Dossier Livres d’art

Arts : plus près de toi, lecteur

Sur le stand de la RMN, au Salon du livre. - Photo Ph. Olivier Dion

Arts : plus près de toi, lecteur

Malgré des fermetures inquiétantes de librairies et de maisons d’édition, l’année 2012 a été, grâce au succès des catalogues, moins chahutée que les années précédentes dans le secteur du livre d’art. Les éditeurs tiennent le cap en allant chercher le lecteur là où il se trouve, dans les musées et les foires, et en l’attirant en librairie par un bon choix de thématiques et une intensive communication virale.

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Par Anne-Laure Walter
Créé le 11.10.2013 à 19h29 ,
Mis à jour le 09.04.2014 à 17h41

Il y a de bonnes nouvelles au rayon art, même s’il est dur d’y croire tant les indicateurs sont au rouge. Les éditeurs spécialisés ont su s’adapter au retournement de conjoncture (1) et arrêter l’hémorragie. Ayant connu la crise bien avant les autres secteurs de l’édition, celui du livre d’art a vécu une année 2012 calme, comparée aux deux années précédentes, carrément tempétueuses. Le domaine du beau livre, dont environ 40 % des ventes sont assurées par les livres d’art, finit 2012 en baisse à - 1 % en euros courants par rapport à 2011, au-dessus de la moyenne du marché qui était de - 1,5 %, d’après nos données Livres Hebdo/I+C. Signe positif, des intervenants majeurs comme Gallimard renforcent leur présence dans ce rayon. « Nous ne sommes pas dans une posture de retrait. Nous sommes confiants dans la capacité du marché et des libraires à relayer les propositions », lance Yvon Girard, directeur du développement éditorial de la maison qui publie plus de 40 livres illustrés par an, et dont la production augmentera en 2013 par rapport à 2012. Chez Belin, la marque Herscher, rachetée en 1987, reprend aussi de la vigueur. Avec sa ligne éclectique, elle était restée vivante mais publiait à un rythme très lent, à raison d’un ou deux titres par an. « Dans un marché du livre d’art difficile, nous souhaitons publier des livres pour un public très ciblé sur des formes d’art différentes et peu traitées », explique la P-DG, Sylvie Marcé. Herscher repart en suivant deux lignes : du contemporain avec un axe autour du street art ou plus généralement de supports non traditionnels pour l’art (tatouage) ; et une branche dessin avec la collection « Dess/e/ins » qui conserve les traces graphiques de la création. Par ailleurs, Cahiers d’art qui a cessé sa parution dans les années 1960 redémarre, ainsi que sa maison d’édition (voir encadré p. 62).

 

Les catalogues sauvent la mise

 

C’est le succès des catalogues qui a permis de tirer le rayon et d’équilibrer les comptes des éditeurs. « Nous avons été très frappés par la montée en 2012 de la part des musées-expositions dans les meilleures ventes en art, notamment avec la domination de Hopper au Grand Palais », constate la directrice du département illustré de Flammarion, Sophy Thompson. D’ailleurs, la branche consacrée aux partenariats Skira-Flammarion progresse de 10 % en 2012, notamment grâce à L’impressionnisme et la mode, Paris vu par Hollywood et Paris haute couture. Chez Hazan aussi, l’année 2012 a été bonne grâce aux catalogues qui, pour la première fois, avec 28 nouveautés, étaient plus nombreux que les créations (25 titres). « Les arts de l’Islam au musée du Louvre s’est vendu à 5 000 exemplaires en librairie, et autant sur le site de l’exposition », se félicite Jean-François Barrielle, directeur général d’Hazan.

