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Dossier Roman policier : les gangs du polar

Dossier Roman policier : les gangs du polar

Faisant voler en éclats les catégories traditionnelles de la littérature policière, onze « gangs », des psychopathes et des "geeks" aux cow-boys et aux rockers, sans oublier "les régionaux de l'étape", se disputent dans un joyeux désordre les riches territoires du roman noir, dont les éditeurs sont désormais le plus souvent des éditrices. Panorama non exhaustif.

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Par Claude Combet
Créé le 05.12.2014 à 14h06 ,
Mis à jour le 10.12.2014 à 11h49

Photo PHOTO OLIVIER DION

Le thriller, le roman noir ou encore le suspense ne sont pas morts. Mais les catégories traditionnelles du roman policier sont de plus en plus perméables, pour les auteurs étrangers comme pour les auteurs français. D'autres lignes de fracture, transgenres, apparaissent, qui modèlent le programme des éditeurs pour ce printemps et cet automne. Celui-ci est dans le même temps, de plus en plus, une affaire de femmes. Outre Marie-Caroline Aubert, qui a quitté Le Masque pour remplacer au Seuil Robert Pépin, parti chez Calmann-Lévy, et quelques incursions dans le genre de Marie-Pierre Gracedieu ("Stock noir", à l'automne) et Véronique Cardi ("Escales noires", dès le printemps), de nouvelles éditrices ont pris en charge le secteur, dont nous dressons ici des mini-portraits. Du côté des auteurs, onze "gangs" composent aujourd'hui le nouveau visage du polar contemporain.

LES PSYCHOPATHES

Très recherché en librairie par tous les amateurs du genre, le tueur en série qui torture et soumet ses victimes à une cruauté sans égale a de beaux jours devant lui. On retrouve au programme des prochains mois Mr Monster (comme son nom l'indique) de Dan Wells (Sonatine, juin) ; Sonia, l'héroïne de Désordre de Penny Hancock, qui séquestre un adolescent lui rappelant sa jeunesse (Sonatine, octobre) ; un mystérieux tueur qui place la tête d'un chien sur le cadavre décapité d'un prêtre (Le prix de la peur de Chris Carter, Escales noires) ; un tueur en série adepte de Freud, qui torture ses personnes en les obligeant à transgresser des tabous (Tabou de Casey Hill, Escales noires, novembre) ; ou un assassin de petites filles dans Paraphilia de Saffina Desforges (Pôle noir), voire la psychopathe vengeresse de Kjell Eriksson (Gaïa). Il se cache parfois, comme Dexter, le héros de la série télévisée, derrière l'apparence d'un bon père de famille (Un père idéal de Paul Cleave, Le Livre de poche, septembre). Il ressurgit du passé (Rémanence de Jérôme Camut et Nathalie Hug, Le Livre de poche) ou se fait manipuler par les services secrets (Les anonymes de R. J. Ellory, Le Livre de poche). Au risque de finir mal, comme le tortionnaire d'Alex, héroïne du roman du même nom de Pierre Lemaitre (Le Livre de poche, mai).

LES "GEEKS" ET LES "BONES"

