Rentrée littéraire 2021

Arnon Grunberg, « Des bons gars » (Jacqueline Chambon) :Matrice consolatrice

Arnon Grünberg - Photo © PD BONNIER

Arnon Grunberg, « Des bons gars » (Jacqueline Chambon) :Matrice consolatrice

L'écrivain hollandais Arnon Grunberg mesure le chagrin et la soif de vivre d'un homme perdant son enfant. Un roman original et perturbant. Tirage à 3000 exemplaires.

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Par Kerenn Elkaim
Créé le 30.09.2021 à 19h26

Longtemps la virilité a pu sembler incompatible avec la paternité, mais cette dernière tend de plus en plus à s'imposer. Geniek Janowski, alias le Polonais, parvient à unir les deux. Ce pompier, installé dans la ville de Heerlen, a deux fils dont Borys, l'aîné. Ce garçon, au caractère renfermé et particulier, a du mal à parler. « Il était encore très enfant malgré sa taille. » Seule une ponette, fragilisée par la maladie, devient son amie. Alors que celle-ci paraît condamnée, c'est Borys qui est emporté en premier, écrasé par un train. Les siens sont dévastés.

Arnon Grunberg a pris le parti de nous livrer la voix de son père. Cet auteur amstellodamois, né en 1971, collectionne les récompenses littéraires belges et hollandaises. Il étonne toujours avec un ton décalé, déjà présent dans Le Messie juif ou Taches de naissance. Ici, il se concentre plutôt sur la tentative de renaissance après la mort. Rien n'est moins simple, tant la disparition de Borys a des répercussions sur le couple parental. Ce roman le scrute dans les moindres détails de sa psyché. Pourtant, le héros et sa binôme Wendy s'accrochent, persuadés qu'ils peuvent surmonter cette épreuve ensemble. « Sa femme l'avait dit, ce qu'on ne peut pas changer, il faut l'accepter. Notre famille est devenue plus petite, il faut qu'on s'y habitue. » Mais il est difficile de faire fi de cette blessure omniprésente qui les détruit à petits feux, y compris jusque dans leur lit.

Point de pathos

Une autre femme surgit alors pour consoler le Polonais. Madame Beckers est mariée à l'un de ses collègues pompiers. Elle rallume un incendie particulier en lui. « Grâce à elle, il avait compris que l'être humain, comme la terre, devait être travaillé. » Pas de doute, vous ne percevrez plus jamais le jus de carottes de la même manière ! Le corps a besoin de s'exprimer, mais à un moment donné, la parole doit aussi se libérer. Chacun vivant sa peine à sa manière, les tensions familiales, entre le protagoniste et Wendy, prennent le dessus. L'antihéros qu'est le Polonais en prend pour son grade. Loin de se dégrader, il va continuer à avancer, espérer, aimer, chuter et se relever. Point de pathos dans ce roman dérangeant, qui fait exploser les tabous tout en explorant l'envie absolue de survivre.

Arnon Grünberg
Des bons gars Traduit du néerlandais par Isabelle Rosselin et Philippe Noble
Jacqueline Chambon
Tirage: 3 000 ex.
Prix: 24 € ; 496 p.
ISBN: 9782330156398

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