De fait, les livres de musées se comportent très bien aussi en librairie. Parmi les 23 livres d’art qui figurent dans le classement 2012 des meilleures ventes de beaux livres Ipsos/Livres Hebdo (2), seuls deux ne sont pas liés à une exposition. Le long-seller Guerre et spray, monographie du street artiste Banksy (Alternatives), et un livre humoristique de cinéma, L’encyclopédie Audiard (Hugo & Cie), se situent de surcroît en queue de palmarès. Les ouvrages en rapport avec des expositions au Grand Palais, au Centre Pompidou et au Louvre monopolisent les dix premières places et les catalogues sur Hopper dominent les ventes. Les expositions sur Richter, Matisse et Dali ont fait les beaux jours des éditions du Centre Pompidou, qui réalisent en 2012 la meilleure année du département depuis l’ouverture du musée en 1979. Rien que pour Dali, 30 000 volumes du catalogue et 40 000 de l’album se sont écoulés en plus d’une BD, d’une monographie (5 000 exemplaires) et de l’essai de Vincent Noce, La raison du fou (2 000 exemplaires). L’application s’est même vendue à 5 000 exemplaires.

 

Menaces sur les libairies spécialisées

 

Cependant, hormis les catalogues, le secteur du livre d’art reste extrêmement fragile. Il peine, sans l’appui de partenaires privés ou publics, à tenir par les seules ventes en librairie. Ceux qui, comme Philippe Monsel, à la tête du Cercle d’art, se disent « peu touchés par la crise », ne font pas « le pari que le nombre d’acheteurs sera suffisant pour équilibrer les comptes. Pour la monographie du peintre normand Authouart, nous nous sommes protégés en vendant une partie du tirage à la Matmut qui organisait une exposition à Saint-Pierre-de-Varengeville », précise l’éditeur. Car en nombre d’exemplaires, Ipsos constate en librairie une chute des ventes de livres d’art de 41 % par rapport à 2011, déjà à - 22 %. En valeur, la baisse atteint les 56 % (voir graphiques p. 58). Symbole lourd de sens, les éditions Images en manœuvres, référence depuis 1990, notamment en photographie, ont été placées en liquidation judiciaire en début d’année. De plus, le bureau français de Phaidon s’est séparé de la majeure partie de son effectif suite au rachat de la maison britannique en octobre par un milliardaire américain. Et Thames & Hudson France a fermé. Sa production en langue française pourrait s’arrêter après ce printemps.

Concernant les librairies, les signes sont aussi inquiétants. Le groupe Moniteur a fermé le 30 novembre sa librairie mythique de la place de l’Odéon, créée en 1983 et spécialisée en architecture. Dernièrement, le transfert annoncé par la Réunion des musées nationaux de sa grande librairie du Louvre du très fréquenté rez-de-chaussée de la Pyramide au premier étage, pour la remplacer par le magasin de produits dérivés, a provoqué l’ire des éditeurs et des diffuseurs. Le groupe Art et beaux livres du Syndicat national de l’édition a même demandé à la ministre de la Culture un rendez-vous « pour comprendre ce qu’est la politique de l’Etat en matière de librairie quand il décide de déménager la librairie du Louvre. Quels soutiens aux éditeurs là-dedans ?, demande la présidente du groupe, Pascale Le Thorel. La question se pose aussi lorsque l’on constate que la circulaire Jospin [qui incite à la coédition entre les éditeurs publics et privés, NDLR] n’est pratiquement plus appliquée. » Pascale Le Thorel envisage d’ailleurs une réflexion plus large en créant des assises de l’édition illustrée en collaboration avec un organe syndical des imprimeurs.