Internet, jeux vidéo, mathématiques, nano- et biotechnologies, police scientifique... La science n'a plus de secret pour le polar. Ni pour les auteurs français : Marin Ledun met en scène une femme qui subit des manipulations génétiques (Dans le ventre des mères, Ombres noires, octobre) ; Franck Thilliez nous effraie avec un mystérieux syndrome et des recherches biologiques (Le syndrome E et Gataca, Fleuve noir et Pocket) ; Lionel Davoust a choisi un enquêteur mathématicien et chercheur en biologie marine (Léviathan, Don Quichotte). On trouve aussi des assassins mathématiciens : chez les Danois Anders Ronnow Klarlund et Jacob Weinreich, cachés derrière le nom de A. J. Kazinski, le tueur inscrit des suites de nombres sur ses victimes (Le dernier homme bon, Le Livre de poche, juin) ; et celui de John Verdon demande à ses destinataires de choisir un nombre entre 1 et 1 000 (658, Le Livre de poche, juin). A l'occasion, le Net est le lieu du crime via un jeu interactif (Soeurs de sang de Dominique Sylvain, Viviane Hamy), où celui de la diffusion de "snuff movies" chez John Katzenbach, dont le héros, psychologue, va tenter de sauver la victime (Mort-en-direct.com, Presses de la Cité). Les méthodes de la police scientifique >n'ont plus de mystère pour les téléspectateurs des Experts comme pour le héros de Donato Carrisi, qui se fait aider d'une photographe de la police scientifique pour retrouver la mémoire (Le tribunal des âmes, Calmann-Lévy), tandis que Gabriel Ilinski, héros d'Elsa Marpeau dans Les yeux des morts (Folio policier, mai), relève les empreintes digitales. Les nouvelles technologies engendrent une cyber-criminalité et... de nouveaux types d'enquêteurs. Le Canadien Ian Hamilton a imaginé une experte en fraude, Ava Lee, chargée de traquer les escrocs, les détournements de fonds et les fuites dans les paradis fiscaux (L'évadé de Wan Chai, grand format 10/18, juin).

Rendu célèbre par la télévision, l'expert médico-légal, qui a pour égérie Temperance Brenan, héroïne des romans de Kathy Reich (Les traces de l'Araignée, paru chez Laffont en février, et en Pocket) et de la série Bones sur M6, est aussi à la mode. On peut faire la connaissance de Quirke, héros de La double vie de Laura Swan de l'Irlandais Benjamin Black (10/18), et de La mauvaise élève, jeune apprentie médecin légiste, par une romancière qui exerce elle-même ce métier, Alessia Gazzola (Presses de la Cité). Sans oublier les thrillers médicaux de Robin Cook (Assurance vie, Albin Michel, juin).

LES TRITUREURS DE CERVEAUX

Les tritureurs de cerveaux, ce sont ces enquêteurs d'un nouveau genre qui explorent l'inconscient : psychiatres et autres profileurs. Le premier du genre est l'aliéniste Simon Bloomberg, créé par Jean-Luc Bizien, qui exerce à la fin du XIXe siècle, au moment où naissent la psychiatrie moderne et la police scientifique (Vienne la nuit, sonne l'heure, 10/18, "Grands détectives", juin). Les fans retrouvent aussi Tony Hill, profiler qui enquête avec l'inspectrice Carol Jordan, un duo imaginé par l'Ecossaise Val McDermid (Fièvre, Flammarion) et porté à l'écran. Le psychologue Joe O'Loughlin enquête pour sauver Sienna, la meilleure amie de sa fille (Saigne pour moi de Michael Robotham, Lattès). Entrer dans l'esprit des psychopathes est la spécialité de Jack Cole, qui travaille en indépendant pour le FBI, héros de L'invisible du Canadien Robert Pobi, "nouvelle révélation chez Sonatine" (mai), et celle de la psychothérapeuthe de Liz Jensen (Seuil).

Au-delà, le thriller psychologique est devenu un genre à part entière avec Nicci French, qui arrive avec une nouvelle héroïne psychanalyste (Fleuve noir), Niki Valentine pour un huis clos enfermant un couple (Le refuge, MA éditions), et même une école française dont Karine Giebel (Juste une ombre, Fleuve noir) ou Elsa Marpeau (Série noire) peuvent se revendiquer.

LES LÉGALISTES

Qu'ils soient policiers, procureurs ou détectives privés, ils respectent la loi, parfois à leur manière. L'archétype du policier, fatigué, alcoolique, à la vie fracassée, comme Frank Parish, héros des Anges de New York de R. J. Ellory, qui explore "la cop story des seventies" (Sonatine). Avec eux, le lecteur parcourt la planète depuis la très British Brighton, lieu de toutes les perditions si on en croit Peter Guttridge et le chef de la police Robert Watts, héros du premier volume d'une trilogie (Promenade du crime, Rouergue), et... Peter James, avec son commissaire, Roy Grace, dans la même ville (A deux pas de la mort, Fleuve noir), jusqu'au Bangkok des bordels et de la mafia, où l'inspecteur Sonchaï Jitpleecheep oublie ses convictions bouddhistes (Le parrain de Katmandou de John Burdett, Presses de la Cité, et 10/18, juin), en passant par Chaumont avec le capitaine de gendarmerie Francis Humbert (Une femme seule de Marie Vindy, Fayard).

