Cinéma

Thomas Vinterberg: "Loin de la foule déchaînée est loyal au roman, mais pas fidèle"

Carey Mulligan, Thomas Vinterberg et Michael Sheen sur le tournage de Loin de la foule déchaînée

Thomas Vinterberg: "Loin de la foule déchaînée est loyal au roman, mais pas fidèle"

Dans un entretien pour Livres Hebdo, le cinéaste danois explique les différences entre le roman et le film mais aussi pourquoi le livre de Thomas Hardy reste contemporain.

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Par Vincy Thomas
Créé le 02.06.2015 à 21h25

Thomas Vinterberg (Festen, La Chasse) réalise pour la première fois une adaptation, celle d’un grand classique de la littérature anglaise, Loin de la foule déchaînée de Thomas Hardy. Le scénario est signé par l’écrivain David Nicholls (Un jour, Belfond) qui avait déjà écrit l’adaptation des Grandes espérances il y a quelques années. Le film sort dans les salles françaises le 2 juin.
 
Dans un entretien à Livres Hebdo, le cinéaste danois avoue qu’il y a vu « un défi », très loin des films qu’il tourne habituellement. Admirateur d’Autant en emporte le vent et de Docteur Jivago, il voulait réaliser un de ces mélodrames typiques des années 1950 : «  je suis tombé amoureux de ce scénario et j’ai pu prendre les libertés que je voulais ».
 
Les différences entre le livre et le film
 
Thomas Vinterberg : « Il y a d’énormes différences entre le livre et le scénario. Le script est loyal au roman, mais pas fidèle. Le danger d’adapter un livre est d’opérer une castration. Vous devez trancher, couper. David Nicholls a su gérer d’une manière respectueuse l’œuvre de Thomas Hardy, en conservant la langue tout en le rendant « regardable » et contemporain pour le public d’aujourd’hui. Si on prend le livre, les dialogues de Thomas Hardy sont immensément beaux et riches. Mais ils sont incroyablement longs et trop « précieux »! Ça aurait rendu bizarre à l’écran. Le spectateur serait resté à distance. David Nicholls a su rendre ça moderne.

Dans le livre, Bethsheba est plus combattive, plus dynamique, mais moins « aimable ». Or je ne voulais pas qu’on la rejette. Aussi nous l’avons rendue plus vulnérable, plus humaine. Ce qui la rend plus douce et plus romantique.

Enfin, j’assume pleinement que mon épilogue ne soit pas celui du livre. J’ai demandé très tôt à pouvoir avoir une fin plus positive que dans le livre. Pour moi toute l’histoire conduisait vers une fin heureuse et terriblement romantique. Le public méritait cet happy ending et cela n’enlève rien à la cruauté de l’histoire. Tous les personnages sont détruits par les situations, les déceptions, la vie. C’est en fait un processus très humiliant pour chacun des personnages. »
 
Un personnage féminin toujours contemporain
 
Thomas Vinterberg : « Je pense que c’est un portrait de femme très moderne, féministe mais pas dans le sens politique du terme. Thomas Hardy était un visionnaire. Il a inventé un personnage très féministe il y a 140 ans. Mais je pense aussi que la vie des femmes n’a pas tant changé tant que ça depuis. Les conflits intérieurs d’une femme sont sensiblement les mêmes. Ça n’a rien à voir avec les luttes politiques pour l’émancipation des femmes. Il s’agit d’une bataille entre l’indépendance d’une femme et son aspiration à être dévouée à un homme. On confond la dévotion avec la faiblesse. Pour moi il s’agit surtout d’un acte, d’un engagement magnifique. Bethsheba veut apprendre à être dévouée à un homme, comme on apprend les mathématiques. Ce n’est pas un acte de soumission. C’est le génie de Thomas Hardy d’avoir su décrire une femme autonome, érudite qui devient dévouée à un homme. Ce conflit est universel. »
 
Loin de la foule déchaînée a été réédité, avec l’affiche du film en couverture, chez Artipoche en mai. Il est aussi disponible aux éditions Sillage (2011). Le roman de Thomas Hardy a déjà été adapté au cinéma (notamment dans les années 60 par John Schlesinger) et inspiré Posy Simmonds pour son roman graphique, Tamara Drewe, lui-même adapté sur grand écran par Stephen Frears.

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