 

Coller à l’actualité

 

Dans ce contexte instable, les éditeurs font en sorte d’être au plus près du lecteur potentiel. Celui-ci ne vient plus naturellement en librairie, mais il se presse dans les musées, comme le prouve le succès des expositions ou de la Nuit des musées (2 millions de visiteurs en 2012), dont la 9e édition se tiendra le 18 mai. Il y aura donc en 2013 toujours plus de catalogues. « A chaque fois que nous en avons l’opportunité, nous travaillons avec les musées. Cela nous permet de coller à l’actualité et en même temps de trouver, par des ventes directes, les moyens de réaliser les ouvrages à la mesure de ce que l’on sait faire », explique Yvon Girard (Gallimard). De plus, aujourd’hui, le catalogue vit aussi en dehors du point de vente du musée et parfois au-delà de la période de l’exposition. Chez Skira-Flammarion, le Paris vu par Hollywood s’est mieux vendu en librairie que sur le site de l’exposition. « La crise a conduit à faire moins d’expositions, mais avec plus de moyens, ce qui donne de plus en plus de très gros livres, qui dépassent le simple accompagnement d’un accrochage, et se vendent aussi bien en librairie », constate, à la tête de Somogy, Nicolas Neumann. Sa maison rééditera d’ailleurs en septembre, dans une version reliée pour qu’il devienne un livre de fond, Fables du paysage flamand, le catalogue d’une exposition lilloise qui s’est terminée en janvier, et dont 5 000 exemplaires se sont vendus. Le Centre Pompidou essaie aussi de produire des ouvrages à durée de vie allongée en essayant de « développer une production éditoriale hors exposition pour s’affranchir de la "blockbusterisation" et travailler le fonds », indique Nicolas Roche, qui compte accompagner le nouvel accrochage du musée d’Art moderne sur le thème de la mondialisation avec un ouvrage créant « de l’événementiel sur la collection permanente ».

En outre, les expositions étant souvent coproduites, et présentées dans différents musées pour rentabiliser leur montage, le coup de projecteur médiatique est étendu d’autant. « Voir la mer » de Sophie Calle, installée l’été dernier à Arles, donne lieu à un livre chez Actes Sud en mai, en même temps qu’une nouvelle exposition au Japon, et auparavant une autre à Avignon cet été. L’éditeur en profite pour concocter des nouvelles éditions de Souvenirs de Berlin-Est et de Fantômes et disparitions.

« "Rodin et la lumière de l’antique", qui se monte à Arles, arrivera à Paris en fin d’année ; et "Signac, les couleurs de l’eau", qui est jusqu’en juillet à Giverny, sera montée au musée Fabre à Montpellier. C’est intéressant pour un éditeur car la durée de vie du livre est allongée, et sa visibilité en librairie prolongée », note Line Karoubi, directrice générale de Gallimard Loisirs, chargée depuis deux ans de coordonner le pôle illustré. Skira-Flammarion fait autant que possible le choix de ce type d’exposition, publiant en mai le Louvre Abu Dhabi en lien avec une actualité émiratie qui sera ensuite parisienne. Depuis trois ans, l’éditeur est aussi sur le projet Pasolini Romain, avec une exposition montrée à Barcelone puis à Paris, avant Rome et Berlin. Skira-Flammarion le publie simultanément en français, castillan et catalan le 22 mai, assurant la diffusion en Espagne, puis le coédite en italien et en allemand. Chez Actes Sud, le lourd enjeu éditorial qu’est la grande monographie consacrée à Penone, parue en novembre, va pouvoir être de nouveau mis en avant en librairie puisque celui-ci est l’artiste invité à Versailles de juin à septembre et qu’il va investir la chapelle Saint-Martin du Méjan lors des Rencontres d’Arles-Photographie.

Car pour bénéficier des bonnes ventes du rayon en fin d’année, certains éditeurs n’ont pas hésité à anticiper la parution de leur livre, avant même l’exposition. Paris haute couture a été publié en novembre par Skira-Flammarion alors que l’exposition à l’hôtel de ville de Paris n’a débuté qu’en mars. « Le livre a d’ailleurs été un cadre très utile pour monter cette exposition qui avait été retardée », explique la responsable éditoriale de Skira-Flammarion, Sophie Laporte. Même si l’exposition ne sera pas visible ensuite à l’étranger, le département langue étrangère de Flammarion a traduit le catalogue en anglais pour sa diffusion outre-Atlantique. De même, le Centre Pompidou a d’ores et déjà programmé pour la fin d’année le catalogue de l’exposition sur Cartier Bresson qui sera inaugurée en février 2014.