On retrouve dans cette mouvance de nombreux polars scandinaves avec Hjalmar Lidström, héros du Suédois Fredrik Ekelund, qui regrette l'Etat-providence (Le garçon dans le chêne, Gaïa), et Ann Lindell, imaginée par Kjell Eriksson (Les cruelles étoiles de la nuit, Gaïa) ; les Finlandais Kari Vaara, inspecteur de la criminelle d'Helsinski, créé par James Thompson (Meurtre en hiver polaire, 10/18, juin), et Maria Kallio, par Leena Lehtolainen (Femme de neige, Gaïa, mai) ; Carl Morck, par le Danois Jussi Adler-Olsen, qui exhume des affaires anciennes ("coldcase") (Profanation, Albin Michel, mai).

A tout seigneur, tout honneur : Lew Archer, imaginé par Ross Macdonald, est l'archétype du privé désabusé, qui enquête sur les dessous honteux de riches Californiens, dont Gallmeister a entrepris de retraduire les aventures. Citons également Charlie Parker, le détective de John Connolly (La nuit des corbeaux, Presses de la Cité, Les murmures, Pocket), l'inspectrice De Luca de Gilda Piersanti (Wonderland, Le Passage). Le roman procédural appartient à cette même sphère à forte teneur juridique : c'est le cas de L'enfant témoin de Robert Rotenberger (Presses de la Cité), des Partenaires de John Grisham (Laffont)ou de Volte-face, le dernier Michael Connelly (voir son interview p. 75), dont le héros Mickey Haller, avocat de la défense, se retrouve aux côtés du procureur.

LES COW-BOYS

Le polar peut entraîner le lecteur encore plus loin, par exemple du côté du Wyoming où, Stetson sur la tête, de vrais cow-boys chevauchent leurs canassons, comme le shérif Longmire de Craig Johnson (Enfants de poussière, Gallmeister), ou le garde-chasse Joe Pickett, de C. J. Box (Below zero, Calmann-Lévy). Le polar a aussi cette capacité d'explorer les grands espaces : l'Afrique du Sud vue par Deon Meyer, qui traite autant de protection des rhinocéros que d'espionnage et de trafic de drogue (A la trace, Seuil), et par Roger Smith (Blondie et la mort, Calmann-Lévy, et Mélanges de sangs, Le Livre de poche, mai) ; ou la Guyane et le fleuve Maroni, par le Français Colin Niel (Les hamacs de carton, Rouergue, mars).

LES ÉCOLOS ET LES BANQUIERS

Les défis mondiaux nourissent des veines spécifiques comme le polar écologique. Dans Le troisième pôle, Guillaume Lebeau plonge son lecteur dans les dérèglements climatiques et leurs enjeux géopolitiques (Marabout, novembre). Pascal Vatinel entraîne son héros journaliste Thomas Kessler en Chine, sur les traces du lait contaminé ayant tué des dizaines de nourrissons (Environnement mortel, Rouergue). Le testament des abeilles de Natacha Calestrémé multiplie les cadavres dans Paris jusqu'à ce qu'on trouve le testament d'un certain Moine aux abeilles (Albin Michel, novembre). Elena Sender traite des dauphins et des médecines régénératives (XO).

De même, la crise financière mondiale draine une production spécifique. Banqueroute, crise des subprimes et pratiques bancaires douteuses sont au coeur de La muraille de lave de l'Islandais Arnaldur Indridason (Métailié, mai), de Mapuche (sur l'Argentine) de Caryl Férey (Série noire, mai) ou du Kidnapping d'Aaron Greene de Terry Kay (Le Cherche Midi).

