Dans la vie, tout le monde se débrouille avec ses plaies invisibles. Certains parviennent à les transformer pour se sauver. C'est le cas d'Andréa Bescond, comédienne, metteuse en scène, scénariste et réalisatrice. Molière seule en scène pour Les chatouilles, elle a adapté ce spectacle sur grand écran. Il s'agit de sa propre histoire, longuement tue, à savoir le viol dont elle a été victime lorsqu'elle était enfant. La violence, la résilience et les secrets sont d'ailleurs au cœur de son travail. Pas étonnant qu'on les retrouve dans son premier roman délicat et polyphonique. « Toutes les vies des femmes se ressemblent. Et toutes les vies des hommes aussi : l'honneur, la patrie, la fierté. » Mais voilà que quelques rebelles préfèrent échapper à un destin tout tracé. Telle Louisette, célibataire enceinte dans les années 1960. Alors que ses proches ont traversé la guerre, elle refuse de mener la même existence que sa mère. On la décrit comme « une fille légère », or elle tient juste à profiter de la vie tout en offrant un foyer à son bébé. Aussi emménage-t-elle chez sa sœur. Rien ne se passe hélas comme prévu... « Le temps de la décision. Et la vie prend un autre chemin. » C'est aussi le constat d'Hervé, assureur accablé par la mort de sa femme et de sa mère. Il réalise avec effroi que cette dernière l'a « élevé dans le mensonge, dans la tromperie et l'amour. » « C'est un putain de chantier que Suzanne m'a laissé en héritage », se dit-il. Comment affronter la vérité quand tous ses fondements sont ébranlés ? « Les formes [que] peut prendre [la famille], les transformations qu'elle peut subir » semblent infinies, surtout si on ne connaît pas la vie réelle des êtres qui la compose. On a tendance à l'idéaliser, alors qu'elle est la source de tant de fragilités. Mais en ces années 2000, Hervé aime compter sur sa fille, Lio, qu'il tente de protéger du mieux qu'il peut. Inutile de la brusquer en lui révélant les non-dits familiaux. Loin d'être innocente, la jeune femme a déjà absorbé plusieurs drames dans sa chair. En tissant un fil entre ces trois personnages émouvants, Andréa Bescond nous montre que « tout ce courage avait un sens, faire en sorte que la vérité anéantisse la douleur. Confronter les secrets pour être enfin libres. La vie est un cadeau. »