 

Quel avenir pour les monographies ?

 

Au-delà, les éditeurs d’art se rapprochent de tous les événements - foires, salons ou festivals - qui attirent massivement les collectionneurs, acheteurs de livres au pouvoir d’achat légèrement supérieur à la moyenne. Le groupe Art et beaux livres du Syndicat national de l’édition concentre ses actions sur la présence des ouvrages dans les grandes manifestations. A la fin de mars, les éditeurs ont négocié avec Art Paris l’obtention d’un stand à prix adapté et ont confié une librairie commune à Artcurial. Le groupe sera aussi présent au Festival de l’histoire de l’art à Fontainebleau, et sans doute à la Fiac. Herscher a réalisé le lancement de Tattooisme 2 au Salon du tatouage à Paris en mars. En dehors des expositions, le marché se polarise sur des niches, qu’il faut aller débusquer dans les rassemblements spécialisés. « Pour notre branche dessin, qui correspond à une cible très étroite, notre programme s’articule autour d’événements organisés par l’association Les Traces habiles », signale Sylvie Marcé. Pour expliquer sa bonne année 2012, Nicolas Neumann (Somogy) admet que « le livre est visible là où il doit l’être ». Renouvelant son équipe il y a un an et demi, il a embauché deux anciens libraires à des postes clés : au commercial, Marc-Alexis Baranes (ancien libraire RMN au Louvre, à Lyon et au Quai Branly), et, aux relations avec la presse, Marie Mascoso (ex-libraire à la Manœuvre). « Leur connaissance de la librairie nous permet de vendre mieux nos livres, qui sont plus en adéquation avec le public et avec les territoires. » Pour atteindre les lecteurs, les éditeurs adaptent leur production, réduisant le nombre de créations. Cela pose la question des monographies, et plus généralement de l’ouvrage scientifique, qui n’ont plus de potentiel commercial. Moins de 1 000 exemplaires de la monographie Grünewald par François-René Martin, Michel Menu et Sylvie Ramond (Hazan) ont été mis à l’office : de quoi décourager un éditeur et des auteurs. Et l’accueil de celle sur Paul Klee, attendue depuis six ans, a aussi été assez décevant pour Hazan. « Ce sont évidemment des ouvrages qui durent plus que d’autres, mais en termes de gestion comptable on ne peut malheureusement pas les multiplier. » Gallimard poursuit aussi, par principe, ces monographies. « Nous n’abandonnons pas, car nous préparons un catalogue raisonné de l’œuvre d’Ernest Pignon-Ernest. Mais le risque est tel qu’il faut bien y réfléchir, reconnaît Yvon Girard. Pour le quatrième volume de l’œuvre de Soulage, c’est un engagement de fond qui correspond à l’esprit patrimonial de la maison. »

Flammarion a cessé ce type d’ouvrages et axe ses dix créations annuelles sur des titres abordant l’art par une thématique plus accessible au grand public comme L’histoire de France vue par les peintres ou Hommes et femmes au Moyen Age. Car c’est finalement par le biais du thème du soufisme que le public est arrivé au Cantique des oiseaux illustré par la peinture en islam d’Orient, qui fut un succès chez Diane de Selliers. Citadelles & Mazenod mise également sur la transversalité des thématiques en lançant une nouvelle collection, « Les grands mouvements et tendances », dont le titre inaugural Le romantisme dans les arts de Maria Teresa Caracciolo est paru en avril.

