18 AOÛT - ROMAN France

L'herbe rare de la solitude est-elle plus verte en province qu'à Paris ? Une question que le quinzième roman de Christian Oster laisse en suspens. L'auteur de Rouler en a du moins tranché une autre : il a publié son roman à L'Olivier, après quatorze romans tous édités chez Minuit, dont l'un, Le grand appartement, a raflé le prix Médicis en 1999. Revenons à nos moutons. Ceux que Jean, le narrateur de Rouler, ne doit pas manquer de voir à travers le pare-brise de sa voiture, peu avant Riom, dans le Massif central où le hasard de la conduite automobile le mène un soir. "J'ai pris le volant un jour d'été à treize heures trente. J'avais une bonne voiture et assez d'essence pour atteindre la rase campagne. C'est après que les questions se sont posées." Cet incipit illustre la singularité de ce narrateur qui s'en remet à son seul réservoir d'essence pour déterminer sa destination. Seul indice que Jean donne en pâture au lecteur qui souhaite tailler sa route dans ce roman aussi sûrement que sur une carte Michelin : il entend vaguement finir son périple à Marseille. Une ville qui s'est imposée à lui pour ses "sonorités" et son "orthographe sans piège", et aussi pour sa limite - "une ville avec la mer comme limite, parce qu'en même temps je pensais à une limite". Au gré des départementales, de Riom à Mende, le dieu du hasard le comble ou plutôt le harcèle. C'est fou comme les bords de route et les hôtels de province recèlent d'êtres singuliers ! Jugez plutôt : un homme de cinquante ans qui vient une fois de plus de rater son bac, un couple d'entrepreneurs qui travaillaient dans le plomb, secteur qui n'a pas l'air en forme... Et, bouquet champêtre, une femme qui raccompagne Jean à sa voiture et qui profite de ce sauveur inespéré pour abandonner mari et foyer ! Sans conteste le point d'orgue du roman pour l'effet combiné de drôlerie et de surprise. Bien entendu, cette passagère "clandestine" n'est pas la bienvenue sur la banquette avant. "On ne va pas pouvoir continuer longtemps comme ça", lui lance Jean, frôlant la muflerie. Méfions-nous du besoin de voyager en solo de cet ambivalent devant l'Eternel. Le "road-novel" échoue dans une chambre d'hôtes aux alentours d'Arles où d'autres aventures, déjà préfigurées par des mises en abyme, assaillent le narrateur soi-disant solitaire. Alors, roman sur la géographie, la résistance aux autres ou l'ambivalence humaine ? La combinaison des trois en fait un livre dépaysant et drôlatique, centré sur un narrateur détaché qui ne cesse de décliner les offres de sociabilité... Une dérobade qui induit des introspections cocasses, où il avoue chercher à "tester sa capacité de résister aux autres, à leur façon d'être là".

28.06 2016

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