" Il " fait la couverture de Newsweek. Il ? Le Kindle, bien sûr, ce livre électronique concocté par Amazon, et dont le lancement, tant retardé (voir ce blog), a enfin été annoncé hier 19 novembre lors d’une conférence de presse new-yorkaise. Le grand hebdomadaire américain, qui paraît également le lundi, avait donc choisi d’en faire son événement, y consacrant une enquête de plusieurs pages baptisée " L’avenir de la lecture" ("The future of reading"). Les journalistes de Newsweek avaient fait, quelques jours plus tôt, le déplacement de Seattle, siège social d’Amazon, pour y rencontrer son PDG-fondateur charismatique, Jeff Bezos. Celui-ci n’a pas hésité à leur déclarer qu’il s’agissait là du " projet le plus ambitieux " jamais concocté par sa firme : " Changer le livre, et pourquoi pas, changer jusqu’à la manière que nous avons de lire ". Vaste chantier, en effet, mais, comme le rappelle Newsweek, le livre a plutôt bien réussi, jusque-là, à Jeff Bezos, puisque c’est avec des livres que ce lecteur impénitent (et mari d’une romancière) a construit sa fortune, et la première grande entreprise mondialisée du net.
" Les livres, déclare encore Jeff Bezos, sont le dernier grand bastion de l’analogique ", estimant que les incursions livresques dans le monde numérique restent pour l’instant marginales, à l’inverse d’autres secteurs de la culture, liés au son ou à l’image. Et Neewsweek d’enfoncer le clou en rappelant que la lecture est de plus en plus concurrencée par d’autres loisirs liés au numérique, et " que la mort récente de Norman Mailer n’a fait que souligner la fin d’une époque " où un écrivain était un personnage assez considérable pour projeter son ombre portée sur la société.
Bref, le défi du Kindle et des autres machines du même genre, est clair : se montrer aussi pratiques qu’un vrai livre, mais réussir à faire mieux. De ce point de vue-là, le Kindle offre en effet certains agréments (notamment la connexion sans fil au réseau) qui devraient enfin permettre, estime Newsweek, à un livre électronique d’entrer sérieusement en concurrence " avec le vieil exemplaire d’Autant en emporte le vent ayant appartenu à votre mère ". Sans compter que le kindle ne se limite pas aux livres : il reçoit la version électronique de journaux et magazines (dont Le Monde et Les Echos), et vous pouvez également enrichir votre bibliothèque personnelle de documents word ou PDF qui vous seront adressés par des proches ou des relations de travail dans la boite mail de votre kindle. Enfin, le kindle peut aussi lire des fichiers MP3. Bref, Jeff Bezos de résumer l’engin, avec ce goût qu’ont les Américains pour les formules assonantes : " It’s not a device, it’s a service " (" Ce n’est pas une machine, c’est du service ").
Mais bon, pour l’instant, impossible de se forger une idée précise de ce côté-ci de l’Atlantique : pas plus que le SONY PRS 500 lancé l’an dernier, le Kindle — et "kindle", rappelons-le, peut vouloir dire, entre autres significations, "embraser" — n’est pas prévu pour l’instant à la commercialisation en Europe. Contentons-nous donc de ce qu’en disaient déjà hier d’augustes confrères, dont l’autorité nous en impose.
D’abord, ZDNet (la version américaine), qui avait pu tester l’appareil depuis quelques jours. Le bilan est globalement positif : la lisibilité, la légèreté et la praticité de l’appareil sont mises en avant, ainsi que l’étendue de l’offre de démarrage (90 000 livres déjà présents dans la boutique en ligne du kindle, aussi bien les meilleures ventes du moment que des grands classiques et des livres de fonds…). Au chapitre des mauvais points : l’esthétique (le kindle définitif est à peu près aussi moche que le laissaient supposer les photographies de prototypes diffusées depuis un an dans la presse), l’insuffisante capacité de stockage de la machine et l’ergonomie de son système de navigabilité. Résultat des courses, pour ZDNet : un bon appareil, qui justifie d’être vendu 100 dollars plus cher que son concurrent de Sony, mais qui ne représente encore que le "modèle 1.0" du livre électronique. En d’autres termes, le marché ne devrait décoller qu’avec les machines suivantes.
C’est, encore plus crûment dit, ce que pense le New York Times : " Assez parlé du Kindle 1.0, à quand le Kindle 2.0 ? " titrait hier l’édition en ligne du grand quotidien. Et d’énoncer les améliorations attendues pour la seconde génération du kindle : un écran tactile plutôt qu’une molette de navigabilité, de la couleur, etc. A défaut de quoi, le Kindle ne restera pour l’instant, pour reprendre l’expression d’un internaute sur un forum américain, qu’un " Sony Reader sous stéroïdes "...