 

Maîtriser sa communication

 

Enfin, les lecteurs sont presque tous aujourd’hui connectés sur la Toile et les éditeurs ciblent ce public accro à l’écran. La RMN joue avec les médias sociaux et a lancé, à l’occasion de « Dynamo, un siècle de lumière et de mouvement dans l’art », au Grand Palais jusqu’au 22 juillet, un concours sur Facebook où les participants doivent repérer des œuvres dans le métro et les photographier avec leur smartphone. Les applications d’aide à la visite ou catalogues se multiplient principalement en accompagnement des expositions à la RMN ou au Centre Pompidou, qui prévoit 14 applications en 2013, dont Pompidou Kids (avec Gallimard), mais aussi chez Découvertes/Gallimard. Diane de Selliers travaille à un nouveau projet d’une appli payante, conçue en interne, après une première expérience d’appli promotionnelle gratuite, L’enfer de Dante illustré par Botticelli qui a nécessité un investissement de plusieurs dizaines de milliers d’euros pour 4 000 téléchargements qui se sont mués en 414 visites sur le site et 3 transformations en achat sur le site Internet.

En outre, faute de reprise dans la presse traditionnelle, certains éditeurs prennent leur communication en main et créent leur propre média. C’est le cas de Frédéric Claquin, directeur de collection chez Herscher, qui dispose du site d’actualité Drawing is not a crime (voir notre article p. 65), ou Philippe Monsel qui a lancé une Web TV d’informations sur l’art contemporain, Whoozart. « Le modèle traditionnel de la propagation de l’information est saturé car les journalistes reçoivent trois fois la quantité qu’ils pourraient traiter. Nous avons voulu faire évoluer la médiation artistique avec les outils modernes : Internet », explique-t-il. Whoozart attire plusieurs milliers de visiteurs à chaque émission, et Philippe Monsel a noué un partenariat avec le comité d’entreprise EDF-GDF touchant potentiellement près de 400 000 salariés et leur famille. La chaîne fait la promotion des ouvrages du Cercle d’art, mais aussi plus globalement de la pédagogie sur l’art contemporain, ce qui pourrait, à terme, faire naître de nouveaux lecteurs là où on ne les attendait pas. <

 

(1) Voir notre dossier « 6 pistes pour se réinventer », LH 906, du 20.4.2012, p. 53-59.

(2) Voir LH 938, 25.1.2013, p. 28.

Le livre d’art en chiffres

Au musée et en librairie

Une sélection parmi les expositions du printemps et celles qui les suivront en générant une abondante production éditoriale :

L’ange du bizarre : le romantisme noir de Goya à Max Ernst au musée d’Orsay à Paris, jusqu’au 9 juin.

De l’Allemagne (1800-1939) : de Friedrich à Beckmann au Louvre, jusqu’au 24 juin.

Philippines, archipel des échanges au Quai Branly à Paris, jusqu’au 14 juillet.

Les Macchiaioli (1850 1877) : des impressionnistes italiens ? au musée de l’Orangerie à Paris, jusqu’au 22 juillet.

Le monde enchanté de Jacques Demy à la Cinémathèque française à Paris, jusqu’au 4 août.

Keith Haring : the Political Line au musée d’art moderne de la Ville de Paris, jusqu’au 18 août.

L’art nouveau à la Pinacothèque de Paris, jusqu’au 8 septembre.

Ron Mueck à la fondation Cartier à Paris, jusqu’au 30 septembre.

• Festival Normandie impressionniste avec trois expositions :

- Eblouissants reflets : 100 chefs-d’œuvre impressionnistes au musée des Beaux-Arts de Rouen, du 29 avril au 13 octobre ;

- Un été au bord de l’eau : loisirs et impressionnisme au musée des Beaux-Arts de Caen, du 27 avril au 29 septembre ;

- Pissarro dans les ports de Rouen, Dieppe, Le Havre au MuMa, musée d’Art moderne André-Malraux du Havre, du 27 avril au 29 septembre.

Rubens et l’Europe au musée Louvre-Lens, du 22 mai au 23 septembre.

Giuseppe Penone au château de Versailles, du 11 juin au 31 octobre.

Roy Lichtenstein au Centre Pompidou à Paris, du 3 juillet au 4 novembre.