LA NOUVELLE VAGUE ALLEMANDE

Après le polar suédois, le polar allemand ? Avec Zoran Drvenkar (Sorry, Le Livre de poche, juin), Sebastian Fitzek (Le briseur d'âmes, L'Archipel, et Tu ne te souviendras pas, Le Livre de poche) ou encore Wulf Dorn (L'interprétation des peurs, Le Cherche Midi, mai), les lecteurs français sont en train de découvrir les auteurs d'outre-Rhin. La vague ne devrait pas faiblir car Alice Monéger annonce d'autres titres au Masque pour 2013. L'histoire de l'Allemagne est un sujet fort qui revient régulièrement, en particulier celle de Berlin, de la Seconde Guerre mondiale et du nazisme : Berlin en 1934, période fétiche de Philip Kerr (Hôtel Adlon, Le Masque), en 1936 pour Jonathan Rabb (Le second fils, 10/18) et en 1944 pour Richard Birkefeld et Göran Hachmeister (Deux dans Berlin, Le Masque) ; la montée du nazisme dans une petite ville allemande pour le Polonais Marek Krajewski (Mort à Breslau, Série noire) ; les nazis qui ont changé d'identité et le rôle des Scandinaves pour Arne Dahl (Europa blues, Seuil).

LES HISTORIENS

Parmi les auteurs passionnés d'histoire, Karen Maitland a choisi l'Anglerre de 1321 (Les âges sombres, Sonatine, mai), Lindsay Faye le New York de 1845 et la création de la première force de police (Le dieu de New York, Fleuve noir) ; le Catalan Víctor del Arbol mêle époque contemporaine et montée du franquisme en Espagne en 1942 (La tristesse du samouraï, Actes Sud), et Gregorio Leon évoque parallèlement la liaison de Frida Kahlo avec Trotski et des assassinats de stripteaseuses (L'ultime secret de Frida K., Escales noires, mai). Paolo Roversi livre une sorte de Romanzo criminale dans le Milan des années 1960 et 1970 sur fond de braquages de banque (La ville rouge, Escales noires).

"Grands détectives" (10/18) couvre, entre autres sujets, la France de 1789 avec Nicolas Bouchard (La sybille de le marquis, mai), celle de 1919 avec Guillaume Prévost (Le bal de l'équarrisseur) et celle de 1946 avec Pierre d'Ovidio (Le choix des désordres) ; la Russie de 1936 et du NKVD avec William Ryan (Le royaume des voleurs, 10/18, et Film noir à Odessa, Les 2 Terres) ; tout en remettant au goût du jour le polar victorien avec Ann Featherstone (La guigue du pendu, mai).

Enfin, unique en son genre, le duo Jacques Ravenne-Eric Giacometti poursuit ses polars sur la franc-maçonnerie (La pierre du temple, Fleuve noir, et Le septième templier, Pocket, juin). Dans un registre tout aussi ésotérique : Raymond Khoury (Pocket), Steve Berry (Le monastère oublié, Le Cherche Midi, La prophétie Charlemagne, Pocket), Glenn Cooper (Le livre des âmes, Pocket), Sam Christer (Le sang du suaire, MA éditions). Le comble de l'historien ? Un héros généalogiste comme Nigel Barnes, création de l'Anglais Dan Waddell (Depuis le temps de vos pères, Rouergue, janvier).

LES PROMENEURS DU DIMANCHE

Parmi les auteurs flâneurs, Pieter Aspe entraîne ses lecteurs dans une dixième promenade à Bruges en compagnie du commissaire Van In et d'Hannelore (Coup de pub, Albin Michel, juin) ; Donna Leon à Venise avec son commissaire Guido Brunetti (La femme au masque de chair, Calmann-Lévy), Fred Vargas à Paris, dans les pas d'Adamsberg, qui fait, quand même, une échappée en Normandie (L'armée furieuse, Viviane Hamy), ou Philippe Huet, dans le Rouen des années 1970, pour Nuit d'encre (Albin Michel).

