12 JANVIER - ROMAN France

Jean-Baptiste Gendarme- Photo CATHERINE HÉLIE/GALLIMARD

On avait laissé Jean-Baptiste Gendarme au sein de son petit monde tendre, drôle et un peu mélancolique, dont le héros était angoissé, hypocondriaque, un brin parano et même enquiquiné par des voisins indélicats. Depuis 2009 et Le temps qu'il faudra, titre prémonitoire, le jeune auteur a justement su prendre son temps pour écrire Un éclat minuscule, un roman sans conteste différent de ses précédents. Plus grave, plus mûr, plus triste aussi. Tout en restant fidèle à ses thèmes favoris, et à cette écriture élégante, gracile, distanciée qui nous avait séduits dès Chambre sous oxygène, son premier roman paru en 2005.

Stéphane, donc, la trentaine, est marié à Clémence, qu'il a rencontrée en 2003, revue en 2004, épousée ensuite. Ils ont un fils qu'ils adorent, Romain, dont la naissance a amélioré son père, le rendant moins égoïste, plus attentif aux autres, moins "rabat-joie ». Car, on l'aura compris, Stéphane est un névrosé, un maniaque des faits divers, qu'il note méticuleusement sur des carnets afin de s'en servir un jour dans des livres ou des documentaires. Bref, un type pas très agréable à vivre, qui souffre d'"apotropaïsme", maladie qui consiste à voir tout en noir. Il faut dire qu'il n'évolue pas dans un contexte familial très réjouissant : sa mère est morte, son père, qui ne s'en est jamais remis, est devenu dément, et son frère a fui tout ça au fin fond de l'Australie. La pauvre Clémence ne doit pas rigoler tous les jours !

On sent bien que, de leur couple, c'est elle le pivot, le moteur. Aussi est-on un peu surpris que Stéphane, qui doit détester voyager, accepte de partir en vacances en Egypte. Rien que tous les deux, sans Romain. Et semble y prendre du plaisir. Alors qu'ils se promènent dans les rues d'Alexandrie, survient un incident que Stéphane remarque à peine, et ne comprend pas tout de suite : Clémence s'effondre. Elle a l'air gravement touchée. Plusieurs personnes s'affairent autour d'eux, promettent que les secours ont été appelés, que tout va bien se passer... Mais le temps s'écoule, interminable, et la jeune femme est au bord du coma. Stéphane, impuissant, lui tient juste la main, murmure les paroles de réconfort que l'on dit dans ces cas-là.

Et toute sa vie ou presque, avant puis depuis Clémence, lui revient en flash-back. Des souvenirs d'enfance, leur rencontre, la naissance de Romain... Gendarme jongle avec les modes narratifs et les temps du récit, les conditionnels, un peu à la manière du Nouveau Roman ou de la Nouvelle Vague. Tentative dérisoire d'exorciser le fatum, de retenir l'être qui s'en va, d'abord par la parole, l'écriture ensuite. "Nous deux encore », comme disait Michaux. Stéphane va prendre conscience que pour lui le pire est bien réel, et que c'est "maintenant ».

Un éclat minuscule est un roman complexe et réussi, qui revisite à sa façon "les choses de la vie" dans un mélange subtil d'amour et de tragédie. Un peu anxiogène aussi, puisqu'il nous rappelle l'absolue fragilité de la vie et de toutes les entreprises humaines.

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