Slatkine, un siècle de mutations dans le livre

Ivan Slatkine - Photo Danielle Libine

Slatkine, un siècle de mutations dans le livre

Le petit groupe d’édition franco-suisse, créé à Genève par un émigré juif russe qui n’avait plus que sa bibliothèque à vendre, fait l’objet d’une exposition au sein du Salon du livre de Genève.

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Par Hervé Hugueny,
avec Créé le 20.04.2018 à 01h45

"Mon arrière-grand-père était un agent d’assurance juif et russe, originaire de Rostov-sur-le-Don, qui a d’abord envoyé sa famille en Suisse à l’abri des pogroms, puis s’y est lui-même réfugié. Ruiné en 1918, il commence à vendre sa bibliothèque qu’il avait rapportée dans une boutique de la rue des Chaudronniers, à Genève, que nous gérons toujours et qui est transformée depuis 2016 en café littéraire", raconte Ivan Slatkine. Le P-DG du groupe appartient à la quatrième génération d’une famille qui a survécu, puis prospéré grâce aux livres. Une exposition au sein du Salon du livre de Genève retrace ce siècle d’histoire et d’adaptations.

Le groupe Slatkine emploie directement une vingtaine de personnes en Suisse et en France dans ses marques d’édition et son imprimerie, auxquelles il faut ajouter une quarantaine de salariés des filiales Servidis, diffusion et logistique, dont le contrôle est partagé avec le Seuil (Média-Participations). Le frère d’Ivan, Michel-Igor Slatkine, dirige Diffusion Transat, qui emploie une dizaine de salariés et s’est spécialisé dans la représentation de petits éditeurs francophones sur le marché suisse.

La bibliothèque familiale a servi de socle à la librairie d’ancien et d’occasion, qui a elle-même permis de lancer dans les années 1960 Slatkine Reprints, réimpression de titres rares ou épuisés (fonds Droz), en s’appuyant sur les progrès de l’offset, et à destination des bibliothèques. En 1973, Michel-Edouard Slatkine reprend Honoré Champion, à Paris, pour disposer du fonds de cet éditeur spécialisé dans l’érudition et pour simplifier l’exportation des rééditions en France, où il sera accusé de piller la littérature française! Cette activité entraîne aussi la création d’une imprimerie, aujourd’hui équipée d’une rotative numérique spécialisée dans les courts tirages (400 à à 450 titres par an).

Littérature contemporaine

La baisse de la réimpression conduit à développer l’édition, devenue aujourd’hui l’activité principale de l’ensemble, sous les marques Honoré Champion (10 à 20 nouveautés par an) et Slatkine (régionalisme, érudition, thèses, 60 à 70 nouveautés), complétées de Slatkine & Cie en France et de Cabédita, spécialiste suisse du régionalisme (30 nouveautés). Confiée à Henri Bovet, Slatkine & Cie porte depuis 2016 les ambitions de l’entreprise dans la littérature contemporaine, et sur le marché français où se trouve le vrai potentiel de croissance. "C’est un pari. Nous publions une quinzaine de nouveautés par an en littérature française et étrangère. Si nous les trouvons, nous voulons soutenir aussi deux auteurs suisses chaque année", explique Ivan Slatkine.

La saga de l’auteur italien Luca Di Fulvio, dont le 3e volume vient de paraître (Le soleil des rebelles) en même temps que la version poche du 2e chez Pocket (Les enfants de Venise), a assuré dès le démarrage le succès de ce projet, remarqué l’an dernier aussi avec le témoignage d’Emilie Monk (Rester fort). Les thrillers de Marc Voltenauer portent les couleurs de la Suisse, "sans aide ni subvention d’aucune sorte : c’est une question de philosophie", insiste l’ancien député du parti libéral-radical (centre droit), maintenant président de la Fédération des entreprises romandes, une sorte de Medef des cantons francophones.

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