Sophie Giraud, éditrice pop

Sophie Giraud - Photo Olivier Dion

Sophie Giraud, éditrice pop

Amoureuse des pop-up et de la pop culture, Sophie Giraud fêtera en 2018 les 10 ans d’Hélium, la petite maison jeunesse qu’elle a fondée et qui a été rachetée par Actes Sud en 2012.

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Par Claude Combet
avec Créé le 24.11.2017 à 00h46

Comme dans le livre de Maylis de Kerangal, Dans les rapides, je suis allée à New York à cause de Blondie" : Sophie Giraud qui a incarné pendant cinq ans Naïve Livres avant de fonder Hélium, déclare d’emblée son amour de "la pop culture". Cette littéraire passée par Sciences po, après avoir fait ses classes chez Flammarion, lisant notamment pour Françoise Verny, a passé deux ans et demi à New York, "prête à tout pour aller au concert", exerçant tous les métiers, rédactrice et traductrice pour une agence de communication, serveuse dans un restaurant libanais, vendeuse chez un bijoutier.

Passionnée de "musique, de peinture et de graphisme", Sophie Giraud revendique sa famille d’artistes - une grand-mère pianiste et un grand-père peintre qui fut le dernier élève de Claude Monet. De retour en France en 1991, "sans formation particulière à l’édition mais avec l’envie de faire des livres illustrés", elle se retrouve chez Mila Boutan, petite maison pour la jeunesse, où elle "apprend à tout faire" et qui l’envoie à Francfort vendre les droits parce qu’elle parle anglais. En 1993, elle vend ceux des beaux livres et des titres d’Albin Michel Jeunesse. Elle passe ensuite à l’éditorial et découvre les pop-up, puis créée ses propres albums à partir de 1998 avec le directeur artistique de la maison, Gérard Lo Monaco.

L’école française du pop-up

"Sophie est une personnalité forte, une femme rock and roll qui sait ce qu’elle veut mais qui aime aussi beaucoup rire. Elle a un goût très sûr que l’on retrouve dans ses livres", remarque Elisabeth Kovacs, amie et programmatrice pour la Foire du livre de Bruxelles. La musique la rattrape en 2003 quand Patrick Zelnik fait appel à elle pour Naïve Livres en lui demandant "de faire les livres qui [lui] plaisaient, pour les adultes et pour les jeunes, plutôt liés à la musique mais pas exclusivement". Elle y crée une collection où les auteurs François Bégaudeau, Maylis de Kerangal et Sam Shepard écrivent sur leur musicien favori, Mick Jagger, Blondie, Bob Dylan. Elle encourage le chanteur Renaud qui signe pour les enfants Le petit oiseau qui chantait faux, un pop-up illustré par Serge Bloch. Elle "marie" Jean-Luc Fromental à l’illustratrice Joëlle Jolivet pour un délirant 365 pingouins, devenu un classique qu’elle réédite cet automne. Sans oublier le premier pop-up consacré à Audrey Hepburn et un Pierre et le loup, illustré par Bono. Mais "Patrick Zelnik n’avait pas la culture du livre. Il ne comprenait pas le prix fixe ni le principe des retours."

S’appuyant sur Les Associés réunis, elle fonde Hélium en octobre 2008, avec la volonté de se concentrer sur la jeunesse "parce qu’il y avait des choses à faire du côté du livre animé, qui sait illustrer l’histoire en volume". Elle donne sa chance à un duo de jeunes graphistes, Anouck Boisrobert et Louis Rigaud, qui raconte aux enfants la construction d’une ville dans Popville, premier succès de la maison en France comme à l’étranger. Leur très écolo Dans la forêt du paresseux, sur la déforestation, a aussi marqué les esprits. "Le libraire Jacques Desse appelle ça l’école française du pop-up, celle du livre-récit", souligne-t-elle. La passion est intacte puisque avec Jacques Desse, de La Boutique du livre animé, Brigitte Morel, éditrice des Grandes Personnes, et l’équipe de Gallimard Jeunesse, elle est à l’origine de la première Fête du livre animé, qui a lieu jusqu’au 1er décembre dans les librairies et bibliothèques.

S’amuser

Au bout de cinq ans, faute de trésorerie, elle ne peut pas réimprimer les livres qui se vendent bien et se tourne naturellement vers Actes Sud, son diffuseur depuis Naïve Livres, qui rachète la maison en 2012. Dans son bureau, elle travaille entourée des livres anciens qu’elle collectionne - Le loup et les sept chevreaux des frères Kubasta, un des premiers pop-up venu de Tchécoslovaquie, Le Robinson suisse sous sa couverture années 1930, Les fourchettes de Bruno Munari, Le pont de la rivière Kwaï, dans une maquette de Massin - qui l’ont poussée à rééditer Laurent de Brunhoff (Serafina la girafe), Milton Glazer et Seymour Chwast, du Push Pin Studio.

Elle déniche la Japonaise Yayoi Kusama et son spectaculaire pop-up Alice au pays des merveilles, et poursuit son travail avec des auteurs qui lui restent fidèles "parce qu’on s’amuse" : Jean-Luc Fromental et Joëlle Jolivet, Anouck Boisrobert et Louis Rigaud, Benjamin Chaud qui lui confie Papa Ours et Petit Ours, Delphine Chedru. Elle fait des incursions du côté de la fiction et des adultes avec La française pop de Christophe Conte et Charles Berberian (2015), et, ce mois-ci, avec L’histoire de Ned Kelly, dans lequel Jean-Jacques de Grave a raconté en lino-gravures l’histoire d’un bandit australien anarchiste, qui a inspiré deux films, dont un avec Mick Jagger, et une chanson de Johnny Cash. Toujours sous le signe de la musique.

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