Les papesses (Camille Claudel, Louise Bourgeois, Kiki Smith…) au palais des Papes d’Avignon, du 9 juin au 11 novembre.

Le surréalisme et l’objet au Centre Pompidou à Paris, du 30 octobre au 3 mars 2014.

La renaissance des Cahiers d’art

Le collectionneur suédois Staffan Ahrenberg a racheté en octobre 2012 les Cahiers d’art, célèbre revue d’art de la première partie du XXe siècle, mais aussi galerie, rue du Dragon à Paris, et maison d’édition. Dès octobre, les amoureux d’art ont pu retrouver en librairie cette revue artistique et littéraire qui avait été fondée en 1926 par le critique et historien d’art Christian Zervos. Cette publication a accompagné tout l’art moderne (Picasso, Giacometti, Léger, Calder…) jusqu’à ce qu’elle cesse sa parution après 97 numéros en 1960. Le premier numéro à reparaître, en anglais, comprend 136 pages (24,5 x 31,5 cm, 60 euros) et se centre sur l’artiste Ellsworth Kelly. Par ailleurs, depuis mars, les Cahiers d’art ont aussi repris leur activité d’édition. La maison, en son temps, avait publié une cinquantaine d’ouvrages dont des monographies de Matisse, Braque, Le Greco, des ouvrages sur l’art africain ou encore des recueils de poèmes d’André Breton ou de Paul Eluard. Mais son fait d’arme reste la publication du catalogue raisonné des œuvres de Picasso, établi par Christian Zervos avec l’artiste. Le repreneur envisage de rééditer cette bible surnommée « le Zervos », soit 33 volumes et 16 000 illustrations. Mais pour commencer, il propose Alexander Calder et son œuvre, photographiés par Herbert Matter (Calder by Matter). Accompagné d’une exposition à la galerie Cahiers d’art jusqu’au 18 mai, le livre en version anglaise est proposé dans une édition standard (75 euros) et dans une édition collector limitée à 250 exemplaires (2 350 euros). Autodiffusée pour le moment, la maison publiera 5 à 6 ouvrages ambitieux et 3 numéros de la revue chaque année.

De la rue à la librairie

 

Symbolisés par le succès du livre de Banksy, Guerre et spray, les arts urbains se développent depuis quelques années en librairie et dans des réseaux de commercialisation parallèles.

 

Les graffeurs ne sont plus seulement les hors-la-loi vandalisant les murs de nos villes. Ce sont désormais des artistes que les galeries s’arrachent, mais aussi des sujets de livres d’art qui touchent aujourd’hui un large public. Preuve en est l’incroyable succès de la monographie de Banksy, Guerre et spray, parue discrètement le 16 décembre 2010, l’agent s’étant escrimé pendant trois ans à en vendre les droits, et en rupture de stock en moins d’une semaine. Depuis, l’ouvrage n’a jamais quitté les meilleures ventes annuelles de livres d’art. La Fnac Montparnasse, à Paris, fait des tables « street art », tant l’art contemporain urbain a suscité une production éditoriale foisonnante. Elle y présente des titres d’éditeurs spécialisés comme Critères, Alternatives ou Pyramyd, mais aussi Eyrolles avec Le graffiti arabe de Pascal Zoghbi ou encore, marque de l’institutionnalisation de cet art marginal, un « Découvertes » paru chez Gallimard en septembre, L’art urbain : du graffiti au street art de Stéphanie Lemoine, ou, annoncé le 15 mai, un opus de la collection « Mode d’emploi » de Flammarion signé Jérôme Catz. Le graffiti est entré au musée - « Au-delà du street art », une exposition qui vient de fermer au musée de la Poste à Paris - et est réellement devenu respectable, puisque le rayon jeunesse s’emplit de titres. La revue Dada a publié un album Graffiti, de la rue aux musées en mars 2012, Nathan Jeunesse Mon street art book de Dave the Chimp en avril 2012 et, à la rentrée, Pyramyd lancera une collection jeunesse « Black colour book » pour les 6-13 ans, avec des livres d’activités sur le travail d’Atlas ou de Supakitch et Koralie. Enfin, des librairies spécialisées s’ouvrent. Critères, qui avait lancé Nunc ! à Grenoble, a ouvert une deuxième librairie-galerie, fin 2012 à Paris. Et les ventes suivent. « A chaque fois, les ouvrages trouvent leur public et nos tirages oscillent entre 3 500 et 6 000 exemplaires. Nous nous sommes rendu compte qu’il y avait une réelle demande quand Planète graffiti a dépassé les 40 000 ventes », note Céline Remechido chez Pyramyd, qui édite 4 titres par an dans ce domaine.

