PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE

La protection des créations de mode (2/2)

La protection des créations de mode (2/2)

La mode dans les livres peut s'avérer un parcours d'obstacles, notamment le très pointilleux droit à l'image.

(suite de la première partie)
 
Il peut être tentant de présenter les pièces de mode au sein des livres sur des corps de chair et de sang. Là encore, le contentieux peut s’inviter au bal.

Rappelons d’abord que, en matière de droit à l’image, le consentement de la personne photographiée ne peut être présumé. En clair, l’autorisation est écrite et précise ou bien elle n’existe pas aux yeux des juges. 

Il ne peut être tiré aucune conclusion du fait que quelqu’un se promène dans un leu public, qu’il sourit au photographe ou même accepte verbalement d’être photographié. Il est certain que l’autorisation de photographie ne vaut pas autorisation de reproduire la photographie... 

Le droit des mannequins

Ajoutons que tout écrit afférent à une cession de droit à l’image doit donc être très précis. En vertu d’une sorte de principe « de spécialité », il est surtout nécessaire que les supports ou types d’exploitations (par exemple, première de couverture, PLV ou  livre numérique) soient détaillés. 

Pour compliquer le tout, la jurisprudence admet qu’en matière de droit à l’image, il existe une sorte de droit de repentir, permettant à celui qui a donné son autorisation de revenir sur celle-ci. Les circonstances permettant l’exercice de cette prérogative sont cependant particulières. 

De plus, les mannequins et modèles professionnels exercent dans un cadre législatif extrêmement précis. Le mannequin est en effet défini (selon une loi du 26 décembre 1969, complétée par une autre du 12 juillet 1990) comme « toute personne qui est chargée soit de présenter au public, directement ou indirectement par reproduction de son image, sur tout support visuel ou audiovisuel, un produit, un service ou un message publicitaire, soit de poser comme modèle, avec ou sans utilisation extérieure de son image, même si cette activité n’est exercée qu’à titre exceptionnel ». 

La frontière est donc parfois ténue entre le simple quidam « casté » dans un bar et le mannequin abonné aux shootings. L’un et l’autre sont pourtant susceptibles de se retrouver dans des ouvrages sur le yoga, les mouvements sociaux, la sociologie des familles françaises, etc.  

Aux termes du Code du travail, il est prévu pour le mannequin « professionnel » une rémunération en deux parties, l’une destinée à compenser la prestation consistant à poser, l’autre correspondant à la cession des droits que chacun détient sur sa propre image.

Une cession détaillée

C’est pourquoi, dès lors que la prestation demandée devient substantielle, c’est-à-dire qu’elle dépasse la simple prise d’un cliché au hasard des rencontres du photographe, il convient de conclure un véritable contrat de travail avec la personne photographiée, comprenant par surcroît une cession de droits en bonne et due forme, c’est-à-dire détaillée.

Le Tribunal de grande instance Créteil a rendu, le 15 novembre 2016, une décision rappelant les mentions nécessaires dans toute autorisation concernant une personne photographiée, que celle-ci soit un simple quidam ou une professionnelle… de l’image.

En l’occurrence, une justiciable avait consenti, en 2009, une première autorisation de son image, sur laquelle elle portait de la lingerie dite « intime », image destinée à être diffusée sur un grand nombre de supports : catalogue, site internet, couverture, jaquette, etc.

La dame avait reposé, contre rémunération, en 2010 et 2011, sans pour autant signer cette fois de nouvelle autorisation. Puis elle avait, en 2014 et en toute logique, assigné la société. 

Les magistrats commencent par considérer que, mannequin professionnel, son consentement pouvait être regardé comme acquis en 2010 et 2011, dans les mêmes formes que celui qu’elle avait donné très expressément en 2009. Et que la jeune femme n’avait pu se méprendre sur le caractère érotique de l’exploitation des clichés. Pourquoi pas, dit le commentateur spécialisé.

Les juges ajoutent toutefois que la fameuse autorisation initiale ne compte pas de durée précise pour la cession du droit à l’image. Ils finissent donc par interdire toutes les exploitations, en estimant que « l’autorisation ne saurait être illimitée » et que la requérante était fondée à demander, en 2014, qu’il n’y ait plus aucune exploitation.

La morale de cette historiette judiciaire de lingerie ? La voie la plus sûre consiste encore et toujours à faire signer des autorisations à condition de rédiger celles-ci avec discernement. Nul éditeur ne doit se lancer dans l’exploitation de photographies d’êtres vivants sans s’être assuré que les jeunes – ou moins jeunes - gens si enthousiastes sur l’instant ne vont pas plus tard changer d’avis, en invoquant un droit qui leur est en grande partie favorable.
 
 
 

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