Dans GQ de décembre (une sorte de Elle pour Lui), où Frédéric Beigbeder occupe le poste d’interviewer en chef, l’invité du mois est Jean d’Ormesson. Beigbeder (qui par ailleurs tient désormais chronique littéraire dans Match : c’est quand même un cran au-dessus de Voici , et il nous a régalés dernièrement d’un fort bon papier sur Paul-Jean Toulet) se mettrait-il en ordre de marche pour postuler dans quelques années à l’Académie ? Sur huit pages (8 pages !), l’échange entre les deux neuilléens (l’un est né à Neuilly-sur-Seine, l’autre y habite) ne décroche jamais de l’agréable conversation de salon, entre gens du même monde qui se crient leur admiration mutuelle. Quand même, cette perle, signée Jean d’Ormesson : « J’ai eu, évidemment, une enfance protégée, mais on ne peut pas faire l’économie de la révolte. Et tu vois, bien que moi n’ayant pas été trotskiste, n’ayant pas été fasciste, je me suis dit qu’il fallait se rebeller d’une façon ou d’une autre et je suis parti avec ma cousine ! C’était pour marquer mon indépendance. On ne peut pas faire l’économie de la révolte… » *** Un éditeur montré du doigt. Un vendeur en librairie qui se voit confisquer son véhicule et retenir en garde à vue… L’affaire des jeunes de Tarnac soulève des questions autrement plus sérieuses que l’aimable babillage de nos deux compères des beaux quartiers. A supposer qu’ils aient vraiment brisé des caténaires de TGV, « ceux de Tarnac » ont agi stupidement. Mais enfin, il n’y a pas eu mort d’homme : les sabotages en question ne pouvaient en aucun cas faire dérailler les trains. Et même la presse la plus aux ordres a bien été obligée de convenir que le « grand complot de l’ultra-gauche » qu’on a voulu nous vendre a fait « pschiit », la justice n’ayant eu d’autre choix que de relâcher la plupart des « accusés ». Mais c’est tout juste si Eric Hazan, le fondateur de La fabrique, et à ce titre l’éditeur de L’insurrection qui vient, présenté comme la « Bible » de ces jeunes révoltés, n’a pas été traité, dans certains articles, de complice. Et, au plus fort de l’hystérie policière, même les comités de soutien spontanément créés pour venir en aide aux accusés, ont été l’objet de persécutions. Le Monde du 4 décembre nous apprenait ainsi qu’en Belgique, un membre de l’un de ces comités, vendeur en librairie, avait été arrêté, retenu en garde à vue, son domicile fouillé par la police anti-terroriste, ainsi que celui de son employeur et de sa petite amie, et sa voiture confisquée au prétexte qu’elle contenait des documents relatifs à l’affaire de Tarnac. Personnellement, je trouve plutôt sain qu’il y ait des éditeurs et des libraires pour penser différemment du 20 heures de TF1 ou du SDD (Le Sarkozy du Dimanche). *** Et « L’affaire du Canard » ? Voilà une autre affaire qui a fait « pschiit ». Certes, Le vrai Canard , publié chez Stock, démarre fort en librairie. Mais c’est plus, à mon avis, un succès de curiosité que de scandale. L’Express de l’autre semaine avait cru frapper un grand coup en publiant les bonnes feuilles de l’ouvrage, avec cette couverture choc, « La face cachée du Canard enchaîné », qui voulait rappeler le tsunami provoqué par la publication de La face cachée du Monde . L’Express cherchait sans doute ainsi à se venger du sobriquet peu flatteur attribué par le Canard à son directeur de la rédaction, Christophe Barbier : Barbier de Servile. Sauf que la lecture de ces bonnes feuilles ne nous apprenait rien que l’on ne sache déjà, ou qu’on ait deviné. Eh quoi, le Canard abriterait ou aurait abrité, sous ses plumes, des accointances avec le pouvoir en place, avec l’extrême gauche, avec l’extrême droite, etc ? Mais comment s’en étonner ? La force du Canard , en près d’un siècle d’existence, c’est d’avoir su marier ces différentes composantes ? et avec humour. Moyennant quoi, il n’est jamais devenu Minute , ni Rivarol , ni Le Crapouillot . En revanche, que l’actuel patron du journal fondé par JJSS et Françoise Giroud crie toutes les semaines au génie du président de la République, et se répande en « Mon amie Carla » (sic) par-ci, « Mon amie Carla » par-là…
17.10 2013

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