Woshe, graffeur et auteur du Blackbook chez Alternatives en 2005 et réédité le 15 mai, constate qu’« il y a eu ces dernières années une inflation éditoriale : beaucoup de livres avec des belles images que l’on pouvait trouver sur Internet. Aujourd’hui, la production est plus intéressante, proposant une réflexion sur la pratique et une histoire de cet art. » En effet, le graffiti a désormais une histoire qui peut être racontée, ce qui explique la naissance de ce segment éditorial. « Le graff a 50ans et nous n’avons pas déchiffré un dixième de ce qui existe », poursuit Woshe, qui publie en septembre Alphabeats chez Pyramyd, manuel de typographie et histoire du graffiti.

 

 

Travail de réseau.

Alternatives a été la première maison à s’intéresser aux murs, dès 1985 mais surtout à partir de 2000 avec la parution de Kapital, un an de graffiti à Paris au modeste premier tirage de 3 000 exemplaires mais avec plus de 20 000 ventes. « Aujourd’hui, la tendance évolue vers les artistes de mur plus que vers le graffiti pur », analyse Sabine Bledniak, éditrice chez Alternatives qui prépare une grosse monographie pour les 30 ans de Jef Aérosol. Les artistes qui ont des décennies de pratique derrière eux peuvent analyser leur travail, ses évolutions, le contextualiser par rapport aux autres arts. Herscher racontera le 30 avril l’histoire de 9e concept, collectif d’artistes de street art créé en 1990, et Ankama, au second semestre, celle de 123Klan, graffeurs et graphistes français exilés à Montréal qui pratiquent depuis vingt ans.

 

Les éditeurs ont dû adapter leur mode de commercialisation à ce type d’art et à ses réseaux parallèles. « Les artistes achètent pas mal d’exemplaires pour leurs réseaux, leurs galeries et les magasins de skates ou de bombes. Cela démultiplie la visibilité des ouvrages », explique Sabine Bledniak. Frédéric Claquin, directeur de collection chez Herscher, poursuit : « Il faut creuser les réseaux car il y a des gens très connus dans le milieu qui sont des relais incontournables. » Il a mis en place tout un système pour pouvoir faire passer ces arts auprès du public. « J’ai créé autour des marques Tattooisme et Arttitude un écosystème avec des bandes annonces, des pages Facebook, des flashcodes en quatrième de couverture et dans les livres, ainsi qu’un site d’information, Drawing is not a crime. Le livre est le porte-étendard de l’ensemble. » Tattooisme et Arttitude réunissent respectivement 7 000 et 2 000 fans sur Facebook, et le volume 1 de Tatooïsme a trouvé 6 000 acheteurs en librairie. Parfois, l’éditeur doit s’adapter aux auteurs, à l’instar de Céline Remechido, chez Pyramyd, pour le lancement en juin au Merle moqueur de 15 minutes où Ilk a demandé à cent artistes de fournir un graff inédit. « Une partie des artistes travaillent sous pseudo, car ils sont pistés par la police, raconte- t-elle. Je me vois mal leur demander de venir dédicacer en librairie ! » Une odeur de soufre qui n’est pas pour déplaire aux lecteurs. <


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