Vous avez remarqué ? Il suffit d’avoir surpris quelqu’un dans l’intimité pour avoir l’impression de s’être approprié cette personne. Je n’ai pas l’impression d’avoir lu cette explication nulle part (quelque chose m’a peut-être échappé). Mais c’était peut-être le but secret – et « noble » – poursuivi par Le Nouvel Observateur en exhibant les fesses de Simone de Beauvoir : qu’elle nous devienne familière. Rassurez-vous, je ne vais pas revenir sur cette histoire déjà ancienne, vite balayée par d’autres. Mais j’y repensais – et je suis censé tout dire de ce que je pense, n’est-ce pas ? – devant la couverture de Flirter au Bon Marché et autres faits de civilisation , des inédits de Gertrude Stein choisis, présentés et traduits par Jean Pavans : une femme nue assise dans un fauteuil. Elle a le corps épais, les cheveux lui font un casque bleu sombre, le sein gauche est jaune, l’entrecuisse obscur, la jambe droite rose… Bien. Le modèle pourrait être n’importe qui. Mais ce n’est pas n’importe qui, comme on l’apprend face à la page de titre. Leonard Breger a peint Gertrude Stein nue . On est là, bien entendu, très loin du réalisme d’une photo (même retouchée). Mais quand même, Gertrude – je l’appelle Gertrude, maintenant, oui, un peu familièrement – à poil, c’est un sacré choc ! Donc, maintenant que nous la connaissons mieux, lisons Gertrude. Deux fois plutôt qu’une, puisque Jean Pavans édite aussi, dans la même collection Libretto , un autre texte : Henry James , précédé de Shakespeare , par Henry James. (Avec une illustration de couverture beaucoup moins sexy.) Si vous ne l’aviez jamais fait – personne n’a tout lu, même pas moi, je vous rassure –, cette lecture sera un autre choc, bien plus brutal. Je crois que je vais vous en laisser la surprise sans rien expliquer. Sachez seulement que c’est une expérience difficile à oublier, et qui vaut bien d’être faite. Directement au format de poche, comme un cadeau. Deux cadeaux, même. Qui pourraient bien participer à l’objectif déclaré de Daniel Arsand, le responsable du domaine étranger chez Phébus : « rendre accessible Gertrude Stein à un plus vaste public, en guise d’introduction à toute son œuvre. » (Puisque je vous dis tout, j’avoue : j’ai pompé cette déclaration dans un excellent magazine, que vous connaissez si vous êtes sur ce site…) Phébus, Libretto , n os 257 et 258, 144 pages et 9,80 € chacun.
15.10 2013

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