Christine Albanel : « Il faut arrêter de subir la révolution numérique »

F. Groux, F. Bondoux et C. Albanel © FP

Christine Albanel : « Il faut arrêter de subir la révolution numérique »

En avant-première à la conférence de presse qu’elle doit tenir ce mercredi 12 mars à midi, Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication, répond aux questions de Livres Hebdo sur sa politique en faveur du livre. Elle dévoile la liste des membres du futur Conseil du livre qui se réunira en juin et annonce qu’elle vient de signer une convention avec l’Adelc pour aider à la transmission des librairies.

Par Laurence Santantonios
avec ls, cf Créé le 15.04.2015 à 21h52

Livres Hebdo : Comment abordez-vous le salon du livre dans ce contexte conflictuel entre Israël, invité d’honneur, et les pays arabes ?
Christine Albanel : Je l’inaugurerai demain aux côtés du président Shimon Peres. Les appels au boycott m’attristent parce que je suis convaincue que le Salon du livre est un lieu de rencontres et de paix placé sous le signe de la littérature et des valeurs d'échange et de liberté. Ce sont des écrivains qui sont invités et parmi les plus grands. Certains sont d'ailleurs d'ardents défenseurs du dialogue et de la paix. Je pense par exemple à Amos Oz, Abraham Yehoshua ou David Grossman, fondateurs du mouvement « La paix maintenant ».

Lors de la communication de votre Plan Livre en novembre, vous aviez annoncé pour le mois de mars la constitution d’un Conseil du livre. Qu’en est-il?
J’avais entendu cette demande forte des professionnels de créer une instance de médiation représentative, un véritable parlement du livre qui donne la parole à tous ses acteurs et favorise la concertation et l’échange d’expériences. Nous y avons travaillé, et l’arrêté de sa création est en cours. La première séance du Conseil, qui se réunira trois fois par an, aura lieu en juin. J’attends beaucoup de cette instance qui sera à la fois interprofessionnelle et interministérielle et débattra de grands sujets transversaux comme le livre à l’école, la lecture des jeunes, le soutien à la librairie, la politique numérique... Elle rassemblera, sous ma présidence, une vingtaine de membres : des représentants de l’Etat, des professionnels et des personnalités qualifiées (1).

Vous annonciez également à l’automne l’instauration d’un label « Librairie indépendante de référence » (Lir)...
En encadrant le marché du livre, nous avons su, en France, maintenir un réseau de librairies très dense et de qualité. Pour donner à ce réseau les moyens de son indépendance et de son exigence, nous avons immédiatement posé le principe de ce label des librairies indépendantes dans la loi de finance rectificative de décembre dernier. Les derniers ajustements se font avec Bercy actuellement et les critères de labellisation seront prêts à la fin du mois de mars pour être intégrés dans le projet de décret transmis au Conseil d’Etat. Le label devrait concerner entre 400 et 600 librairies en France. Les collectivités locales pourront les exonérer de taxe professionnelle dès 2009 et le Centre national du livre, qui dressera la liste des librairies labellisées à la fin de l’année, disposera dès 2008 d’une enveloppe de 2,5ME qui sera distribuée sous forme de subventions sur projets. Une commission ad hoc sera constituée au CNL pour en décider. Il y aura aussi un fonds spécifique d’aide à la transmission d’environ 3 ME au sein de l’Adelc. Je viens de signer avec Antoine Gallimard, président de l’Adelc, la convention engageant le ministère à ses côtés.


Vous allez lancer au salon du livre la première grande expérimentation d’offre légale de livres sur Internet, Gallica 2. C’est une priorité pour le ministère de la Culture?
C’en est une, et de taille. Il faut arrêter de subir la révolution numérique, comme cela s’est passé pour la musique et le cinéma. Le livre est l’un des derniers secteurs où il nous est encore possible de l’anticiper et de lui donner un sens et des règles précises. Nous lancerons Gallica 2 au Salon du livre avec la Bibliothèque nationale de France, le Centre national du livre et le Syndicat national de l’édition. Cette expérimentation de portail unique, portée par Bruno Racine, où les internautes auront accès à la fois à une offre de contenus patrimoniaux et à une offre légale de contenus sous droits, prolonge et élargit l’action de Jean-Noël Jeanneney. L’expérimentation pour les livres sous droits concerne un premier périmètre de 2 000 livres provenant d’une cinquantaine d’éditeurs partenaires. A l’issue du Salon du livre, nous préciserons le cahier des charges pour la suite de l’expérimentation qui durera un an et sera financée par le CNL. Pendant cette période, de nouveaux éditeurs nous rejoindront et l’offre sous droits devrait rapidement dépasser les 10 000 titres.

Pouvez-vous préciser ce que vous attendez de la mission sur le livre numérique que vous avez confiée à Bruno Patino, président de Télérama et directeur du Monde interactif ?
Cette mission de réflexion et de propositions a pour ambition, justement, d’anticiper sur les changements liés au numérique. Un rapport, qui devrait nous permettre d’étudier toutes les formes possibles de diffusion légale des oeuvres sur Internet, doit nous être remis en mai prochain. Nous étudierons alors comment ses propositions pourront s’articuler avec notre projet de loi sur le droit d’auteur - peut-être sous la forme d’amendements - sachant que le livre a des problématiques spécifiques par rapport à la musique ou au cinéma.

Comment se présente la réorganisation du ministère de la Culture dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP)? Les agents du ministère ont annoncé une nouvelle manifestation de protestation le 20 mars entre la rue de Valois et Matignon.
Nous avons fait la synthèse des travaux engagés sur le sujet et nous construirons ce mois-ci les avant-projets de réforme. Ils seront présentés pour validation en avril ou en mai à la prochaine réunion du Conseil de modernisation des politiques publiques. La réflexion n'est pas achevée. Mais je compte conduire ce chantier dans le respect de l’histoire des grands secteurs de mon département ministériel tel qu’ils se sont constitués au cours des cinquante dernières années, en préparant l’avenir et en relevant les défis induits par la révolution numérique. Ce qui est certain c’est que le Centre national du livre est déjà renforcé dans ses missions. Son président, Benoît Yvert, a toute mon estime. A propos de la Direction du livre, il y aura en tout état de cause une instance administrative au sein de l'administration centrale. Direction déléguée ou délégation, il est trop tôt pour le dire.

De quelle direction dépendront les bibliothèques et disposera-t-on enfin de statistiques nationales qui manquent cruellement à la profession ?
Là encore, cela dépendra de la nouvelle architecture générale du ministère. Elles devraient être rattachées à cette instance administrative du livre, qui sera chargée de la tutelle de la Bibliothèque nationale de France et de la Bibliothèque publique d’information. Le doyen de l’inspection générale des bibliothèques, Daniel Renoult, qui vient de nous remettre un rapport sur les conservateurs d’Etat dans les bibliothèques classées, est chargé d’établir une cartographie française des bibliothèques. Par ailleurs, un observatoire de la lecture publique vient d’être créé au sein de la DLL. Il nous permettra d’orienter nos actions en liaison avec le Conseil du livre.

Propos recueillis par Laurence Santantonios et Christine Ferrand

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