Chronique juridique

Le droit au secret et les lois de la République (1/2)

Le droit au secret et les lois de la République (1/2)

Qu'il soit "professionnel", "de l'instruction", "des affaires" ou encore "défense" : comment le droit français s'empare-t-il de la notion de secret ? 

Le secret est au cœur des débats ouverts par la publication du rapport Sauvé sur les viols et agressions sexuelles présumément commis au sein de l’église catholique. Le secret est aussi la garantie principale de certains exercices professionnels, ainsi que l’édition l’a souvent appris ses dépens, lorsqu’elle a voulu muer le médecin, le prêtre, l’avocat, l’espion ou le diplomate en écrivain ou qu’elle brûle d’empiler les dossiers d’instruction en librairie.

La violation du secret professionnel est sanctionnée par les articles 226-13 et suivants du Nouveau Code pénal. Le texte vise ainsi implicitement les avocats comme les médecins. La publication des souvenirs présidentiels du célèbre docteur Gubler a abouti, depuis 1996, à de nombreuses condamnations. La saga judiciaire du si justement nommé Grand Secret a en effet passionné toutes les instances, judiciaires comme ordinales. Elle s’est achevée devant la Cour de cassation le 14 décembre 1999. Quant au Conseil d’Etat, appelé à se prononcer en dernier ressort sur les sanctions déontologiques, il a estimé, le 29 décembre 2000, que « l’obligation de secret professionnel qui s’impose au médecin ne saurait être levée par la circonstance que le patient aurait lui-même publiquement fait part de son état de santé ou de certains aspects de sa vie privée ou que les informations susceptibles d’être diffusées seraient de nature à intéresser l’ensemble des Français au titre de l’histoire de France ».

Mémoires de Saint-Simon et romans d'espionnage 

Le silence des évêques face aux cas de pédophilie a remis en lumière le secret qui lie les ministres du culte. Mais, comme le souligne le Professeur Hugues Moutouh, le droit canon exige toutefois que le pécheur cherche l’absolution et non un simple conseil, voire un encouragement. Outre l’excommunication, celui qui viole le secret sacramentiel encourt les mêmes sanctions judiciaires que tout autre professionnel (avocat, médecin, etc.)
Diplomates et militaires sont liés par un devoir de réserve. C’est ainsi que les mémoires de Saint-Simon n’ont été publiés originellement que sous une forme très abrégée. Louis XV les ayant fait déposer, sous le secret, aux archives du ministère des Affaires étrangères, la première édition complète remonte donc seulement à 1832. 

La prudence du diplomate Paul Morand l’a incité à prendre des dispositions testamentaires complexes pour différer la publication de ses écrits intimes. Une telle règle peut encore s’appliquer à Saint John Perse, Paul Claudel ou Victor Segalen. De même, les romans d’espionnage publiés par des ex-as de la guerre froide ont toujours suscité de grandes précautions juridiques.

La jurisprudence administrative a consacré l’obligation de réserve à laquelle sont tenus les fonctionnaires, qui s’étend des candidats à la fonction publique jusqu’aux agents publics eux-mêmes. Une telle obligation se concilie parfois difficilement avec le statut général des fonctionnaires, qui garantit expressément leur liberté d’opinion. 

Secret de l'instruction, secret des affaires... 

L'article 11 du Code de procédure pénale organise le si désuet secret de l’instruction. Celui-ci empêche encore la publication des dossiers sur les plus brûlantes des affaires, du dopage aux sectes, en passant, bien entendu, par le financement d’une certaine vie politique. 

Il existe d’ailleurs un secret des affaires, qui s’applique, malgré son nom, aux milieux purement économiques. Il peut justifier des interdictions de publication, tout comme l'article 10 de l’ordonnance du 28 septembre 1967, qui sanctionne l’utilisation abusive d’informations privilégiées.

Le secret des correspondances, prévu notamment à l’article 226-15 du Nouveau Code pénal, vise le « fait, commis de mauvaise foi, d’ouvrir, de supprimer, de retarder ou de détourner des correspondances », y compris par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public. Il concerne donc peu l’édition d’écrits épistolaires. 

En revanche, le fameux secret défense - désormais visé aux articles 413-9 du Nouveau Code pénal et 476-6 et suivants du Code de justice militaire – est encore parfois invoqué pour menacer, là encore, ceux qui s’intéresseraient de trop près aux récits sur les frégates, qui naviguent de Taiwan aux Philippines.
 
(à suivre) 

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