des Affaires étrangères et agents diplomatiques… Rappelons que les articles 36 et 37 de la loi du 29 juillet 1881 s’appliquaient aux informations relatives aussi bien à la vie privée des intéressés qu’à leurs fonctions. Reste donc aujourd’hui, pour ce qui est des livres, l’article 26 de la loi de 1881 qui vise l’offense au président de la République. La vérité des propos tenus est indifférente en cas de poursuites : seule l’intention de l’auteur, et non les pièces de son dossier, sont prises en compte. Les annales judiciaro-littéraires en la matière sont éloquentes. Jacques Laurent a d’ailleurs signé, en 1965, à La Table Ronde un très éclairant recueil intitulé Offenses au Chef de l’État . Y sont publiés tous les actes des poursuites déclenchées à la sortie de son Mauriac sous de Gaulle . Les témoignages de Françoise Sagan, Jules Roy, Bernard Frank et Jean-François Revel n’ont pas permis d’éviter la destruction de quelques vingt-cinq pages de l’ouvrage litigieux...  La CEDH n’a pas accordé  de dommages-intérêts à Hervé Eon et la France dispose d’un délai de trois mois pour demander le réexamen de l’affaire. Enfin, en cette période où la guerre au Mali est appelée « opération serval », mentionnons encore le dispositif juridique propre aux périodes « difficiles » - et notamment le régime de l’article 16 de la Constitution (qui accorde les pleins pouvoirs au président de la République) – autorise toujours le rétablissement immédiat d’une censure totale.

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