25 août > roman Liban > Rabih Alameddine

"La littérature est mon bac à sable." C’est là que Rabih Alameddine bâtit des univers imaginaires. Né en Jordanie, il évolue entre plusieurs pays, dont le Liban ou les Etats-Unis, où il a ses ports d’attache aujourd’hui. Sa géographie intérieure est tout aussi bigarrée. Après des études d’ingénieur, il bifurque vers la psychologie, la peinture et l’écriture. Un goût pour les destinées atypiques, qu’on retrouve dans Des vies de papier, finaliste du National Book Award.

On y est accueilli par la voix d’Aaliya, une septuagénaire ironique, enthousiaste et très lucide. "Le processus du souvenir est la malignité qui festoie sur mon présent." Le roman nous fait entrevoir son passé, assombri par un mariage forcé à 16 ans. Les femmes ne sont guère libres de leur choix dans le Liban qu’elle décrit, mais Aaliya ne manque pas de caractère. Refusant de plaire à son mari, elle finit par être répudiée. Sa famille est horrifiée, elle y voit une délivrance. Sa chance ? Pouvoir enfin se consacrer entièrement à sa passion littéraire. "Lire un bon livre pour la première fois est aussi somptueux que la première gorgée de jus d’orange qui met fin au jeûne du ramadan."

Férue de philosophie et de romans étrangers, cette "Pessoane invétérée" se délecte de Nabokov, de Yourcenar ou de W. G. Sebald. Aaliya a une prédilection pour les "outsiders pathologiques" à la Spinoza, qui lui rappellent son statut particulier. Loin de pleurer sur son sort, la protagoniste devient libraire, tout en cultivant le mystère. Qui peut imaginer qu’elle traduit ses romans préférés en arabe ? Un acte caché, qu’elle accomplit pour la beauté du geste et de la langue.

"Quand je traduis, je suis visitée par le bonheur. Je me suis enfouie en littérature." Une échappatoire dans l’art qui ne sauvera aucune âme, mais qui nourrit la sienne. "On peut tout apprendre des livres", si ce n’est l’amour, l’amitié, la vie et ses fantômes. Rabih Alameddine imagine une héroïne à l’image de Beyrouth, "vieillissante, imprévisible, magnifique". Mais il compose surtout un hymne à la littérature.

Kerenn Elkaïm

Les dernières
actualités