1er avril > Récit Etats-Unis

Un jour, dans un café de Tokyo où Patti Smith rêvait à Murakami, elle a noté son rêve - les rêves sont l’un des matériaux principaux de M Train - dans l’un de ces carnets qui ne la quittent jamais, ou bien l’a gribouillé sur une serviette en papier. Une autre de ses habitudes, comme celle de consommer des litres et des litres de café dans toutes les villes où elle passe, avec du pain de seigle et de l’huile d’olive. C’est son "régime crétois" à elle, et peut-être la recette de sa longévité.

Née en 1946 à Chicago, l’artiste est une rescapée des swinging 60’s & 70’s, des années sex, drugs & rock’n’roll, du New York underground. Sans compter les accidents de la vie, ses maladies d’enfance qui lui faisaient croire qu’elle n’atteindrait jamais l’âge adulte, et tous les drames qu’elle a vécus. "Maintenant, je suis plus vieille que mon amour, que mes amis défunts", écrit-elle. Au premier rang, Robert Mapplethorpe, son amour de jeunesse, mort en 1989, dont elle a fait le héros du superbe Just kids (Denoël, 2010, puis Folio), Fred "Sonic" Smith, l’homme de sa vie, son mari et le père de deux de ses enfants, mort subitement en 1994, un mois à peine avant Todd, son frère chéri. La famille, chez les pieux et modestes Smith, c’était sacré. Et Patricia, l’aînée, veillait sur ses cadets. Une autre figure de M Train, qui passe comme une ombre bienveillante, c’est son père, un "ouvrier de nuit" qui parlait peu mais aimait fort.

Au début de son livre, Patti Smith confie : "Ce n’est pas si facile d’écrire sur rien." Mais ce sont ces riens- là qui font la trame d’une vie. Et la sienne est dense. Devenue célèbre en 1975 avec son album Horses, la musicienne n’a jamais voulu jouer les rock stars. Elle déteste ça, elle vit modestement, voire comme une bohémienne, dans sa maison de New York. Elle ne se cache pas quand elle voyage, répond aimablement quand un fan l’aborde, surtout à Paris, capitale de la France, patrie de ses dieux, Nerval, Rimbaud, et dernière demeure de Jim Morrison, son inspiration, son modèle.

Il faut dire qu’elle a bien d’autres talents : peintre, photographe - des polaroïds, qui scandent M Train et, maintenant, écrivaine reconnue. Depuis Just kids, qui a reçu le National Book Award. A Tokyo, dans son dialogue imaginaire avec Murakami et quelques autres, elle a murmuré : "Tous les écrivains sont des clochards. Puissé-je un jour être comptée parmi vous." C’est fait, et de belle façon.

Maintenant que son café favori, le ’Ino, juste en face de chez elle à Greenwich Village, a fermé, et qu’elle lui a dédié ce "requiem", on l’invite à en trouver un autre, confortable et chaleureux, où écrire ses prochains livres. J.-C. P.

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