Les liseuses se réinventent

Alexandre Gefen - Photo Olivier Dion

Les liseuses se réinventent

Parfois dépassées technologiquement, dans un marché qui semble avoir atteint ses limites, les liseuses perdent en intérêt et cherchent à évoluer en passant notamment par le livre audio. De l'autre côté, la dominance du smartphone comme support roi de la lecture numérique paraît inexorable.

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Créé le 05.10.2018 à 19h03

Une quinzaine d'années après leurs premières arrivées dans les foyers, les Kindle, Kobo et autres Booken ont atteint un palier. Depuis plusieurs années, le chiffre de 2 % de Français possédant une liseuse n'évolue plus. La tendance se vérifie au niveau international, et en premier lieu aux Etats-Unis, premier marché mondial, où Amazon, Barnes & Noble, Sony et autres Kobo voient leurs ventes stagner voire diminuer depuis 2014. Si Amazon a vendu 23,2 millions de ses fameuses Kindle en 2011, elle n'en a plus écoulé que 7,1 millions en 2016.

Virginie Clayssen- Photo OLIVIER DION

Surtout, apanage des gros lecteurs et plutôt onéreuses, les liseuses ont une longue durée de vie et n'ont pas besoin d'être remplacées souvent, ce qui explique cette stagnation des ventes. « Un peu comme une voiture, on ne change pas de liseuse tous les ans, explique Alexandre Gefen, directeur de recherche au CNRS spécialisé sur les cultures numériques. Maintenant que toutes les personnes intéressées en sont équipées, il est normal que les chiffres de vente piétinent. Cela signifie que l'équipement est fait, que la cible des grands lecteurs a été
atteinte. »

tablette picto- Photo GILLES VIELLARD

Le dernier « Baromètre des usages du livre », publié par la Société française des auteurs de l'écrit (Sofia), le confirme. Les liseuses perdent peu à peu du terrain chez les lecteurs de l'Hexagone. Si 92 % des lecteurs numériques français utilisaient une liseuse en 2012, ils ne sont plus que 83 % actuellement.

De la lecture à l'audio

Pour rebondir, les fabricants de liseuses cherchent maintenant à se réinventer. Après trois années d'existence, Amazon a cessé, durant l'été 2018, de commercialiser sa liseuse Kindle Voyage, l'un des appareils les plus performants du marché. Désormais, seulement trois appareils constituent la gamme de liseuse du leader mondial de la lecture numérique : le Kindle, le Paperwhite et l'Oasis. Une gamme qui ne devrait pas dans l'avenir se développer, Amazon délaissant de plus en plus le marché des eBooks au profit du livre audio et de sa filiale Audible. Plus tôt cette année, c'était au tour de Google et de son Google Play Livres de se lancer sur le marché du livre audio français.

Chez Kobo, on préparerait actuellement un nouveau modèle encore plus haut de gamme que la « Clara HD », sortie en juin dernier. La marque canadienne devrait y inclure une nouvelle fonctionnalité permettant la gestion de l'audio, confirmant elle aussi son intérêt croissant pour ce marché, peu de temps après avoir lancé, en avril, un service de livres audio en France, en partenariat avec la Fnac et Orange. Via une application mobile (« Kobo by Fnac »), le service propose un abonnement à 9,99 euros par mois donnant accès au téléchargement d'un livre audio, ou à des achats à l'acte pour des prix compris entre 15 et 30 euros. « Le marché du livre audio numérique est en forte croissance à l'international et on retrouve cette dynamique en France. Le marché de l'audio intéresse désormais le grand public et connaît un essor à deux chiffres sous l'effet conjugué de l'équipement mobile et du nomadisme », soutenait, en avril Jean-Marc Dupuis, le directeur de Rakuten Kobo France. « Le livre audio est un livre numérique qui s'écoute, confirme Virginie Clayssen, au Syndicat national de l'édition. Son essor est certain en France, en lien avec l'utilisation des smartphones. C'est tellement facile de se procurer un ebook audio et d'être parti pour des heures d'usages. ».

Tout pour le smartphone

« Cette diminution des liseuses n'est toutefois pas applicable au livre numérique en tant que tel, qui a su trouver sa place, cohabitant avec le format papier », rappelle Aude Luyckx, chez Lettres numériques, média observant depuis 2011 l'actualité du livre numérique francophone, et établi à Bruxelles.« C'est donc uniquement le support qui est remis en cause, précise-t-elle. Si la liseuse reste le premier outil de lecture, elle tend, tout comme la tablette, à se faire distancer par le smartphone, qui répond mieux au besoin d'instantané. »

Car si la stratégie d'achat unique - une liseuse se périme moins vite qu'un téléphone portable ou qu'une tablette - peut être une première explication au déclin des ventes, l'évolution technologique des smartphones en est probablement une deuxième. Grâce à des écrans toujours plus grands et performants, et à des applications, bien souvent gratuites, développées par les distributeurs d'ebooks, le smartphone continue toujours plus de séduire les lecteurs numériques français, qui sont aujourd'hui 34 % à le préférer à la liseuse, un chiffre en forte augmentation depuis cinq ans.

« L'avenir est clairement à la lecture numérique sur smartphone, confirme Alexandre Gefen. Comme au Japon, où tout le monde lit sur des téléphones dotés de confortables écrans de plus de 6 pouces, les lecteurs français sont de plus en plus séduits. -Petit à petit, l'attractivité de la lecture sur smartphone s'affirme. » Une évolution que prédit aussi Virginie Clayssen, qui affirme que « si la liseuse reste le support des grands lecteurs, surtout de ceux qui veulent préserver leurs yeux, le smartphone est en train de remporter la partie auprès du grand public, c'est clair et net »

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