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Le webtoon en France, un secteur guidé par les plateformes sud-coréennes

Lore Olympus, déjà 3ème dans les meilleures de BD - Photo pauline gabinari

Le webtoon en France, un secteur guidé par les plateformes sud-coréennes

Depuis quelques années, le webtoon, un format numérique pensé pour smartphone, est un succès en France. Une réussite due notamment aux nombreuses plateformes sud coréennes dont les antennes fleurissent en France.

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Par Pauline Gabinari
Créé le 14.01.2022 à 18h01 ,
Mis à jour le 17.01.2022 à 15h29

Il n'aura fallu qu'une semaine à Lore Olympus (Rachel Smythe, Hugo BD) pour se hisser à la troisième place des meilleures ventes de bandes dessinées. Un succès qui n'est rien face à l'engouement international de sa version originale, un webtoon diffusé sur la plateforme sud-coréenne du même nom, déjà lu par 5,3 millions de lecteurs. Peu connues il y a quelques années en France, ces histoires au format numérique pensées pour le smart phone, sont de plus en plus lues par un jeune public. De quoi susciter l'envie de nombreux éditeurs qui tentent de se placer dans un marché déjà drainé par les pure players sud-coréens.  

Les débuts 

C'est sur une plate-forme française qu'est publié dans l'Hexagone le tout premier webtoon. "Quand j'ai lancé Delitoon en 2011, personne n'y croyait. Je passais pour un véritable ovni !", raconte Didier Borg, son fondateur. Issu du milieu de l'édition, il découvre ce format en 2008 chez Casterman où il était éditeur. Dès le début, il voit dans le webtoon un potentiel certain : "Deux évidences se sont imposées à moi : la façon dont ce format s'adaptait parfaitement à la génération "digital native" et la logique du feuilleton, idéale pour fidéliser le lecteur", développe-t-il. Malgré des débuts prometteurs, les éditeurs français ne suivent pas le mouvement laissant la place aux plateformes sud-coréennes qui s'implantent progressivement en Europe. Toomics, Tappytoon, Naver... Elles sont nombreuses à lancer leurs antennes en France. Lors d'un webinaire organisé par le Centre Culturel Coreen, le responsable de la branche française de Naver, Sol Kim, explique d'ailleurs : "La France est le marché européen le plus facile [car] c'est un pays où l'industrie traditionnelle de la bande dessinée existe depuis très longtemps et à très grande échelle". Un intérêt suivi par d'autres pays d'Asie comme le Japon qui arrive cette année avec le service d'abonnements, Piccoma.   

Une question de format

Malgré une récente impulsion avec la création des plateformes Webtoon factory par Dupuis et Verytoon par Delcourt, les éditeurs français restent en retrait face à ce format bien différent des BD traditionnelles. Effectivement, le webtoon n'a rien à voir avec la bande dessinée franco-belge. Il s'en distingue par un mode de production rapide, un rythme de publication hebdomadaire, une mise en scène en scroll-telling adaptée aux smartphones et une mise en couleur optimisée pour le numérique. Pour Kim Hyung-Rae, directeur du futur Piccoma Europe, c'est d'ailleurs parce que certaines initiatives françaises ont souhaité calquer la production numérique à la production papier que celles-ci n'ont pas fonctionnées. "Lancer des webtoon ne se résume pas à créer une plateforme ou passer en numérique une BD", résume Didier Borg. "Il faut s'imprégner de la culture sud coréenne et la comprendre", ajoute-t-il, énumérant les nombreux voyages qu'il a réalisés dans le pays.

Les auteurs déchus 

Avec son rythme de publication rapide, le webtoon est parfois associé à une industrialisation plus qu'à un acte de création. Une affirmation que Didier Borg ne nie pas. "On ne peut pas aborder ce métier avec l'amour de l'auteur et du graphisme. Avec le webtoon, on est davantage dans l'amour du succès commercial", explique celui qui ne se considère plus comme un éditeur. Selon lui, c'est aussi à cause de cette logique d'auteurs qu'il est difficile pour le marché français de se positionner. "A l'inverse de la France, le but en Corée n'est pas de faire connaître le nom d'un écrivain mais de diffuser une histoire à un large public", précise-t-il. 

Le "potentiel français" reste pourtant un des objectifs à long terme du géant sud-coréen Naver. Dans les années à venir, son antenne française lancera des concours dans l'Hexagone afin de repérer les nouveaux talents. Une façon d'ouvrir ses horizons pour devenir acteur sur tous les fronts de l'écosystème du webtoon européen. 
 

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