Harlan Coben, qui met en scène Myron Bolitar et son neveu Mickey (Sous haute tension, Belfond), James Lee Burke et Dennis Lehane (Rivages), Patricia Cornwell (Les 2 Terres), Robert Crais (Belfond), Martha Grimes (Presses de la Cité), Patricia MacDonald (Albin Michel), James Patterson (Lattès), Preston & Child (L'Archipel), sont aussi de ces promeneurs du dimanche. Comme Elizabeth George, dont on attend pour octobre une nouvelle aventure de Lynley et Havers (La ronde des mensonges, Presses de la Cité). Sans oublier la figure tutélaire de P. D. James, qui livre à 92 ans La mort s'invite à Pemberley, une suite à Orgueil et préjugés, dans l'Angleterre du XIXe siècle (Fayard, 30 mai).

LES RÉGIONAUX DE L'ÉTAPE

Jean-François Coatmeur a bien sûr choisi la Bretagne, refuge pour un prisonnier en fuite en juin 1940 (L'Ouest barbare, Albin Michel, "Spécial suspense", juin), comme Frédérick Rapilly qui situe son intrigue dans la forêt de Brocéliande (Le chant des âmes, Pocket, septembre). On pourrait aussi entendre parler de "Calibre 35", le collectif des auteurs rennais de romans noirs réunissant Valérie Lys, Claude Bathany, Hervé Commère, Frank Darcel, Frédéric Paulin, Yves Tanguy, Léonard Taokao, Eric Wierzel et David S. Khara.

Elisa Vix, de son côté, a écrit avec La nuit de l'accident, "un roman noir made in Cantal" (Rouergue, mars) ; Vincent Desombre peint la vie de province entre Marseille et Tours en s'inspirant des affaires Finaly et Lecoz (Maudite soit-elle, Scrineo, mai) ; et Martin Walker au pays de la truffe dans Meurtre en Périgord (Le Masque, mai). Tandis que le groupe Gérard de Villiers a créé en janvier, sous le label Sirius, une collection de polars ("Régiopolice") inscrits dans un lieu géographique, de l'Ile-de-France à Aix-les-Bains en passant par Calais, le Morvan, La Rochelle ou Brocéliande, au rythme d'un titre par mois.

LES ROCKERS

Ceux-là sont les artistes de la famille polar. A cheval entre réalité et fiction, Steve Mosby (Les fleurs de l'ombre, Sonatine) et L. C. Tyler (Etrange suicide dans une Fiat rouge à faible kilométrage (Sonatine, septembre) mettent en scène des romanciers ; tandis que le Français Fabrice Colin a choisi Hollywood pour raconter une série de meurtres, de trahisons et de manipulations (Blue Jay Way, Sonatine, février). Ils jouent du rock and roll, comme Cathi Unsworth et son héros (Le chanteur, Rivages). Ils sont déjantés, comme Bourbon Kid, qui revient d'entre les morts, imaginé par un auteur qui veut rester anonyme (Le livre de la mort, Sonatine, avril, et Le cimetière du diable, Le Livre de poche, mai), ou l'héroïne du Testament de Francy d'Amanda Lind, dont le slogan est : "et si Toni Soprano était une femme ?". Ils ont de l'humour, se placent sous le signe de Frédéric Dard, comme Denis Alamercery (Organes à tous les coups !, Scrineo), ou de Donald Westlake et revendiquent le polar chick-lit, comme les "Bad girls", la nouvelle collection lancée en juin sous la marque Sirius (groupe Gérard de Villiers). Sans parler d'Anthony Bourdain, "chef" de la brasserie Les Halles, à New York, devenu écrivain pour nous livrer La surprise du chef (Folio).

