12 janvier > Récit Libye > Hisham Matar

"On ne choisit pas son histoire", soutient Hisham Matar. La sienne est résolument liée à un pays, la Libye. Il grandit à Tripoli. "Je suis le fils d’un grand homme", à savoir Jaballa. L’opposant à Kadhafi incarne "la quintessence de l’indépendance", mais il en payera le prix fort. Cet "ennemi redoutable" refuse de céder à la peur ou au chantage financier. Pressentant le danger, il met les siens à l’abri, en Egypte. C’est sans compter sur la volonté d’éradiquer les traîtres à la nation.

Jaballa se fait kidnapper en 1990. Direction : la prison d’Abou Salim, un enfer où la torture et les conditions inhumaines sont légion. "Le monde est vide ici", écrit le détenu lorsqu’il parvient à glisser clandestinement un mot hors de ces murs opaques. Sans ce pilier manquant, la famille avance avec des béquilles. "Chacun de nous était à la fois parent et enfant." L’auteur a 19 ans lorsqu’il est frappé par ce drame, qui oriente son écriture romanesque (voir Au pays des hommes, Denoël, 2007). Il opte ici pour un récit, hanté par la nébuleuse disparition. Jaballa a-t-il été exécuté ?

Son fils revendique son "incapacité à résister à l’espoir", tant celui de revoir son père que celui d’assister à une révolution lors du "printemps arabe" en 2011. Mais les geôles libyennes semblent avoir englouti Jaballa Matar. Hisham se lance dans une course effrénée pour découvrir la vérité. Elle le reconduit au bercail. "Le pays entier tenait en équilibre sur la lame d’un couteau." Une plaie qui ravive d’innombrables pertes inexprimées, à commencer par l’exil. Comment "se guérir de son pays. Ce qu’on laisse derrière soi se dissout. Si l’on y retourne, on se confronte forcément à l’absence ou à la défiguration de ce que l’on a chéri."

La construction de son être est aussi entravée par l’impossible relation filiale. "Nous avons tous besoin d’un père contre lequel se révolter. Lorsque votre père n’est ni mort ni vivant, lorsque c’est un fantôme, la volonté est impuissante." A travers l’histoire de cette famille désemparée, on revisite celle de la Libye, une terre blessée qui a du mal à se relever. K. E.

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