Les espoirs assassinés de la Syrie. À 12 ans, Nermine rêve de croquer le monde. Syrienne de naissance, exilée au Liban, elle a grandi dans une famille progressiste considérant l'éducation comme un « passeport économique et social ». Son grand-père Moustapha encourageait déjà sa mère Fulla à viser les meilleurs diplômes pour un jour peut-être prendre la parole « à la tribune des Nations unies ». C'était en 1997. En 2000, à la mort de Hafez el-Assad, son fils Bachar el-Assad est élu avec 97,3% des voix, après que le parlement a abaissé l'âge minimum des candidats à 34 ans, soit l'âge du nouveau président. En 2011, la guerre civile syrienne éclate dans le cadre du « printemps arabe », et la famille de Nermine est contrainte de laisser derrière elle son pays, la maison de Daraya et la plaine de la Ghouta, « joliment surnommée "Le verger de Damas" ». « En songeant à la maison familiale, le cœur de Nermine se serre. Ces ruines de Daraya ne lui seront d'aucune aide. Reste la parole, qui se libère petit à petit au sein de la société syrienne depuis le début de la révolution. »

C'est ici, dans ce bastion de l'opposition au régime de Bachar el-Assad, que l'oncle de Nermine a grandi. Réfractaire dès son plus jeune âge à la propagande prorégime véhiculée jusque sur les bancs d'école, Aïssa rejoint les « shebab Daraya », un mouvement initié par un cheikh réformiste, partisan d'un islam éclairé. À leur initiative, une campagne de nettoyage des rues et de protection de l'environnement est mise en place ; une bibliothèque clandestine nommée « les Chemins de la paix » ouvre ses portes, proposant « la sélection la plus hétéroclite que Daraya ait jamais connue ». Face à ces actions, pacifistes dans un premier temps, la répression se fait de plus en plus violente. Engagé auprès des shebab à l'origine du soulèvement ayant conduit à la révolution syrienne, Aïssa doit quitter son pays. Dans sa fuite vers la France, il emporte avec lui un terrible secret l'impliquant lui, sa sœur Fulla et sa nièce Nermine. Un secret que la jeune femme découvre par hasard en empruntant le téléphone de sa mère. Un secret empreint de cette violence « que le régime a disséminée au plus profond de chaque citoyen, telle une semence mortifère ».

Grand reporter spécialisée dans la couverture du monde arabe et du Moyen-Orient, Camille Neveux livre avec Le verger de Damas un premier roman bouleversant, miroir des espoirs assassinés de la population syrienne. Suivant une famille sur trois générations, sa plume épouse les soubresauts de l'histoire et l'intimité de personnages dont la destinée se retrouve liée à celle de leur pays. Séparés par la guerre, les proches de Nermine oscillent entre les non-dits qui les empoisonnent et les souvenirs de temps heureux, comme ce matin hivernal où Moustapha avait donné à sa fille Fulla le conseil de ne pas allumer de bougie la nuit pour habituer ses yeux à l'obscurité, et ainsi voir la lune et les étoiles au-dessus d'elle, où qu'elle se trouve.