Un faible pour les Latinos

Photo OLIVIER DION

Nelly Bernard, qui lancera en septembre Ombres noires, le nouveau label consacré au polar de Flammarion, n'est pas une débutante. Après avoir commencé sa carrière comme attachée de presse et secrétaire de rédaction, elle est, chez Actes Sud depuis 2003, assistante éditoriale pour les beaux livres auprès de Jean-Paul Capitani quand on lui demande en 2005 de relancer "Babel noir" et "Actes noirs", bien avant la parution de Millénium. Elle y édite les auteurs français Maurice Attia, Lalie Walker, Francis Weertz, Hervé Claude ou encore Alain Wagner, qu'elle retrouvera pour Ombres noires. Mais le nouveau label s'ouvrira parallèlement "à tous les genres et tous les pays". Pour mettre ses lecteurs en appétit, elle commence par un thriller du Français Marin Ledun, Dans le ventre des mères, suivi en octobre d'un roman noir plus intimiste du Mexicain Rogelio Guedea, 41, car elle avoue avoir un petit faible pour les "Latinos". D'ailleurs elle publiera ensuite un Equatorien et un Argentin. Le tout à un rythme raisonnable de six titres par an, dont deux français, "pour prendre le temps de les installer".

Un parcours tout en noir

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Titulaire d'un doctorat de littérature comparée sur le roman noir, Stéfanie Delestré a pris, le 1er avril, la succession de Françoise Chaffanel chez Albin Michel comme éditrice des auteurs français de "thriller, suspense, polar". Le parcours de la dame est tout en noir. En 2006, elle a lancé la revue Shanghai express avec l'écrivain Laurent Martin. Elle a collaboré avec Claude Mesplède au Dictionnaire des littératures policières et à Une brève histoire du roman noir avec Jean-Bernard Pouy. Elle a aussi assisté ce dernier à la direction de la collection "Suite noire" (éditions La Branche) et, depuis 2008, a dirigé la collection "Le Poulpe" qu'il avait fondée chez Baleine, et dont elle reste associée. Avec Jean-Bernard Pouy, Clémentine Thiébault et Marc Villard, elle a créé l'association Les Habits noirs, pour promouvoir le genre. A son actif, Stéfanie Delestré compte aussi l'édition, avec Hervé Delouche, des oeuvres de Jean Meckert chez Joëlle Losfeld ; une expérience d'agente d'auteurs français pour Pontas (2010) et la direction, avec Hagar Desanti, d'un Dictionnaire des personnages populaires de la littérature (Seuil, 2010).

Le polar en chiffres

Le Rouergue for ever

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"J'ai un lien très particulier avec le Rouergue : je ne l'ai jamais quitté", proclame Nathalie Démoulin, 44 ans, revenue au Rouergue en 2008 pour prendre en charge le catalogue de livres illustrés, de romans du terroir et... de polars. Aux côtés de la romancière Sylvie Gracia, qui dirige notamment les collections "La brune" et "DoAdo", et du graphiste Olivier Douzou qui a repris le domaine de la jeunesse, elle se sent à l'aise dans son double statut d'auteure et d'éditrice. Elle n'a jamais vraiment quitté le Rouergue, où elle est d'abord assistante d'édition puis éditrice de livres illustrés. Quand elle part exercer ces fonctions chez Flammarion, puis à La Martinière, elle continue d'y publier ses romans (Après la forêt, en 2005 et Ton nom argentin, en 2007) dans "La brune". Aujourd'hui, Nathalie Démoulin développe dans le sillage de Peter May, dont le troisième volet de la trilogie écossaise paraît en septembre, son goût pour les auteurs britanniques, avec Peter Guttridge (la trilogie de Brighton) et Dan Waddell (au héros généalogiste)... Mais elle a aussi commencé à explorer le domaine français en publiant Pascal Vatinel, Colin Niel et Elisa Vix.

