Avant-critique Essai

Alex Tamécylia, "Les féministes t'encouragent à quitter ton mari, tuer tes enfants, pratiquer la sorcellerie, détruire le capitalisme et devenir trans-pédé-gouine" (Le Nouvel Attila)

Alex Tamécylia - Photo © Bénédicte Roscot

Alex Tamécylia, "Les féministes t'encouragent à quitter ton mari, tuer tes enfants, pratiquer la sorcellerie, détruire le capitalisme et devenir trans-pédé-gouine" (Le Nouvel Attila)

Rentrée littéraire

Dans cet essai-poème, Alex Tamécylia envoie des mots mitraillettes en reprenant ceux des détracteurs du féminisme et du queerness.

Parution 10 janvier

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Par Marie Fouquet
Créé le 01.12.2024 à 11h00

Poésie brûlante. Ce petit livre rose et violet est aussi savoureux qu'incisif. À la lecture au premier degré de son titre (à rallonge), Les féministes t'encouragent à quitter ton mari, tuer tes enfants, pratiquer la sorcellerie, détruire le capitalisme et devenir trans-pédé-gouine, on pourrait presque s'imaginer ouvrir un brûlot d'extrême droite tant la violence verbale à l'encontre des féministes est aujourd'hui décomplexée. Cette phrase, d'ailleurs extraite du discours d'un télévangéliste américain, est ici détournée par l'autrice Alex Tamécylia pour son essai-poème. Ce texte tout à fait singulier, dont Chloé Delaume dit dans sa préface qu'il est d'une « ironie jouissive », comme « un cri capable de transmuter la colère en gestes qui déconstruisent et en éclats de rire », entremêle des citations littéraires et philosophiques, des textes à trous, des récits, des références musicales, des données... « 96 % des auteurs de violences sexuelles sont des hommes. / 9 fois sur 10, le violeur est un proche. / 80 % des violences sexuelles exercées sur les enfants ont lieu dans un cadre familial. » Un livre dans lequel se côtoient les voix d'Audre Lorde, Virginie Despentes, Valerie Solanas, Georges Bataille, Paul Preciado, Silvia Federici, Sarah Kane, mais aussi les humoristes Océan, Virginie Fortin et Mahaut Drama.

L'intensité ironique, l'humour à la fois noir et tordant de ces pages, réside aussi dans l'articulation entre le détournement de paroles sexistes et l'explicitation du sous-texte. « All cis.het.white.men are trash / [...] Même ceux qui n'ont rien appris en lisant la préface de Mona Chollet / ça va on rigole. » Lorsqu'elle cite un slogan lui-même détourné d'autres luttes - « nous sommes les petites-filles des sorcières que vous n'avez pas réussi à brûler », Alex Tamécylia n'oublie pas de préciser : « Quand les Blanches s'emparent de ce slogan du fond de leur féminin sacré la plupart pourraient rappeler qu'elles sont aussi les descendantes des collabos, des colons, des esclavagistes et des aristos que personne n'a réussi à décapiter. »

Elle emploie d'autres formules aux registres plus absurdes : « DEBAT : Pour ou contre les routes Kamoulox » ou encore « test de culture queer niveau 2 / - Qu'apporte une lesbienne au deuxième date ? / - Ses valises ». Et d'autres encore aux considérations sociales : « La dernière réforme Pôle emploi a diminué ton allocation de 57 %. [...] Le PDG de Total s'augmente de 52 % et déclare qu'il est fatigué par cette polémique / tu comprends / FA / TI / GUÉ. Le bouclier fiscal ruisselle pendant qu'on change le fut des révoltes et prière de ne pas fatiguer les riches. »

Finalement cet essai-poème fait l'effet d'un manifeste, comme en clin d'œil à Scum de Valerie Solanas, et finit presque par assumer son titre racoleur. « Tout ce qui brûle est poésie / alors quitte ton mari / baise tes meilleur.e.s ami.e.s / tue l'ange du foyer / détruis le capitalisme / sois transpédégouine et reste bien féministe. »

Alex Tamécylia
Les féministes t’encouragent à quitter ton mari, tuer tes enfants, pratiquer la sorcellerie, détruire le capitalisme et devenir trans-pédé-gouine
Le Nouvel Attila
Tirage: 4 500 ex.
Prix: 12 € ; 160 p.
ISBN: 9782493213884

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