Edition

Voyage : ensemble, c’est tout

Le stand de l'Union des éditeurs de voyage indépendants à Livre Paris 2017 - Photo Photo Olivier Dion

Voyage : ensemble, c’est tout

Tout en conservant une totale liberté éditoriale, les neuf éditeurs de l’Union des éditeurs de voyage indépendants, qui feront une nouvelle fois stand commun au festival Etonnants voyageurs, du 3 au 5 juin à Saint-Malo, développent depuis cinq ans une des rares expériences de mutualisation réussie dans l’édition.

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Par Anne-Laure Walter
Créé le 27.05.2017 à 02h30 ,
Mis à jour le 27.05.2017 à 08h59

Seuls, ils publient en moyenne une quinzaine de livres par an et réalisent 220 000 euros de chiffre d’affaires. Ensemble, ils proposent un catalogue de plus de 1 000 ouvrages sur le voyage et avoisinent les 2 millions de CA annuel. Neuf petits éditeurs de voyage se sont regroupés au sein de l’Union des éditeurs de voyage indépendants (UEVI). Comme fin mars au salon Livre Paris, ils auront un imposant stand de 54 m2 au festival Etonnants voyageurs, à Saint-Malo du 3 au 5 juin. Cinq ans après la création de l’association, la mutualisation, d’abord de leur présence sur les manifestations, gagne du terrain.

Tout a commencé par les salons où tous se croisaient régulièrement. "L’idée d’association est née lors de la biennale du Carnet de voyage à Clermont-Ferrand, se souvient Marc Wiltz (Magellan & Cie), l’un des cinq fondateurs. Elle n’a fait que formaliser une bonne entente et des échanges préexistants. Nous n’étions pas concurrents mais confrères, traitant du voyage chacun à notre manière." Un constat s’est imposé. "Seul, on a trois mètres de linéaire. Ensemble, on casse les cloisons", résume Emeric Fisset (Transboréal). Ils ont donc mutualisé les coûts de stand, partagé un terminal bancaire, la camionnette qui transporte les livres, et parfois même les chambres d’hôtel. Aux salons de Paris, de Saint-Malo ou de Bruxelles, l’association engage un libraire, celui d’A la lettre thé (Morlaix), pour gérer le stand. Pour Lucille Pachot (Nomades), dernière arrivée à l’UEVI, cette entrée a "changé complètement la dynamique de [sa] maison", lui permettant d’être présente ou représentée dans plus de vingt manifestations par an, relais nécessaires pour une microstructure éditoriale.

Mutualisation réussie

Avec des titres allant du beau livre au récit de voyage en passant par le guide ou l’essai historique, le stand présente une offre verticale. "Notre force réside dans la complémentarité et la singularité de l’assortiment", confirme Reynald Mongne (Ginkgo). "Interclassés en librairie, nous sommes invisibles. Ensemble, les catalogues des uns entraînent ceux des autres", constate Marc Wiltz. Chacun des éditeurs interviewés fait l’argumentaire des titres de ses confrères. "On est devenu les libraires des autres membres", s’amuse Didier Labouche (Géorama). D’ailleurs, une remise mutuelle sur les salons a été fixée à 48 % pour que chacun vende indifféremment les livres de ses camarades.

Les expériences de mutualisation réussies sont assez rares dans l’édition. L’une des plus abouties fut In Extenso, lancée par des éditeurs d’art avec une diffusion commune. Elle a périclité en 2006, notamment faute de cohérence des catalogues. Il existe aussi beaucoup d’associations régionales, mais qui ne poussent pas à ce point la mutualisation. "Souvent, les associations d’éditeurs ont pour seul dénominateur le territoire. Le principe de mutualisation ne fait sens pour nous que parce que nous avons une thématique éditoriale forte : le voyage", affirme le Bordelais Xavier Mouginet (Elytis). Mais la complémentarité de l’offre fait que les tickets d’entrée sont rares. "On ne peut pas faire l’Europe des 27 !" lance Marc Wiltz. Les deux dernières maisons qui ont intégré l’an passé l’UEVI complètent l’assortiment avec des formes qui pouvaient lui faire défaut : Bouts du monde avec une revue, et Nomades avec des guides, mais aussi une nouvelle génération et des éditrices dans un groupement très masculin.

Catalogue commun

Au-delà de l’intérêt immédiat sur les salons, cette association permet l’échange d’expériences et est pour Armand de Saint Sauveur (Intervalles) la "preuve que la confraternité existe dans ce métier". Chaque troisième week-end de janvier, les neuf louent un gîte et, entre deux repas arrosés et visites de la région, échangent sur leur pratique. Chacun met à nu son bilan, son chiffre d’affaires, son taux de marge. Pour William Mauxion, "devenu éditeur sans le vouloir" avec sa revue Bouts du monde, "nous côtoyons huit experts et apprenons à leur contact". C’est une discussion avec Transboréal qui a amené Paul-Erik Mondron (Nevicata) à créer la petite collection "L’âme des peuples", qui séduit sur les salons et représente aujourd’hui la moitié de ses parutions ainsi qu’une porte d’entrée à son catalogue. Par cet éditeur belge, les membres de l’UEVI ont trouvé une solution pour leurs livres numériques. Chacun a passé un contrat avec Primento, qui, voyant arriver neuf clients d’un coup, a pu leur consentir des conditions commerciales plus favorables.

En novembre dernier, le site Internet marchand Librairieduvoyageur.com a vu le jour. Il permet la mise à jour d’un catalogue commun et la mise en place d’un stock pour répondre aux commandes. La mise en place d’une solution de stockage mutualisée fait partie des ambitions de l’association, freinée par des choix de diffuseurs différents. Dernier achat mutuel, des sacs en papier avec un logo, le zèbre, et la liste des éditeurs. Les projets ne manquent pas, avec l’envie de créer un poste commun d’attaché de presse et un de relation libraires. S’ils parlent de tout, la limite reste l’ingérence dans les programmes. La coordination des lignes éditoriales demeure un interdit. "On reste des électrons libres, explique Didier Labouche (Géorama). En cela, le symbole de l’association, le zèbre, convient bien : il est exotique, vit en troupeau mais reste indépendant."

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