Le polar en duo

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Leur envie de fonder une maison d'édition remonte à leur rencontre en DESS d'édition à la Sorbonne. Après un mémoire sur l'expérience littéraire des drogues pour Estelle Durand, un sur l'édition de science-fiction pour Claire Duvivier, et de nombreux stages dans l'édition pour toutes les deux, le duo concrétise son rêve en créant Asphalte en juillet 2009 pour publier des "textes urbains, ouverts sur le monde, avec une dose de contre-culture". En deux ans, ces trentenaires ont attiré l'attention des libraires avec les anthologies sur les villes d'"Asphalte noir", achetées à l'éditeur américain de Brooklyn, Akashic Books (éditeur de Go the fuck to sleep), et celle de "Folio", qui en a repris trois (Paris, Londres et Rome). Pour chaque titre, elles vont chercher les textes dans leur langue originale qu'elles font traduire. Après Delhi noir paraîtront en juin Barcelone noir et, en octobre, Haïti noir. La deuxième collection de la maison mélange plutôt les genres, de Golgotha ou Black music, véritablement noirs, aux Eaux-fortes de Buenos Aires, de cours textes caustiques de l'Argentain Roberto Arlt.

Pour tous les goûts

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"Je ne peux pas faire quarante fois le même titre : tous les lecteurs doivent trouver des livres à leur goût dans la collection", déclare Julie Maillard. En juin 2010, elle a pris la relève de Lionel Besnier à la tête de "Folio policier" et de "Folio SF". Discrète, elle a fait toute sa carrière chez Gallimard, où elle est entrée en 1993 comme assistante d'Yvon Girard, directeur de Folio, qui lui a officiellement confié en 2004 "Folio bilingue" et "Folio 2 e ». "Je connais la maison, le fonctionnement, les auteurs. Je suis polyvalente et je suis une éponge, j'apprends vite et tout m'amuse", raconte cette jeune femme de 42 ans, qui a suivi sans peine les traces de son prédécesseur. Fonctionnant par coups de coeur, Julie Maillard soigne l'éclectisme de la collection, dont elle a revu les couvertures en janvier. Outre les anthologies d'« Asphalte noir » - avec cartoville et playlist à l'appui -, elle se passionne autant pour le Britannique Simon Lelic (Rupture), Anthony Bourdain, un chef new-yorkais venu à l'écriture, ou le Norvégien Jo Nesbo, dont Le Léopard "est le plus gros "Folio" jamais réalisé", que pour les auteurs français comme Lucie Luiz, auteure d'un roman historique, Caryl Férey, vedette de la "Série noire", ou Elsa Marpeau, rencontrée à Quais du polar, à Lyon.

En mission pour un nouveau poche

Photo OLIVIER DION

Alice Monéger s'est vu confier une mission par Isabelle Laffont, directrice générale de Lattès-Le Masque : refondre toute la collection du Masque jaune pour en faire une véritable collection de poche qui intégrera le fonds, les romans historiques de "Labyrinthes" et des romans noirs contemporains, le tout avec une nouvelle identité visuelle. Le résultat sera dans les librairies en octobre. Parallèlement, Alice Monéger remplace Marie-Caroline Aubert sur les titres étrangers du Masque (les auteurs français sont toujours publiés par Hélène Bihéry).

Après des études d'histoire contemporaine sur l'Allemagne, Alice Monéger a vécu en Allemagne, mais a aussi passé trois ans à Oxford, en Angleterre. A son retour, elle a remplacé Marie-Pierre Gracedieu chez Alvik, en 2006, avant d'entrer en 2009 chez Gallimard où elle s'est occupée des cessions de droits, a lu pour "Du monde entier" et a succédé à Julie Maillard pour "Folio 2 e" et "Folio bilingue". Elle combine donc le savoir-faire d'un éditeur de poche et la connaissance des auteurs étrangers. Si elle est attachée aux auteurs maison comme Graham Hurley, Philip Kerr, Denise Mina, Ian Rankin (et sa nouvelle série), elle a aussi fait venir Megan Abbott, et a sous le coude pour 2013 quelques auteurs allemands traitant du IIIe Reich, dans la veine de Richard Birkefeld et Göran Hachmeister (Deux dans Berlin, paru fin mars).

