Les codes-barres, c’est fini. Ou presque. Dans dix ans, voire moins, les rectangles noir et blanc à base de rayures et de chiffres apparus dans les années 1980 et imprimés sur tous les produits unitaires de consommation courante, du flacon de shampooing au livre, auront définitivement disparu au profit de la technologie RFID (Radio Frequency Identification). Déjà, les puces RFID occupent une place de plus en plus grandissante dans certains secteurs marchands — la pharmacie, par exemple. Et ce n’est qu’un début, car les géants mondiaux de la distribution de masse n’attendent, pour basculer, que certaines améliorations techniques (une plus grande résistance des puces, notamment à l’humidité), et surtout la chute des prix. Or, d’après les experts, la puce RFID à un centime d’euro l’unité, c’est pour demain. La puce RFID remplit, à la base, les mêmes fonctions que le code-barre : l’identification rapide et fiable des articles. Mais là où le code-barre est limité dans la délivrance d’informations, la puce RFID peut enregistrer toutes sortes de données sur l’origine, la traçabilité du produit, etc. Bref, il s’agit d’ « étiquettes intelligentes ». Qui, avantage non négligeable, font également office de sécurité antivol. Last but not least, là où le code-barre nécessite, pour être lu, l’approche physique d’un scanner, la puce RFID , fonctionnant comme son nom l’indique sur la base de fréquences radio, est à lecture volumétrique. Lorsque la technique sera généralisée à tous les produits de consommation courante, il ne sera donc plus nécessaire, au supermarché, de sortir ses achats du caddie pour les aligner sur le tapis de caisse : c’est tout votre chariot qui sera facturé d’un bloc, d’un seul coup de pistolet, ou même en passant sous un portique idoine. Autrement dit, plus de caisses… et plus de caissières, ce qui sera évidemment le revers de la médaille en termes d’emplois. Aujourd’hui, c’est une société d’origine française, TagSys, qui est le leader mondial des infrastructures RFID. Née il y a une dizaine d’années, la société, d’abord basée à Marseille, a désormais installé son siège aux Etats-Unis (dans le Massachusetts) et rayonne aujourd’hui à travers le monde. Pour TagSys ( http://www.tagsysrfid.com /), le livre est, depuis longtemps, un produit intéressant pour cette nouvelle technologie. C’est même aujourd’hui son deuxième plus gros marché, après les blanchisseries industrielles. Dès 1999, première mondiale, TagSys équipait entièrement la Bibliothèque Nationale de Singapour. Beaucoup d’autres ont suivi, comme la bibliothèque de Seattle, ou celle de Hambourg. Avantage pour les bibliothèques : la sécurité antivol, la traçabilité du document et une plus grande facilité d’inventaire, puisqu’au lieu de manipuler chaque document, il suffit désormais de passer dans les rayonnages avec un pistolet décodeur (lire aussi dans notre rubrique « actualité » le témoignage de la Bibliothèque de Nogent-sur-Marne, équipée depuis un an). Et voilà maintenant que les libraires s’y mettent. Le pionnier en la matière est BGN (Boekhandels Groep Nederland), le plus important libraire hollandais avec 42 magasins et jusqu'à 40.000 livres vendus chaque jour. Il a lancé à la fin de 2006 une expérimentation dans deux magasins. Là encore, le premier avantage est de faciliter les inventaires : grâce à la technologie RFID l'inventaire d'un magasin ne devrait plus nécessiter que deux heures de travail et mobiliser uniquement deux employés. Jusqu'à présent, BGN fermait le magasin une journée entière et requerrait une vingtaine de personnes. Si l'expérience est un succès, BGN étendra le système à l'ensemble de ses librairies. Les puces RFID permettront alors de proposer de nouveaux services à valeur ajoutée aux clients : Une fois l’inventaire réalisé, la base de données de la chaîne de librairies sera mise à jour en temps réel à chaque entrée d'un ouvrage et à chaque vente. Il sera ainsi possible de savoir à un instant T dans quel magasin est répertorié tel ou tel titre. Les clients pourront savoir sur le site internet de BGN où trouver le livre qu'ils cherchent, et éventuellement le commander. Ils pourront par la suite être prévenus automatiquement par SMS ou e-mail lorsque leur ouvrage arrivera en magasin. Des projets similaires sont à l'étude en Afrique du Sud et au Portugal. A terme, c’est toute la chaîne du livre qui sera concernée, car les puces RFID, à mesure qu’elles se généraliseront, seront appliquées, comme les codes-barres aujourd’hui, dès la genèse du produit. C’est-à-dire, pour le livre, chez l’imprimeur (notons qu’il existe deux sortes de puces RFID : les « passives », à lecture seule, et les « actives », qui peuvent être réinscriptibles et modifiables quasiment à l’infini). Ce qui ouvre des perspectives dont on n’a pas forcément encore idée. Dans le Monde de samedi dernier, un expert en nouvelles technologies, Bernard Benhamou, évoquait, dans un entretien, « l’Internet des objets » qui se profile : « Si le premier milliard d’internautes s’est connecté au réseau par le biais des ordinateurs, le deuxième milliard sera connecté à Internet par toutes sortes d’objets : produits alimentaires, vêtements, livres… à mesure que les codes-barres (…) seront remplacés par les puces RFID (…). A terme, il sera possible de stocker sur Internet toutes les informations relatives à la vie de ces objets (lieu de fabrication, acheminement, contrôles effectués, etc.)… » voir aussi l'entretien avec Dominique Brunet (Bibliothèque de Nogent-sur-Marne
15.10 2013

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