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Arnaud Foulon, « Un nouveau souffle dans l'édition »

Arnaud Foulon. - Photo Fabrice Piault

Arnaud Foulon, « Un nouveau souffle dans l'édition »

Pour le président de l'Association nationale des éditeurs de livres (Anel), Arnaud Foulon, la nouvelle génération d'éditeurs québécois porte des enjeux moins politiques mais plus sociaux et écologiques.

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Par Fabrice Piault
Créé le 29.11.2019 à 12h23

Succédant progressivement à son père, Hervé Foulon, à la tête du groupe HMH dont il est vice-président éditions et opérations, Arnaud Foulon, 43 ans, incarne une nouvelle génération d'éditeurs québécois. Il préside l'Association nationale des éditeurs de livres (Anel) depuis septembre 2018.

Livres Hebdo : Votre élection à la présidence de l'Anel témoigne-t-elle d'un renouvellement de l'édition québécoise ?

Arnaud Foulon :Lorsque je suis entré au conseil d'administration de l'Anel, en 2006, j'en étais le plus jeune membre. Aujourd'hui, la moyenne d'âge y tourne autour de 41 ou 42 ans. Plusieurs membres sont dans la trentaine. Il y a dans cette nouvelle génération des repreneurs d'entreprises familiales comme moi, mais surtout de nouveaux entrepreneurs, qui ont créé à partir des années 2000 de nouvelles maisons d'édition telles Alto ou Les malins. Au-delà des passages de témoin, ces entrepreneurs ont apporté un souffle nouveau à l'édition et obligé des maisons plus anciennes à se redéfinir.

En quoi cette nouvelle génération d'éditeurs se différencie-t-elle de la précédente ?

A. F. : Elle a un contact différent avec les auteurs, d'autant que beaucoup de nouvelles maisons sont aussi nées d'une nouvelle génération d'auteurs et de libraires. Et puis, tandis que les éditeurs des années 1970 et 1980 ont été marqués par la Révolution tranquille et les années René Lévesque, la nouvelle génération arrive avec des enjeux moins directement politiques, plus sociaux et écologiques comme on le voit avec Ecosociété et plus généralement dans la production d'essais et de romans imprégnés par les questions d'environnement et de société. Ce renouvellement ne s'opère pas dans une confrontation avec la génération précédente. Au contraire, celle-ci a joué un rôle de mentor et beaucoup aidé. Les groupes, en particulier, ont été moins agressifs avec les petites maisons qu'aux Etats-Unis et en Europe. Il y a eu moins de rachats, plus de soutien en diffusion et en distribution comme l'a fait par exemple Dimedia.

Comment ces transformations influencent-elles les orientations de l'Anel ?

A. F. : L'Anel est précisément le lieu de rencontre entre ces générations, où l'on débat des problématiques qui nous réunissent plutôt que de celles qui nous divisent, pour promouvoir nos éditeurs et assurer le rayonnement de nos auteurs. Sur la scène nationale, nous voulons mettre en avant les auteurs locaux, la littérature québécoise dont nous n'avons pas à avoir honte. Nous avons aussi besoin de nous ouvrir sur le marché international. Nous avons été invités d'honneur du Marché de la poésie, à Paris, et du Salon du livre de Genève en 2018, avec beaucoup de succès. Dany Laferrière est à l'Académie française. Beaucoup d'auteurs québécois sont présents en France à travers des maisons françaises ou directement par leur éditeur québécois comme La Peuplade, Le Quartanier ou La Pastèque. Cela nous conduit à toutes sortes de programmes en France comme dans d'autres pays francophones tel le Maroc. Et nous préparons activement « Canada 2020 », l'invitation d'honneur du Canada à la prochaine foire de Francfort.

Quels sont vos objectifs pour « Canada 2020 » ?

A. F. :Nous voulons profiter de la visibilité octroyée par Francfort pour promouvoir nos auteurs sur la scène internationale. La moitié des livres produits par les éditeurs canadiens sont en français. Nous entendons faire reconnaître cette spécificité, qui intéresse aussi les éditeurs canadiens anglais confrontés à la concurrence américaine. Beaucoup d'événements seront organisés en communs, mais nous sommes aidés pour aller au-delà, mettre en avant tout au long de l'année en Allemagne le fait québécois, de la Foire du livre de Leipzig à Lit.Cologne.

Vous accueillez aussi des éditeurs internationaux au Québec à travers un fellowship.

A. F. : C'est une formule à la mode dans l'édition internationale car elle permet de sensibiliser les éditeurs à une production nationale dans une période de globalisation. Nous avons commencé en 2014 avec 8 éditeurs invités. Pour notre 6e fellowship, cette année, avec une quinzaine d'éditeurs qui découvrent ici une littérature américaine qu'ils ne connaissent pas pendant la semaine du Salon du livre de Montréal, nous avons reçu plus de 100 candidatures.

Le marché du livre québécois bénéficie-t-il de la bonne orientation de l'économie canadienne ?

A. F. :Au Québec, la santé économique a été rétablie au prix de grosses restructurations, de coupes dans les infrastructures, de compressions dans le social et les équipements publics. Mais cette politique porte ses fruits. Le gouvernement veut redonner du pouvoir d'achat à Monsieur et Madame Toulemonde et ceux-ci en consacrent logiquement une part aux livres. Cela profite aux libraires, et donc à l'ensemble de la chaîne du livre même si les ventes ont fortement reculé dans la grande distribution.

Les libraires n'ont cependant pas participé au Salon du livre de Montréal cette année, en raison de son déplacement progressif vers la fin novembre, à des dates qu'ils jugent trop proches des fêtes de fin d'année.

A. F. : Pour l'Anel, le Salon du livre de Montréal est un moment essentiel pour créer un lien privilégié entre les auteurs et leurs lecteurs. Ses dates historiques de la mi-novembre nous conviennent parfaitement. Le report à la fin novembre, imposé par le Palais des Congrès, où le SLM devra être organisé à partir de l'an prochain, pose des problèmes non seulement aux libraires mais aussi aux éditeurs. Mais le plus important, c'est que le salon se tienne. Et huit jours de décalage, c'est tout de même moins grave que six mois comme à Genève.

29.11 2019

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