Des frontières qui bougent

Photo OLIVIER DION

Entrée chez Fayard en 2001 pour seconder Claude Durand, Raphaël Sorin, puis Patrick Raynal qui avait relancé "Fayard noir", Lilas Seewald veille désormais seule aux destinées de la collection depuis janvier 2010, tout en conservant un pied dans la littérature et les documents. "Les frontières bougent tellement que je suis en mesure de publier des textes autant en littérature blanche qu'en polar. Olivier Bordaçarre aurait pu paraître en blanche, mais je l'ai sorti en "Fayard noir", comme Eric Miles Williamson ou Larry Fondation. En revanche, je publierai en août le prochain Stéphane Michaka en blanche" souligne-t-elle. C'est "l'inscription dans le réel, l'engagement politique de l'auteur", qui détermine les choix de cette papyrologue (spécialiste des papyrus grecs) de 35 ans, qu'elle souhaite éclectiques, du roman noir au thriller, en passant par le procédural ou le roman historique. Fayard le lui rend bien car la maison compte aussi à son catalogue les romans de la doyenne, P. D. James, ceux de la remuante Britannique Martina Cole, aux côtés des San Antonio et du prix du Quai-des-Orfèvres, en poche.

Michael Connelly : "Le polar fait triompher le bien"

 

Invité d'honneur du festival Quais du polar de Lyon, l'écrivain américain, dont Calmann-Lévy a publié "Volte-face" le 9 mai, analyse le succès mondial du genre.

 

Photo TERRILL LEE LANKFORD

«Le polar repose sur le principe que le monde est un chaos, le lieu de tous les crimes, analyse Michael Connelly. Les auteurs portent inconsciemment le message que les choses peuvent se résoudre et que le bien peut triompher : je suis sûr que c'est ce qui fait son succès dans le monde entier." Rencontré le mois dernier au festival Quais du polar, à Lyon, dont il était invité d'honneur, l'écrivain américain, dont Calmann-Lévy a lancé le 9 mai Volte-face, ajoute avec humour que le polar "révèle l'instinct de l'homme. Comment réagir sous le stress ? Quel choix doit-on faire ? Quel risque doit-on courir : le lecteur s'identifie au héros, même si dans 99,99 % des cas, personne n'affronte de telles situations", explique-t-il. Avec 25 titres à son actif, dont 22 traduits, l'auteur des Egouts de Los Angeles avoue avoir voyagé pour la promotion de ses livres dans 46 des 50 Etats américains. Il se déclare désormais bien décidé à visiter l'Europe, où il juge les lecteurs et les journalistes plus curieux. "Les discussions sont plus intéressantes, on peut confronter les points de vue alors que, aux Etats-Unis, on me demande quel acteur peut incarner Harry Bosch", raconte-t-il. Des lecteurs italiens et espagnols, il retient le goût pour la politique, tandis qu'il estime les Français plus enclins à une réflexion sociale, soucieux du sens de l'Histoire.

Si tous les auteurs ont le pouvoir d'inventer des récits et de mettre leurs personnages dans des situations extrêmes, "des cultures différentes apportent des réponses différentes", souligne-t-il. Aux auteurs de polars américains, trop proches de son propre travail, il préfère des écrivains "plus exotiques", comme le Sud-Africain Deon Meyer, présent à Lyon, ou même Maj Sjöwall, qu'il a rencontrée dans un festival en Suède, et Per Wahlöö, qui furent dans les années 1970 les précurseurs du polar suédois. Il confesse aussi avoir lu le premier Millénium.

Comme son héros Harry Bosch ne devrait pas tarder à prendre sa retraite, Michael Connelly, qui vit désormais en Floride, rêve d'écrire sur le Los Angeles des années 1960. En attendant, les lecteurs français peuvent lire aussi bien Volte-face que La lune était noire, L'oiseau des ténèbres et L'envol des anges, réédités par Calmann-Lévy et repris au Livre de poche.

LES 50 MEILLEURES VENTES EN ROMAN POLICIER


05.12 2014

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