Droit

Première partie 

Pour les plagiés, l’invocation du droit de la propriété littéraire et artistique se heurte parfois à des obstacles purement juridiques.

Afin d’être protégée à ce titre, l’œuvre doit en effet répondre à la condition d’originalité. La jurisprudence détecte l’originalité en recherchant «l’empreinte de la personnalité de l’auteur», c’est-à-dire la mise en œuvre de choix qui ne soient pas dictés par le résultat recherché. En clair, une compilation d’informations selon un critère quasi–scientifique et non artistique (par exemple, la simple liste de tous les restaurants chinois de Paris) n’est pas couverte par le droit d’auteur. Par surcroît, les idées, les concepts, principes, formules et autres méthodes ne bénéficient pas plus de cette protection : la propriété littéraire et artistique s’intéresse aux seules «créations de forme». Selon les puristes, les idées sont dites «de libre parcours»…

En clair, certains produits d’édition peuvent souffrir d’un apparent défaut de protection par la propriété intellectuelle la plus traditionnelle, tout en représentant un investissement suffisamment substantiel pour mériter que le droit s’y intéresse. C’est pourquoi la jurisprudence a progressivement accepté le recours à la notion d’action en concurrence déloyale.

La concurrence déloyale repose sur une interprétation du Code civil, qui pose les bases de la responsabilité civile la plus classique, s’appuyant sur une faute, un préjudice et un lien de causalité entre cette faute et ce préjudice. Les tribunaux ont donc développé la notion de concurrence déloyale et la divisent désormais en deux branches bien distinctes. Ils sanctionnent en premier lieu la confusion : un industriel cherche à tromper ; même grossièrement, le consommateur moyen, dont l’attention ou le Q.I. sont supposés être mis à l’épreuve par la richesse des linéaires et l’abondance des piles, qui le font prendre un livre pour un autre.  L’imitation d’une couverture ou d’un titre de collection, par ailleurs relativement anodins mais attirant une clientèle presque captive, relève de ce cas de figure.

Parasitisme 

Le pillage d’une œuvre non protégée par le droit d’auteur, sans pour autant qu’il y ait risque de confusion dans l’esprit du public, est désigné juridiquement sous le terme de parasitisme.

Il s’agit par exemple, de l’emprunt systématique de données ou de l’imitation d’un concept de collection. Le parasitisme peut encore s’exercer par la reprise d’illustrations ou encore par celle d’une banale composition typographique.

Ce qui est réprimé, c’est donc le fait de dispenser sans vergogne d’un investissement en temps, en travail, en argent, en marketing, en promotion, etc. L’économie réalisée permet en effet au concurrent de s’inscrire déloyalement dans le sillage de son prédécesseur.

Il est possible d’agir en contrefaçon et parallèlement en concurrence déloyale, si des agissements litigieux distincts sont décelables.

Le lauréat du Goncourt Jean Vautrin a, spontanément et avant toute action en justice, décidé de mentionner dans Un grand pas vers le bon Dieu les travaux du linguiste Patrick Griolet, auteur notamment d’un lexique cajun intitulé Mots de Louisiane.

Rappelons également que la loi du 1er juillet 1998 sur les bases de données, aujourd’hui transposée dans le Code de la propriété intellectuelle, permet de mieux agir encore contre le pillage d’informations, là où le droit d’auteur traditionnel faillit.

Le tableau comparatif

Toutes catégories confondues, les rhétoriques juridiques que développent plagiaires et plagiés devant les tribunaux sont désormais bien rodées.

En pratique, les professionnels du droit - avocats et magistrats - s'aident tous d'un véritable tableau comparatif des deux œuvres en cause. C’est alors une fastidieuse quête des « points de contact ». Les juges vont en effet chercher si le sujet choisi (la violence familiale, par exemple) nécessite le recours à des situations ou des expressions communes. Il faudra également faire la part de ce qui appartient au fonds commun de la littérature (par exemple, l'amour impossible sur fond de clans ennemis). Le plagiat peut porter sur la «composition» de l’ouvrage (c'est-à-dire le scénario) que sur l' « expression » (c’est-à-dire le style).

Rappelons toutefois que la contrefaçon s’appréciant par les ressemblances et non par les différences, quelques similitudes suffisent à caractériser la contrefaçon et à entraîner la condamnation. En 1993, lors du conflit ayant opposé les héritiers de Margaret Mitchell à Régine Deforges, la Cour d'appel de Versailles a dû, pour laver définitivement la romancière française de toute accusation de contrefaçon, procéder à une analyse minutieuse et comparée des caractères des personnages, de la toile de fond, du contexte, des situations et des scènes.

 

 

19.04 2022

Les dernières
actualités