Droit

Le nom de l'auteur, du pseudonyme à la marque (2/4)

Le nom de l'auteur, du pseudonyme à la marque (2/4)

Le droit au respect du nom et de la qualité est un des attributs du droit moral. La jurisprudence précise régulièrement les contours de cette obligation qui incombe aux éditeurs. Deuxième volet de la série "du pseudonyme à la marque". 

Rappelons que les droits moraux font l'objet d'un chapitre entier du Code de la Propriété Intellectuelle (CPI). Les articles qui le composent pèchent cependant par une rédaction lacunaire, et surtout maladroite. La jurisprudence est donc tenue de tracer encore et encore les limites de ces prérogatives, originellement propres au droit d’auteur à la française. 

L’article L. 121-1 du CPI dispose que « l’auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité, (…). Ce droit est attaché à sa personne. Il est perpétuel, inaliénable et imprescriptible. Il est transmissible à cause de mort aux héritiers de l’auteur. L’exercice peut être conféré à un tiers en vertu de dispositions testamentaires ». Ce droit oblige donc l’éditeur à mentionner le nom de l’auteur – et bien souvent, en pratique, des auteurs - sur l’œuvre qu’il publie. Il s'agit pour l’auteur du droit d’être reconnu publiquement comme l’auteur de l’œuvre que le public lit ou consulte. Il dispose là d’un véritable droit de paternité qui s’étend à toutes les manifestations de l’exploitation de son œuvre. Le 28 juin 1983, un éditeur a, par exemple, été condamné par le Tribunal de grande instance de Paris pour avoir omis de mentionner le nom d’un spécialiste qui avait révisé le texte d’une réédition d’un dictionnaire français-espagnol.

Qualité 

Quant au respect de « la qualité », il ne s’agit pas là d’une nouvelle norme ISO applicable à l’édition. La qualité concernée consiste en certains titres dont l'auteur peut légitimement exiger que mention soit faite : « de l'Académie française », « membre de la Société asiatique de Calcutta » (pour l’ouvrage d’un indianiste), « prix Nobel de littérature », etc. Cette exigence est soumise à des limites raisonnables sous peine d’être considérée en justice comme un abus de droit. L’auteur ne peut s’entêter à faire mentionner tout et n’importe quoi. Il faut en ce domaine se référer aux usages en vigueur.

Le nom et éventuellement la qualité de l'auteur devront être apposés, non seulement sur le livre mais encore sur tout document promotionnel ou publicitaire. Le 7 avril 1998, la Cour d’appel de Paris a estimé qu’un catalogue doit comporter le nom du scénariste d’une bande dessinée aux côtés de celui du dessinateur. Des affiches vantant les mérites d’un guide de Paris, et destinées au réseau publicitaire du métro, ont dû être modifiées afin qu’y pût figurer le nom des auteurs. De même, un éditeur a été condamné par le Tribunal de commerce de la Seine, le 2 avril 1951, pour avoir publié un encart publicitaire avec la seule mention : « par l'auteur de L'Histoire de Paris ». Il a été jugé, dès le 29 avril 1998, par le Tribunal de grande instance de Paris, que « la nature du support multimedia » ne dispense pas du respect des prescriptions légales, n’en déplaise à ceux qui l’avaient hâtivement enterré avec l’avènement des nouvelles technologies.

Photographie et illustrations

Bien entendu, l'éditeur ne doit pas oublier que ce droit moral s'applique non seulement à l'auteur du texte mais aussi à ceux des photographies et illustrations, quels que soient, au sein du livre, leur emplacement, leur taille et leur nombre. Les conflits sont nombreux en la matière. Il a ainsi été jugé, le 20 mai 1988, par la Cour de Versailles, que chaque reproduction doit en effet être véritablement accompagnée du nom du photographe et non du nom de la seule agence. La mention « DR » est à proscrire totalement : elle est non seulement attentatoire au droit au respect du nom mais sert trop souvent de cache-misère à de véritables contrefaçons. 

La Cour de Paris a souligné, le 18 février 1988, que le « crédit » peut être collectif seulement s’il permet néanmoins d’attribuer précisément à chaque photographe son œuvre. Cette règle de la nécessaire attribution de chaque cliché s’applique même dans le cas d’une œuvre collective telle qu’une encyclopédie ou une revue. Par ailleurs, les auteurs d’œuvres photographiées – notamment les architectes - peuvent également imposer la mention de leur nom aux côtés de celui du photographe. 

Quant au prête-plume (ce qu’on appelait un « nègre »), s’il est le véritable auteur du texte, ou un des coauteurs, la Cour de Paris a considéré, le 31 janvier 1989, qu’il garde toujours possibilité de révéler son rôle et d’exiger la mention de son nom en tant qu’auteur. Le droit au respect du nom n’impose nullement à l’auteur une totale transparence. Il peut choisir de conserver l'anonymat ou de publier sous pseudonyme. 
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Enfin, il faut rappeler que même dans le cas de créations non susceptibles de protection par le droit d'auteur – telles les idées scientifiques –, la jurisprudence accorde à leurs auteurs un véritable droit de paternité par le biais de la concurrence déloyale, et oblige bien souvent l’emprunteur à mentionner le découvreur.

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