Brest : l’innovation au service du livre

La médiathèque des Capucins occupera les anciens ateliers de l’arsenal. - Photo Cabinet Fortier

Brest : l’innovation au service du livre

Avec son riche vivier d’auteurs, l’une des plus grandes librairies de France et une future bibliothèque à la pointe de la modernité, Brest cultive son goût pour la lecture, inébranlable depuis plus de quarante ans.

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Par Cécile Charonnat
avec Créé le 20.03.2014 à 19h11 ,
Mis à jour le 23.04.2015 à 10h06

Littéraire. Même si ce n’est pas forcément le premier mot qui vient lorsque l’on évoque Brest, l’adjectif colle bien à la ville. D’abord parce qu’elle a vu naître ou a hébergé quelques écrivains célèbres, parmi lesquels Henri Queffélec, Alain Robbe-Grillet, Jean-François Coatmeur ou Tanguy Viel, et qu’elle en a inspiré de multiples autres, tels Mac Orlan, Jean Genet ou, plus près de nous, le dessinateur de BD Kris et le touche-à-tout Arnaud Le Gouëfflec (voir p. 93). Et parce que, parallèlement à ce rôle de muse, Brest est également une ville où la lecture est fortement enracinée. En témoignent un équipement municipal très dense composé de dix bibliothèques et la présence de l’une des plus grandes librairies de France.

Avec ses 1 600 m2 et ses 130 000 références en moyenne, Dialogues, créée en 1976 par Marie-Paule Kermarec et son frère Charles, capte des clients bien au-delà des 140 000 Brestois. C’est que, outre sa taille, elle se distingue aussi par sa capacité à être pionnière dans à peu près tous les domaines. Première à avoir installé des sièges au sein de ses rayons, première à avoir créé un café au cœur de la librairie et l’une des premières à s’être lancée sur le Net, ce qui lui confère aujourd’hui une expertise précieuse en la matière avec, notamment, le site mutualiste ouvert à tous les libraires de France, Leslibraires.fr.

Avec ses 220 rencontres en 2013, un rythme qui sera toutefois ralenti en 2014 pour tomber à une grosse centaine, son club de lecture relayé sur un blog, sa chaîne de TV sur YouTube, ses podcasts, ses chroniques hebdomadaires radiophoniques et son émission mensuelle produite et conçue pour la télé locale Tébéo, Dialogues se veut également un acteur culturel incontournable de la ville. "Le rayonnement de cette librairie et sa force de vente prouvent qu’à Brest on lit beaucoup", remarque Kris, qui se souvient avec émotion du score réalisé par Dialogues lors de la sortie de sa BD produite avec Etienne Davodeau, Un homme est mort. "Avec plus de 5 000 exemplaires vendus, la librairie est devenue une légende chez Futuropolis. Le revers de la médaille, c’est qu’elle assèche un peu le reste du tissu local. Du coup, on a peu de librairies, mais c’est le haut du panier."

Les bibliothèques au cœur de l’action.

Par rapport à la taille de la ville, le nombre de librairies brestoises se révèle en effet plutôt maigre : huit avec l’Espace culturel Leclerc situé en périphérie. De la même façon, hormis le festival Ici & ailleurs, consacré au carnet de voyage et qui se tient tous les deux ans au printemps, la ville ne dispose pas d’événements ou de manifestations propres au livre. "Le réseau de bibliothèques, très actif, focalise toutes les attentions et les énergies de la municipalité", regrette ainsi Galaad Prigent, fondateur de La Petite Librairie qui a tenté de monter, sans succès, son propre festival, qui aurait eu lieu dans son magasin, centré sur la fiction et de la création.

Les bibliothèques municipales constituent en effet l’autre axe de soutien à la lecture et au livre de Brest. Le réseau, constitué à partir des années 1970, a toujours bénéficié de moyens humains et financiers qui ont garanti son entretien et sa rénovation constante, et ce quelle que soit la couleur de la mairie, tenue depuis 2001 par François Cuillandre (PS). Pour Nicolas Galaud, directeur des bibliothèques municipales, la force de ce réseau réside principalement dans sa "proximité avec la population. Les dix établissements couvrent tout le territoire et dans chaque fiche de poste définissant les tâches des agents figure l’obligation de nouer des partenariats avec les différents acteurs du quartier." Le réseau est donc capable de proposer une manifestation par jour ouvrable, soit 250 environ par an. Et comme chez Dialogues, l’habitude de l’expérimentation et de l’innovation a amené Brest à être précurseur, notamment dans les nouvelles technologies. En 2006, la ville a ainsi été la première à créer un réseau wiki, Wiki-brest.net, qui s’est depuis enrichi d’un blog accueillant les critiques de lecture du jeune public et d’un portail des savoirs qui propose notamment des cours en ligne et qui relaie les rencontres de Dialogues. La ville s’est également inscrite dans le projet du prêt numérique en bibliothèque.

L’arsenal des Capucins.

L’innovation est aussi le mot d’ordre qui a présidé à la conception du grand projet brestois en matière de lecture publique. Au début de 2016, la ville disposera d’un équipement ultramoderne, qui s’inscrit dans un projet urbain de grande ampleur, Les Capucins. En lieu et place de l’arsenal militaire s’étendront un quartier d’habitations et un pôle culturel et de loisirs où la future médiathèque devrait jouer un rôle de locomotive et de tête de pont de l’ensemble du réseau, dépassant son rôle de mise à disposition des ressources pour s’apparenter à un véritable centre de formation, d’éducation et de diffusion des connaissances. Sur presque 10 000 m2, elle proposera donc en libre accès 120 000 documents sur tous supports, répartis en cinq univers thématiques et dont une partie est en cours d’acquisition pour un budget total de 500 000 euros. Le projet, qui nécessite de mettre sur la table 22 millions d’euros, devra remplir trois missions. La première est sociale, avec la volonté de faire de la médiathèque un "troisième lieu" de vie, d’échange, d’expression et de rencontres qui offrira de nombreuses places de convivialité. La deuxième est économique, puisque le lieu proposera des services aux entreprises tels des espaces de coworking, d’autoformations, un laboratoire et une cantine numériques en association avec des acteurs innovants ainsi qu’un relais consacré à l’emploi et à la formation en partenariat avec des opérateurs extérieurs. La troisième est culturelle avec une présentation renouvelée des collections faisant la part belle à la disposition en facial et un équipement élargi en auditoriums et en salles d’exposition. "Ce bâtiment, qui reflète les débats actuels autour de la diversification des services et de l’aménagement intérieur, constitue bel et bien la bibliothèque du XXIe siècle, s’enorgueillit Nicolas Galaud. Elle devrait pleinement jouer son rôle : rayonner, innover, attirer." < Cécile Charonnat

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